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Fibrillation auriculaire et forme de l’onde P

Chapitre 3 Analyse de forme de l’onde P de l’´ electrocardiogramme (ECG)

3.4 Fibrillation auriculaire et forme de l’onde P

La fibrillation auriculaire est caus´ee par une multitude d’impulsions, g´en´er´ees par plusieurs foyers, provoquant une sorte de ”tempˆete ´electrique” dans les oreillettes (voir figure 3.5). Ces stimulations multiples font vibrer les oreillettes au d´etriment de la contraction des ventricules. Toute activit´e synchronis´ee a disparu et par cons´equent l’effet m´ecanique, c’est-`a-dire la contrac- tion coordonn´ee des oreillettes, n’a plus lieu. Le coeur perd environ 20% de sa force. Le ventri- cule peut momentan´ement compenser cette perte, mais `a long terme l’´epuisement de ses forces contractiles peut conduire `a l’insuffisance cardiaque.

R´ecemment, il a ´et´e observ´e que les patients ayant eu des attaques de Fibrillation Auriculaire (FA) pouvaient pr´esenter des d´efauts de conduction ´electrique dans les oreillettes mesurables sur l’onde P [126], [133]. Ces d´efauts de conduction sont dus aux alt´erations des propri´et´es ´electriques du tissu cardiaque par les attaques. Ils se traduisent au niveau de l’onde P, le po- tentiel issu de la propagation ´electrique dans les oreillettes, par des changements de sa forme.

Fig.3.5 – G´en´eration de la fibrillation auriculaire (Image : Fondation Suisse de Cardiologie).

Un objectif int´eressant serait d’´etudier ces alt´erations comparativement `a des signaux sains et pouvoir construire un crit`ere permettant la d´etection du risque de FA. Carlson et al. [126] ont propos´e une m´ethode param´etrique, bas´ee sur un mod`ele d’´etats, pour classer les ondes P. Le principal inconv´enient de ce type d’approche param´etrique est l’absence de lien direct vers une interpr´etation physiologique. Le but de notre ´etude est de proposer une m´ethode de classement de forme des signaux adapt´ee `a la probl´ematique. Cette approche emploie le concept d’´egalit´e de forme au sens visuel qui est plus facilement accept´e par les praticiens [15], [39]. La m´ethode propos´ee utilise l’algorithme des nu´ees dynamique coupl´e `a la moyenne ISA, pour le calcul des centres de classes, et le crit`ere MFR, pour mesurer l’´ecart de forme.

Pour cela, nous d´efinissons la version de base du crit`ere MFR. Elle consiste `a calculer l’´ecart de forme sur toute la fonction ϕ qui lie les int´egrales norm´ees de deux signaux positifs s et v : S(t) = V (ϕ(t)). Ainsi, le crit`ere a pour expression discr´etis´ee :

C(s, v) = 1 M v u u tXM i (ϕ(tj)− αtj− β)2 CM F R(s, v) = C(s, v) + C(s, v) 2 (3.1)

o`u M repr´esente le nombre de points utilis´es dans le calcul du crit`ere. Les param`etres α et β sont estim´es par regression lin´eaire sur toute la fonction ϕ. La deuxi`eme op´eration a pour but de symm´etriser le crit`ere. Sous cette d´efinition, le crit`ere MFR mesure ainsi l’´ecart `a la lin´earit´e de la fonction ϕ, indicateur d’une variation de forme au sens visuel (voir section 1.3).

Strat´egies #Seg. Sains (S) #Seg. Path. (P1) #Seg. Path. (P2) Sens. (%) Spec. (%)

Num. 1 20 6 14 60 60

Num. 2 19 11 10 75 70

Tab. 3.4 – Classement de forme d’ondes P pour la d´etection de la FA.

Si nous ne disposons pas d’a priori sur la dispersion, nous pouvons utiliser une version modifi´ee, C1,M F R, du crit`ere C, qui cherche `a s´eparer au mieux les deux signaux s et v. Elle a pour expression : Ci′(s, v) =  1 i i X j=1 (ϕ(tj)− αitj − βi)2+ 1 M− W − i − 1 M X j=i+W +1 (ϕ(tj)− αitj− βi)2 12 C(s, v) = maxi(C ′ i(s, v)) (3.2)

o`u W est une fenˆetre utilis´ee pour estimer αi et βi par r´egression lin´eaire sur une portion de ϕ. En fait, on mesure l’´ecart maximal entre ϕ et une estim´ee de sa tangente.

La deuxi`eme variante du crit`ere est sp´ecifique `a l’application. En effet, sur les ondes P pa- thologiques, il a ´et´e not´e plusieurs types d’alt´erations de forme. Ces types semblent ˆetre li´es `a la localit´e du d´efaut de conduction (oreillette droite ou gauche). Les deux types engendrent une asym´etrie sur l’onde P [133]. Nous allons exploiter cette information a priori pour concevoir un crit`ere MFR modifi´e,C2,M F Rcapable de discerner entre les deux types d’alt´erations. Pour cela, nous utilisons la mˆeme expression que la version de base. La diff´erence r´eside dans l’estimation des param`etres α et β sur un intervalle j = 1, ..., L.

Pour classer les signaux, nous ´elaborons deux strat´egies. La premi`ere strat´egie consiste `a d´efinir 3 classes en utilisant l’algorithme des nu´ees dynamiques et le crit`ereC1,M F R. Les classes correspondent aux signaux sains (S), pathologique 1 (P1) et pathologique 2 (P2). Ces deux derni`eres classes correspondent respectivement `a un d´efaut de conduction dans l’oreille gauche et droite respectivement.

La deuxi`eme strat´egie est `a deux ´etapes. La premi`ere ´etape consiste `a classer, `a l’aide du crit`ere C2,M F R, les signaux en deux classes (S+P2) et P1. En effet, le crit`ere d´etecte le premier type de d´eformation, initialisation rapide de l’onde P et extinction lente qui correspondrait `a un d´efaut sur l’oreillette gauche [133]. La deuxi`eme ´etape n´ecessite d’inverser les signaux pi de la classe (P2+S) en temps :p′i(t) = pi(Ti − t) avec Ti qui est le support temporel de pi. Cette ´etape permet de d´etecter le deuxi`eme type d’alt´eration de forme, inverse du premier, et indicateur d’un d´efaut de conduction de l’oreillette droite Par la suite, nous appliquons la mˆeme proc´edure de classement employantC2,M F R pour classer les signaux de (S+P2) en S et P2. Pour ´eviter la contamination en forme des centre de classe, nous utilisons un seuillage des signaux `a moyenner sur la base du crit`ere employ´e.

Nous testons les m´ethodes propos´ees pour classer des ondes P issues de 20 enregistrements de 1 minute d’ECG, ´echantillonn´es `a 1 kHz, de patients ayant souffert d’´episodes de FA et 20 enregistrements sains. Les signaux ont ´et´e acquis au Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Brest, France par l’´equipe de Prof. J. J. Blanc. les ondes P de chaque segment ont ´et´e seg- ment´ees par des praticiens et corrig´ees en ligne de base. Pour l’op´eration de classement, chaque segment est repr´esent´e par la moyenne ISA, sur environ une s´erie de 35 battements, des ondes P concern´ees.

(a) (b)

(c)

Fig.3.6 – Centre de classe ISA finaux pour les signaux (a) pathologiques P1, (b) pathologiques P2 et (c) sains (S).

Pour chaque strat´egie de classement, nous obtenons les r´esultats expos´es dans la table 3.4. Nous illustrons ces r´esultats sur la figure 3.6 o`u nous exposons les centres ISA finaux pour la strat´egie 2. Les fonctions ϕ sont calcul´ees sur M = 89 points. Pour le calcul des crit`eres, nous fixons les valeurs W = 45 et L = 36.

En accord avec les r´esultats, nous observons une bonne d´etection des patients dans la classe P1 particuli`erement avec la strat´egie 2 (9/11 signaux bien class´es contre 6/6 pour l’approche 1). Les diff´erences de forme avec les enregistrements sains et pathologiques P2 sont importants. Au contraire, les patients de la classe P2 semblent difficiles `a d´etecter par l’approche. Cela est principalement dˆu aux faibles diff´erences de forme des signaux avec les signaux sains. Pour cette classe, la strat´egie 2 fait mieux que la premi`ere (6/10 bien class´es contre 6/14). De la mˆeme ma- ni`ere pour les enregistrements sains, les r´esultats de la seconde approche sont meilleurs (14/19 enregistrements bien class´es contre 12/20).

D’apr`es la figure 3.6, la forme dominante, asym´etrique, des ondes P de la classe P1 est bien caract´eris´ee par une mont´ee rapide et une descente lente avec un allongement de la dur´ee de l’onde. A l’inverse, la forme de la classe P2 a les caract´eristiques inverses avec conservation du support. L’onde P saine est caract´eris´ee par une forme quasi sym´etrique. Toutes ces observations sont pertinentes avec les observations de la litt´erature [133]. Les erreurs de classement obtenues par nos approches peuvent s’expliquer par plusieurs hypoth`eses :

- L’utilisation d’un crit`ere de similarit´e sous optimal pour l’application. - La pr´esence de plus de deux classes pathologiques dans les signaux. - Une variabilit´e de forme naturelle qui rend le classement de forme difficile.

- La pr´esence d’enregistrements de personnes pr´esentant des d´efauts de conduction mais n’ayant pas encore fait d’´episodes de fibrillation.

L’application pr´esent´ee illustre la possibilit´e d’adapter les m´ethodes d’analyse de forme pr´e- sent´ees `a reconnaˆıtre des formes particuli`eres selon l’application et l’a priori que l’on poss`ede. Cette ´etude a fait l’objet d’une publication [40].