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Les femmes oubliées ou héroïnes de leur époque ?

2.1. La voie vers la citoyenneté ou une liberté sous contrainte ?

2.1.2. Féminisme d’Etat à l’époque soviétique : progressions et reculs.

2.1.2.2. Les femmes oubliées ou héroïnes de leur époque ?

Le bilan des réformes de la période soviétique est contrasté. L’intégration des femmes dans la production publique est devenue un axe prioritaire de la politique d’Etat. Le droit au travail, au payement, à l’assurance sociale était fixé dans toutes les Constitutions de l’URSS. L’Etat proposait aux femmes des privilèges et des avantages en droits à cause de leur fonction biologique (être mère). La guerre, la restructuration et le développement économique extensif exigeaient la participation active des femmes, ce qui explique le niveau de l’intégration des femmes relativement élevé dans les différents domaines de la société. Dans cette partie, je décrirai les résultats de la politique d’Etat à l’égard des femmes dans la vie économique, professionnelle et dans l’éducation.

La position des femmes dans la société russe présente, à cette époque, quelques particularités. En premier lieu, il faut mettre en évidence la supériorité numérique des femmes par rapport aux hommes. En effet, d’après le recensement de 1970, il y avait en URSS 130 400 000 femmes pour 111 300 000 hommes. Cette dominante féminine dans la population est une particularité exceptionnelle. Une autre spécificité de la démographie soviétique est l’inégale répartition entre les populations urbaines et rurales. Les déportations massives qui ont fait suite à la collectivisation agraire des années 1928-1930 ont provoqué une forte décroissance dans les populations masculines, aggravée par la Deuxième Guerre Mondiale. Par conséquent, cette simple donnée quantitative explique pourquoi les femmes étaient si favorisées en URSS. Il a été obligatoire, dans la plupart de professions de combler le déficit masculin. C’était une nécessité que l’Etat soviétique devait assumer. Les paysannes ont formé pendant très longtemps une force d'opposition au nouveau régime. Au début de la Révolution d'octobre, les paysans avaient pensé, que le nouveau régime, effectuant le partage des terres, leur permettrait enfin de profiter des produits issus de leurs fermes. La favorisation de ces modestes propriétaires ne faisait pas partie des projets du Parti. Le Parti voulait rapidement propager le socialisme dans les villages, contraindre les paysans à fournir à l'Etat, à des prix fixés par ce dernier, la plus grosse partie de leur production. Le gouvernement a été obligé d'appliquer cette politique

pour nourrir la population des villes grandissantes en raison de l'industrialisation. L’industrialisation allait de pair avec la collectivisation agraire.

En 1926, seulement 9,2% de la main d'œuvre féminine avaient des emplois qui n’étaient pas liés à l’agriculture. En 1939, ce pourcentage avait presque triplé, il était passé à 26,9%. Après la guerre, cette tendance s'est accrue et, en 1959, le pourcentage de la main-d'œuvre féminine employée hors de l'agriculture se montait à 44,7%. Pourtant, en 1974, 45% des travailleurs de l'agriculture étaient encore des femmes198. La collectivisation a représenté un des grands malheurs de la Révolution199.

Sous le nouveau régime, le domaine d'activité des femmes s'est agrandit. Elles apprenaient à utiliser les machines et les tracteurs, faisant parfois face aux préjugés des hommes. Des « brigades féminines » se sont formées et ont obtenu de très bons résultats. Leur niveau d’instruction s’est amélioré avec l'introduction des technologies. Dès 1953, il était possible de compter plus de 6 000 femmes présidentes de kolkhozes, plus de 60 000 étaient membres de la direction des kolkhozes, 28 000 étaient chefs de brigades et environ 100 000 conductrices de tracteurs. En 1960, 15 000 femmes étaient promues des Présidentes de kolkhozes200. C’est ainsi que la presse soviétique parle du fait que le régime kolkhozien a complètement bouleversé la vie des paysannes. C’est aussi la période à laquelle on entend parler des « héroïnes du travail », geroïni trouda, des « novatrices de la production agricole », peredoviki.

Lorsque la guerre a été déclarée en 1941, et que tous les hommes ont été mobilisés, les paysannes font pression, dans le cadre du régime kolkhozien qui était

198 Froment-Meurice G., « La Femme soviétique entre le travail et la famille », Annuaire de

l'URSS et des pays de l'Est, Strasbourg, ISTRA, 1968, p. 55-66.

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Le Parti s’est heurté à la résistance farouche des paysans et, surtout, des paysannes, encore soumises à l'influence du clergé et foncièrement hostiles à un régime athée. Pour vaincre cette résistance, le Parti a engagé la guerre civile dans les campagnes, dressant les paysans pauvres et moyens, les bedniaki et les seredniaki, contre les paysans riches, les koulaki. La guerre a été sanglante. Après le XVe congrès de 1927 qui avait décidé la collectivisation, on a organisé des réunions dans les villages pour convaincre les bedniaki et les seredniaki des avantages du nouveau régime. Alors, le Parti a créé des sections féminines. Il se sont servit des institutrices pour propager les idées nouvelles. On a proposé aux femmes la lecture co llective du journal Krestianka (La Paysanne). Ainsi, réalisée par la force, la collectivisation a finit par s'implanter. Avant la Révolution, on comptait parmi les paysans 35% de bedniaki, 60% de seredniaki et 4 à 5% de koulaki. Après la Révolution, on ne parle plus que de kolkhozes où les paysans de toute catégorie procédèrent, sous le contrôle de l'État, à une exploitation collective des terres et reçurent des salaires correspondant à leurs journées de travail. Mais une concession importante est faite : on a accordé à chaque famille une parcelle de terre qu'elle pouvait cultiver et on l'a autorisé à avoir une vache, du petit bétail et de la volaille. Cette concession a été tout particulièrement appréciée par les femmes.

actif depuis une douzaine d'années, pour remplacer leur mari ou leur frère, mobilisés au front, et pour soutenir l'armée et le pays avec des produits agricoles. Un appel leur a été lancé par le groupe de tractoristes membres du Soviet Suprême. Les femmes des campagnes réagissaient à cet appel désespéré. La guerre a obligé les femmes à perfectionner leur formation technique. Le nombre de femmes cadres a augmenté très rapidement et, après la victoire, elles constituaient de précieuses auxiliaires pour redresser la production.

A partir de ce moment, les femmes jouent dans l'agriculture un rôle aussi important que les hommes. Elles se retrouvent dans l’ensemble des niveaux de l'activité économique et politique dans les campagnes. Le domaine dans lequel elles se distinguent tout particulièrement est l'élevage, ce qui explique que les « zootechniciennes » soient si nombreuses et réputées, telles que les « agronomes », « vétérinaires » et surtout « vachères », skotnitsi, « porchères » svinarki et « trayeuses », doïarki. Aux plus dignes, on fait l'honneur de les recommander au Soviet Suprême de l'URSS à Moscou. Quel privilège pour ces femmes de prendre part à la vie politique du pays.

D'autre part, des Soviets féminins au sein des kolkhozes, dont la tâche présente une importance considérable, soutiennent les organisations locales du Parti pour renforcer la propagande politique parmi les paysannes. Les « activistes » de ces Soviets s’inquiètent de rendre moins pénible le travail des kolkhoziennes, de rendre meilleur leur mode de vie, d'accroître le nombre des établissements préscolaires. Ils essaient de faire tout leur possible afin que les kolkhoziennes puissent mener de front les activités sociales, professionnelles et familiales. De plus, ils incitent les jeunes filles à améliorer leur instruction et leur formation technique. Pour accomplir cette tâche, les activistes des Soviets ont à leur disposition des médias influant : la revue mensuelle Krestianka (La Paysanne) vendue à un tirage impressionnant (environ 13 millions d'exemplaires) à travers tout le pays.

Cependant, selon les données de la sociologue E. Danilova, présentées dans son ouvrage Les problèmes sociaux du travail féminin 201, dans de nombreuses régions, des plaintes se font entendre à propos des fonctionnaires locaux du Parti, négligeant

l'instruction politique et la promotion des cadres féminins à des postes à responsabilités. En raison du manque d'établissements préscolaires, très souvent, de nombreuses paysannes sont forcées d’élever elles-mêmes leurs enfants. De plus, elles sont épuisées par la double charge.

En URSS, tout comme ailleurs, la vie rurale est plus pénible et rude que l'existence citadine. Les statistiques indiquent qu'en 1970, 20% des enfants soviétiques avaient décroché une place dans une crèche ou un jardin d'enfants, parmi eux : 37% représentent des enfants des villes et seulement 7% des enfants ruraux202. Jusqu'en 1965, il était très rare que les kolkhoziens puissent prétendre à la retraite ; la loi sur la pension des kolkhoziens, votée le 15 juillet 1964, est entrée en vigueur seulement le 1er janvier 1965. Elle instaurait la retraite à 65 ans pour les hommes et à 60 ans pour les femmes, bien que le régime général était de respectivement 60 et 55 ans. Les kolkhoziens devraient attendre encore deux années pour avoir le même statut que leurs collègues des sovkhozes203 de même que tous les autres travailleurs. En septembre 1967, le Plénum du PC a rendu définitivement uniforme le système des allocations retraites 204.

Les paysannes ont une vie plus aisée qu'autrefois : elles profitent des facilités de la mécanisation et peuvent bénéficier d’une instruction technique spécialisée. Elles se positionnent de plus en plus au niveau des cadres de l'agriculture moderne. Les statisticiens ont constaté que dans ce secteur, comme dans tous les autres domaines de l'économie nationale, le pourcentage des femmes qui se consacrent à des travaux physiques diminue alors que le nombre des « intellectuelles » augmente régulièrement205. Par ailleurs, les paysannes sont continuellement soutenues par le gouvernement et sollicitées pour perfectionner l'efficacité de leur travail. De nombreux titres honorifiques sont attribués à celles qui se distinguent : des promotions de « héros du travail » sont, par exemple, décernés. L’ensemble de ces nominations est publié, non seulement dans la revue Krestianka, dans les journaux locaux, mais également dans la

201 Danilova E., Social'nye problemi truda zensciny-rabotnicy (Les problèmes sociaux des femmes

travailleuses), Moscou, Mysl', 1968, p. 35.

202 Froment-Meurice G., Vie soviétique, Paris, PUF, 1970, p.87. 203

Le kolkhoze est une coopérative agricole, tandis que le sovkhoze est une ferme d'État.

204 Froment-Meurice G., Vie soviétique, p.119.

205 Itogi vsesojuznoj perepisi naselenja 1970 goda (Le bilan du recensement de la population de

presse de Moscou206. Les écrivains glorifient aussi bien des paysannes. Ils mettent en lumière les aspects suivants : la rigueur de leur existence, leur énergie et leur endurance aux tâches quotidiennes, mais également leurs hautes qualités morales.

A l’opposé des paysannes, les ouvrières ont approuvé assez facilement la Révolution. Il est utile de rappeler que, sous l'ancien régime, les femmes travaillant à l'usine étaient peu nombreuses ; elles représentaient environ 13% des femmes salariées, travaillaient le plus fréquemment dans l'industrie légère et alimentaire, dans les filatures et dans les tissages207. Leurs salaires étaient nettement inférieurs à ceux des hommes. Cette situation explique que les femmes ont placé beaucoup d’espoir dans la Révolution. V. Lénine répétait que « la dictature du prolétariat » rendait meilleure la condition des ouvrières et les faisait collaborer à la construction du socialisme.

Dès novembre 1918, le 1er Congrès des ouvrières et paysannes a mis à son ordre du jour le problème du rôle de la femme dans la production, puis l'année suivante, en mars 1919, le VIIIème Congrès du Parti a adopté une résolution sur « le travail au sein du prolétariat féminin ».

A partir de 1925, il a été proposé que la contribution des masses féminines est nécessaire pour l'industrialisation. Puis à partir de 1928, c’était la période des plans quinquennaux, de plus en plus ambitieux. Il est à remarquer que le Commissariat au travail a projeté en 1930 de mettre en place un plan quinquennal spécial sur le travail féminin, selon lequel il était prévu d'engager dans l'industrie 600 000 femmes. On avait besoin de ces femmes, non seulement dans l'industrie légère, mais aussi dans tous les secteurs de l'industrie lourde, dans la construction, dans les transports.

Quelques chiffres placés dans le tableau ci-dessous donneront l’idée de la rapidité d'augmentation des effectifs d'ouvrières :

206 Signalons à cette occasion que le livre édité par le Komsomol à l'occasion de l'Année

Internationale de la Femme, Cent interviews de Femmes soviétiques, consacre plus de 40 pages à 14 femmes issues de divers villages de l'Union Soviétique, choisies pour l'exemplarit é de leur destin, rude, mais remarquable Sto interv'ju s sovetskimi zenscinami (100 conversations avec des femmes soviétiques), Moscou, Molodaja gvardija, 1975.

207 Pour les trois provinces de Biélorussie, on peut préciser les chiffres suivants : selon les

résultats du recensement de 1897, 37,5% des femmes travaillaient dans l'agriculture, 28,7% étaient employées de maison, 10,2% seulement étaient ouvrières dans l'industrie. Les femmes constituaient 15,2% de l'ensemble des travailleurs de l'industrie. Ces ren seignements sont cités par Juk Z.M., Trud zensciny i sem'ja (Le travail des femmes et la famille), Minsk, Minizdat, 1975, p. 73.

Tableau 1

Pourcentage des ouvrières, par rapport à l’effectif global, dans les différentes branches de l'industrie208

1932 1940 1950 1960 1965 1969 1974 Industrie en général 35 43 46 44 46 48 48 Industrie automobile et métallurgie 21 32 40 49 39 41 42 Industrie de la pâte à papier et de la cellulose 29 49 50 43 44 49 49 Industrie textile 68 69 73 72 73 72 72 Confection 80 83 86 85 84 84 86 Cuirs et fourrures 41 61 62 64 64 68 69 Chaussure 51 56 63 66 66 Alimentation 33 49 51 54 55 57 58 Boulangerie 28 58 61 69 70 74 74 Confiserie 54 67 67 70 71 74 74

Selon les statistiques officielles, pendant les années de la guerre, les femmes représentaient 51% du personnel des usines. Après la victoire de nombreuses femmes ont rendu leurs postes aux combattants démobilisés ; dans de nombreuses usines, les contingents féminins se réduisaient. De 1945 à 1956, le pourcentage des femmes dans l'industrie a diminué de 51 à 45%. Malgré tout, dans l'industrie du bâtiment, la situation restait constante ; le pourcentage de la contribution féminine dans ce domaine se maintient dans une proportion de 30 à 32%. En 1974, les femmes formaient 49% de la main d'œuvre dans toute l'industrie, ce qui dénote d’une notable constance209

.

La législation soviétique s'est, de façon volontaire, efforcée de faciliter le travail des ouvrières d'usine et de les délester en partie des tâches domestiques. Les femmes profitent de longs congés de maternité210, touchent durant toute cette période des allocations au titre des assurances sociales de l'Etat211. En plus de leur congé de

208 Zensciny v SSSR (Femmes en URSS), Moscou, Statistiques, 1975, p. 38. 209 Zensciny v SSSR (Femmes en URSS), Moscou, Statistiques, 1975, p. 32.

210 56 jours consécutifs avant l'accouchement et 56 jours consécutifs après ; en cas d'accouchement

anormal ou lorsqu'elles mettent au monde deux enfants ou plus, elles ont droit à un congé postnatal de 70 jours consécutifs.

211Depuis 1973, ces allocations sont égales au salaire normalement perçu, voir

maternité, elles peuvent, si elles en formulent la demande, décrocher un congé supplémentaire, non rémunéré, jusqu'à ce que l'enfant soit âgé d'un an212. De plus, les syndicats ont fait construire des maisons de repos destinées aux ouvrières ; leur a été mis à disposition pour elles par les syndicats un réseau de crèches, de jardins d'enfants, de centres de consultation médicale qui, comme l’ensemble des soins médicaux, sont non payants213. Cependant, le nombre de ces établissements est plus élevé en ville qu'à la campagne (de ce côté, les ouvrières sont favorisées par rapport aux paysannes), et ce nombre reste encore trop faible. Il faut rappeler que le plan quinquennal envisageait pour 1970 l'accueil de 12 200 000 enfants dans les établissements préscolaires, ce qui ne constitue que 20% du nombre total d'enfants (dont 37% pour la ville et 7% pour la campagne)214. Le problème reste ouvert.

De façon générale, les ouvrières qui expriment le souhait de participer plus activement à la production industrielle et à la vie sociale du pays demeurent pénalisées, car elles n'ont pu être affranchies des multiples tâches découlant de leur triple rôle de travailleuse, d'épouse et de mère. Elles ne pourraient l'être réellement que si la famille n’existait plus, si la collectivisation générale était achevée comme on l'avait imaginé au début de la Révolution et si l'État assurait complètement l'éducation des enfants. Pourtant, ça n’est plus à l’ordre du jour, car la famille est rétablie au fil du temps comme « la première cellule sociale »215. Il reste ainsi deux sujets de polémique : dans quelles situations travaillent les ouvrières ; comment sont-elles payées ? « A travail égal, salaire égal » : tel était le principe figurant dans la Constitution soviétique de 1936. Malheureusement, cette égalité entre l'homme et la femme ne peut être appliquée à la lettre.

Les normes des ouvriers ne sont pas atteintes par la plupart des ouvrières. La Pravda du 24 janvier 1949 faisait observer que le « pourcentage des femmes stakhanovistes216 dans de nombreuses entreprises de construction de machines est inférieur au pourcentage des hommes stakhanovistes ». Ce journal ajoutait que

212 Tous les détails sur le congé de maternité sont précisés dans l'article 71 du nouveau Co de du

Travail du 15.7.1970.

213 Ces crèches reçoivent les enfants de 3 mois à 3 ans, les jardins d'enfants de 3 ans à l'âge

scolaire, c'est-à-dire 7 ans.

214 Froment-Meurice G., Annuaire de l’URSS, p. 87.

215 Juk Z.M., Trud zensciny i sem'ja (Le travail des femmes et la famille), Minsk, Minizdat, 1975,

p. 202.

l'accroissement de la production était lié à la hausse de la « qualification » de l'ouvrier et que cette dernière était soutenue par une éducation professionnelle de plus en plus pointue. Cette éducation s’obtient en participant à des conférences, en consultant des journaux spécialisés, en assistant aux cours du soir. Cependant, de nombreuses ouvrières, qui ont des obligations familiales, ne peuvent pas bénéficier de toutes les opportunités qui leur sont proposées pour améliorer leur qualification.

Pourtant, malgré ces complications, les femmes ont participé de façon active à l'application de tous les plans quinquennaux et leur assistance a été indispensable, pour garantir, à partir de 1928, l'industrialisation généralisée du pays qu'imposait I. Staline. Il estimait la femme comme «une unité de production». Pour lui, l'égalité des sexes, exprimée par la Révolution, énonçait avant tout ceci : les femmes ont le droit et doivent être embauchées comme les hommes à tous les niveaux de la production. On a le droit et l’obligation de leur attribuer toutes les tâches, sans aucune discrimination,ce qui explique le fait que des millions de femmes soviétiques étaient mobilisées et réparties dans toutes les industries lourdes. Les femmes travaillent dans les mines de charbon, dans les aciéries, dans les forges, dans les hauts fourneaux et dans les grandes fabriques automobiles217.

Il faudra patienter jusqu’au début des années 70 pour que la législation essaye de soulager la situation compliquée de ces femmes. Le nouveau Code du Travail du 15 juillet 1970, entré en application le 1 janvier 1971, interdit : d'embaucher de la main- d'œuvre féminine pour les travaux pénibles ou les travaux réalisés dans des conditions insalubres, ainsi que pour les travaux dangereux, pour les travaux situés sous terre, à l’exception de certains emplois souterrains non manuels ou services sanitaires et services courants218.

L'usage de la main-d'œuvre féminine pour les travaux de nuit, les heures supplémentaires et l'envoi en mission des femmes enceintes, des mères qui allaitent ou qui ont un enfant en bas âge est strictement interdit219. Les femmes enceintes sont également assignées aux travaux les moins durs, sans modification de salaire220. Les

217

De nombreux journalistes et observateurs occidentaux ont décrit très négativementle destin de ces femmes. Citons, entre autres, les pages que leur consacra Kurganov I.A. dans Zensciny i Kommunizm (Les femmes et le communisme), New York, Rossika, 1968, p. 70-75.

218 Nouveau Code du Travail de l'Union Soviétique. Loi du 15 juillet 1970, art. 68. 219 Idem., art. 69.

mères allaitant ou possédant des enfants âgés de moins d'un an peuvent bénéficier, en plus du temps pour le repos et les repas, et une pause additionnelle pour leur donner le temps de nourrir leur enfant221 222, et elles sont à l’abri du licenciement ou d'un refus d'embauche223. Malheureusement la législation, très prometteuse dans les textes, est souvent non respectée par les chefs d'entreprise : l’inspection des conditions de travail est moins draconienne en URSS qu'en Occident où les syndicats ne travaillent pas pour l’Etat.

Il est certain que les droits des femmes ont été pris en compte, mais pas toujours respectée, la discrimination effective des femmes se poursuit, car ses origines ne sont toujours pas éliminées. Les obligations familiales et domestiques que cumulent