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4. A POPTOSE ET CANCER

4.2. La famille des protéines BCL-2 et cancer

La famille des protéines BCL-2 joue un rôle essentiel dans l’apoptose. Identifiée dans les années 1980, elle tire son nom de son membre fondateur, Bcl-2 (« B cell lymphoma 2 »), une oncoprotéine surexprimée suite à sa translocation t(14 ;18) dans le lymphome folliculaire humain à cellules B (Bakhshi et al. 1985; Cleary, Smith, et Sklar 1986; Tsujimoto et al. 1984).

4.2.1. Les membres de la famille Bcl-2 et leur activité

Depuis sa découverte, une trentaine de membres ont été identifiés chez les eucaryotes. Au sein de cette famille coexistent des protéines aux fonctions pro- et anti-apoptotiques, pouvant être classées en trois groupes, selon leur composition (Figure 19). L’alignement de leurs séquences protéiques a en effet permis de définir quatre régions de forte conservation appelées domaines BH (Bcl-2 homology), définissant ainsi trois catégories de protéines BCL-2.

FIGURE 19 : REPRESENTATION SCHEMATIQUE DES MEMBRES DE LA FAMILLE BCL-2

(Adapté de Moldoveanu et al. 2014) Les protéines BCL-2 ont en commun un domaine transmembranaire (TM) et le domaine d’homologie BH3, mais certaines possèdent 3 domaines BH 1-4 additionnels. Le « core » des protéines est représenté en gris.

Les protéines anti-apoptotiques

Le premier groupe comprend des protéines anti-apoptotiques : BCL-2, BCL-XL (BCL2L1), BCL-W (BCL2L2), MCL1 (BCL2L3), BFL-1/A1 (BCL2L5), BCL2L10 et BPR (BCL2L12). Ces membres ont une structure tertiaire comparable et se caractérisent également par leurs quatre domaines BH (BH1 4) et un « core ». Il est proposé que ces domaines BH forment une structure globulaire composée d’hélices alpha, comportant une poche hydrophobe (Muchmore et al. 1996; A M Petros et al. 2001). Des expériences de mutagenèse de ces domaines conduisent à une ablation de leur rôle anti-apoptotique (Verhagen et al. 2000). Le domaine BH4, le moins conservé des domaines BH, serait impliqué dans la survie des cellules, en inhibant l’apoptose (D. C. Huang, Adams, et Cory 1998) et plus largement dans l’autophagie, le transport du calcium ou l’angiogenèse, par des interactions protéine-protéine impliquant le « core » et des changements conformationnnels. Il faut cependant noter qu’il existe un variant d’épissage de BCL-XL, qui code pour BCL-XS. Ce dernier possède les domaines BH 3 et 4 mais est dépourvu des domaines BH 1et 2. BCL-XS joue un rôle pro-apoptotique, en inhibant la fonction anti-apoptotique de BCL-XL (Chang et al. 1999).

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Les protéines pro-apoptotiques à multidomaines

Ce second groupe, est constitué des protéines pro-apoptotiques : BAX (BCL2L4), BAK (BCL2L7) et BOK (BCL2L9). Ces protéines sont caractérisées par la présence de 4 domaines BH (BH14) et sont considérées comme les effecteurs de l’apoptose. Tout comme les membres anti-apoptotiques, les 3 domaines BH formeraient une structure globulaire.

Les protéines pro-apoptotiques à domaine BH3 seul

Caractérisé par la seule présence du domaine BH3, ce troisième groupe comprend les membres : BAD (BCL2L8), BID, BIK, BIM (BCL2L11), BMF, HRK, NOXA, PUMA. Parmi eux, les sensibilisateurs (BAD, BIK, HRK, NOXA) exercent leur fonction pro-apoptotique uniquement en inhibant les protéines anti-apoptotiques et d’autres, les activateurs (BID, BIM, PUMA) sont capables d’inhiber les membres anti-apoptotiques et d’activer directement les effecteurs par l’induction de changements conformationnels (Bras, Queenan, et Susin 2005; Green et Chipuk 2008; Juin et al. 2013; Youle et Strasser 2008).

4.2.2. Mécanismes d’action des protéines de la famille BCL-2

Dans ce chapitre, le mécanisme d’action décrit pour les protéines BCL-2 sera restreint à la voie canonique (Figure 20). Ces dernières années, il a été mis en évidence un rôle des protéines de la famille BCL-2 dans la régulation des mécanismes différents de l’apoptose, comme par exemple dans la sénescence ou l’autophagie qui ne seront pas décrit.

Les protéines pro-apoptotiques activatrices possédant un domaine BH3 seulement (BID, BIM et PUMA), d’une part activent les protéines pro-apoptotiques BAX et BAK par des changements conformationnels et d’autre part se lient aux protéines anti-apoptotiques. Une fois activées, BAK et BAX vont s’oligomériser pour former un pore dans la MME et induire ainsi sa perméabilisation (Figure 20). Les protéines anti-apoptotiques BCL-2 sont capables de se lier et d’inhiber BAK et BAX, ainsi que les protéines activatrices à domaine BH3 seul. Enfin les protéines pro-apoptotiques sensibilisatrices constituées d’un domaine BH3 seul, n’activent pas directement BAK et BAX mais entrent en compétition avec elles, afin de se lier aux protéines anti-apoptotiques (Czabotar et al. 2014; Juin et al. 2013; Moldoveanu et al. 2014). Etant donnée cette régulation, il semble que le contrôle de l’apoptose soit le résultat de la balance entre les protéines anti et pro-apoptotiques de la famille de BCL-2.

FIGURE 20 : REGULATION DE L’APOPTOSE PAR LES MEMBRES DE LA FAMILLE BCL-2

(Adapté de Liu et Wang 2012) Les protéines anti-apoptotiques (rouge) inhibent les effecteurs (bleu) soit directement, soit indirectement en inhibant les activateurs (vert-gauche). Les activateurs peuvent inhiber les protéines anti-apoptotiques et activent les effecteurs. Les sensibilisateurs (vert-droite) favorisent l’apoptose en inhibant les protéines anti-apoptotiques. Les effecteurs activés induisent la perméabilisation de la membrane mitochondriale externe (MME). La perméabilisation de la MME conduit à l’apoptose des cellules.

Des études ont contribué à mettre en évidence l’importance des domaines BH 1 à 3 pour l’interaction des protéines de la famille BCL-2 entre elles (Verhagen et al. 2000). En effet les domaines BHs des membres anti-apoptotiques et pro-apoptotiques à multidomaines, peuvent former une poche hydrophobe, capable d’accueillir le domaine BH3 des autres protéines pro-apoptotiques (Chipuk et al. 2010; Andrew M Petros, Olejniczak, et Fesik 2004). La « signature » des contacts hydrophobes et électrostatiques définit l’affinité, la sélectivité et la spécificité des interactions entre les membres de la famille BCL-2 (Day et al. 2008; Ku et al. 2011; A M Petros et al. 2000). Il a notamment été montré que le domaine BH3 de la protéine BAK est nécessaire à sa liaison à son antagoniste BCL-XL et serait nécessaire à la fonction pro-apoptotique de BAK (Holinger, Chittenden, et Lutz 1999). Par ailleurs, la protéine

68  activatrice PUMA, un gène cible de P53, aurait un rôle dans la régulation de l’activité pro-apoptotique de P53, indépendamment de son activité transcriptionnelle (Chipuk et al. 2004). En effet, P53 est séquestré dans le cytosol par sa liaison au core de BCL-XL, or PUMA est capable de se lier à BCL-XL grâce à son domaine BH3 et induit un changement conformationnel de BCL-XL. Ce changement permet la libération de P53 (Follis et al. 2013). Bien que P53 ne possède pas de domaine BH3, il est capable d’activer les effecteurs BAK (Leu et al. 2004) et BAX (Chipuk et al. 2004).

En plus de leurs domaines BHs, une majorité des protéines de la famille BCL-2 possèdent un domaine C-terminal transmembranaire (TM) qui permet leur ancrage aux membranes mitochondriale, réticulaire et nucléaire (Akao et al. 1994; Hsu, Wolter, et Youle 1997; Nguyen et al. 1993). Il a été proposé que cette capacité d’insertion soit liée à leur similitude de structure avec certaines toxines bactériennes, leur permettant de former des canaux/pores transmembranaires modulant ainsi la libération de protéines pro-apoptotiques mitochondriales. Il paraît donc essentiel que ces protéines effectrices soient ancrées à la membrane de la mitochondrie. Du fait de son repliement qui expose sa queue hydrophobe C-terminale, il est suggéré que BAK soit constamment ancré à la membrane (Gavathiotis et al. 2010; M. Suzuki, Youle, et Tjandra 2000). BAX quant à lui, résiderait dans le cytosol puis serait transloqué à la membrane mitochondriale suite à un changement conformationnel (Lalier et al. 2007). Il a été montré que BCL-XL exerce également un rôle anti-apoptotique en inhibant la translocation constante de BAX dans le cytosol (Edlich et al. 2011). Il est proposé que le domaine BH4 leur permette d’interagir avec leurs partenaires, et de jouer un rôle dans la survie cellulaire.

De manière schématique, les protéines pro-apoptotiques BAK et BAX sont les effecteurs terminaux du déclenchement du processus apoptotique. Ces dernières peuvent être inhibées par les protéines apoptotiques. L’inhibition de l’ensemble de ces protéines anti-apoptotiques n’est cependant pas suffisante pour induire la mort des cellules. En effet, ce processus nécéssite la présence des protéines activatrices à un domaine BH3 seul, qui activent les membres BAK et BAX.