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Chapitre 2. Cohomologie de faisceaux

2.5. Faisceau mou

L’espace étalé de préfaisceau qu’on a construit dans l’annexe A.2 peut aussi servir à renforcer le concept de faisceau.

Soit F un faisceau sur un espace X et soit M un sous-espace (pas forcément ouvert) de

X. On peut définir F (M ) comme l’ensemble des sections s : M → ˜F continues. On peut définir les fonctions de restrictions de façon naturelle et on aura un préfaisceau défini sur tout sous-ensemble de X. La façon qu’on a défini F (M ) nous garantit que la condition F1 est respectée sur ces nouveaux ensembles. Quant à F2, elle sera respectée si on recouvre M par des U ∩ M (ouvert dans M ), mais pas lorsqu’on a un recouvrement quelconque. (En particulier, F |M sera un faisceau.)

Toutefois, on a la propriété suivante :

Proposition 2.17. Soit F un faisceau sur l’espace X et soit (Mi)i∈I un recouvrement fermé

localement fini de X. Prenons un si ∈ F (Mi) pour chaque i ∈ I tel que si|Mi∩Mj = sj|Mi∩Mj

pour tout i,j ∈ I. Alors, il existe un unique s ∈ F (X) tel que s|Mi = si pour tout i ∈ I. Démonstration. Étant donné comment on a construit les F (Mi), il est clair qu’on peut

recoller nos si en une section s : X → ˜F . Cette section sera le seul candidat potentiel pour

l’élément s ∈ F (X), mais est-elle continue ? (C’est-à-dire, est-elle dans F (X) ?)

Soit x ∈ X. Comme le recouvrement est localement fini, il existe un ouvert Ux contenant

x qui n’intersecte qu’un nombre fini de Mi (qu’on dénotera Mi1, . . . ,Mik). On a donc que

s|Ux est continue. En effet, pour tout fermé F ⊆ ˜F , on a que

(s|Ux) −1 (F ) = Uxk [ j=1 s−1ij (F ) qui est un fermé dans Ux.

On peut ainsi recouvrir X par des ouverts sur lesquels s est continue. La section s est

donc bien continue sur tout X. 

Les morphismes F (M ) → G(M ) sont définis de la même façon que pour ˜F → ˜G.

On peut identifier l’espace étalé de F |M à la partie de l’espace étalé de F qui est au-dessus

de M (qu’on dénotera ˜FM) : pour tout x ∈ M et pour tout ouvert U ⊆ X contenant x, si

t est un autre représentant de sx, alors il existe un ouvert V ⊆ U contenant x sur lequel s

et t coïncident. En particulier, s(x) = t(x).

On a donc un morphisme ψx : (F |M)x → Fxpour chaque x ∈ M . Remarquons que chacun

des ψx est bijectif. En effet, chacun des sx ∈ Fx est clairement atteint par (s|M)x. Pour

l’injectivité, prenons un ouvert U ⊆ X contenant x et s,t ∈ F (U ∩ M ) tels que s(x) = t(x). Choisissons maintenant une section s0 ∈ F (V ) (où V est un ouvert de X contenant x) telle que s0x = s(x) = t(x). Comme s et t sont continues, il faut que les ensembles s−1(s0(V )) et

t−1(s0(V )) des points où ils coïncident avec la section s0 soient ouverts. En particulier, on a un ouvert contenant x sur lequel s et t coïncident et donc sx = tx.

Maintenant, dénotons F |M par G afin d’alléger la notation. Il ne nous reste qu’à montrer

que la fonction ψ : ˜G → ˜F engendrée par les ψx est un homéomorphisme entre ˜G et ˜FM.

Commençons par montrer qu’elle est continue. Soit A ⊆ ˜F un ouvert. Alors pour tout

sx ∈ ψ−1(A), on a une section t ∈ F (U ) (avec U ⊆ X un ouvert contenant x) telle que

tx = s(x). Comme A est ouvert, ˜t−1(A) est ouvert. On peut donc prendre t0 = ˜. t|˜t−1(A)∩M ∈ G(˜t−1(A) ∩ M ). Cette section est telle que t0x = sx et son image est un ouvert contenant sx

et contenu dans ψ−1(A). Ce-dernier est donc ouvert et ψ est continu.

Pour l’autre condition à vérifier, prenons A ⊆ ˜G ouvert. Pour tout sx ∈ ψ(A) (où s ∈

F (U ) avec U ⊆ X contenant x), posons s0 = ˜. s|

U ∩M ∈ G(U ∩M ). Comme A est ouvert, ˜s0−1(A)

est un ouvert de M . Il existe donc un ouvert V ⊆ X (qu’on peut assumer contenu dans U ) tel que ˜s0−1(A) = V ∩ M . Ainsi, sx est contenue dans l’ensemble ˜FM∩ ˜s(V ) = ˜s(˜s0−1(A)) ⊆ ψ(A)

où ˜s(V ) est ouvert dans ˜F . ψ(A) est donc ouvert dans ˜FM.

On peut donc bien identifier l’espace étalé de F |M et ˜FM. La façon dont on a défini cette

identification nous garantit qu’elle commute avec les morphismes ϕx. Elle est en d’autres

mots fonctorielle.

En particulier, on a le corollaire suivant :

Corollaire 2.18. Soit F → G → H une suite exacte de faisceaux sur l’espace X et soit

M ⊆ X un sous-espace. Alors la suite

F |M → G|M → H|M

associée est aussi exacte.

Démonstration. On a démontré dans l’annexe A.3 que l’hypothèse implique que la suite Fx → Gx → Hx

est exacte pour tout x ∈ X. En particulier, c’est le cas pour tout x ∈ M , ce qui nous donne

la conclusion. 

Définition. Un faisceau F sur un espace X est dit mou si pour tout fermé M ⊆ X, la restriction ρX

M est surjective.

Si M ⊆ X est fermé, alors F |M sera flasque. En effet, si E est un fermé de M , alors ce

sera un fermé de X et toute section dans F (E) se prolongera à une section dans F (X) (et donc dans F (M ).

On voit bien la similitude avec les faisceaux flasques. Celle-ci sera particulièrement visible sur certains types d’espace.

Définition. Soit X un espace de Hausdorff. On dit que X est paracompact si tout recouvre- ment ouvert de X admet un recouvrement ouvert plus fin qui est localement fini (c’est-à-dire que chaque point possède un voisinage n’intersectant qu’un nombre fini d’éléments du re- couvrement).

Tout sous-espace fermé d’un espace paracompact est paracompact. (Pour le montrer, il suffit de transformer le recouvrement du sous-espace à un recouvrement de X en y ajoutant son complément.)

Proposition 2.19. Soit F un faisceau sur un espace X paracompact. Alors toute section s

sur un fermé M ⊆ X peut être prolongée à un voisinage de M dans X.

Démonstration. Pour chaque x ∈ M , on sait qu’il existe un ouvert Ux ⊆ X contenant

x et une section t ∈ F (Ux) qui coïncide avec s sur U ∩ M . Prenons un ouvert Vx ⊆ Ux

contenant x et tel que ¯Vx ⊆ Ux (on peut, car X est de Hausdorff) et recouvrons M avec

les Vx. Comme M est paracompact (c’est un fermé dans un espace paracompact), on peut

prendre un sous-recouvrement {Vi}i∈I localement fini. On notera par si la section associée à

Vi. Soit W l’ensemble des x ∈ X tels que pour tout i,j ∈ I, si x ∈ Vi∩ Vj, alors si(x) = sj(x).

Cette ensemble contient clairement M . En appliquant la proposition précédente au faisceau F |W, on peut recoller toutes les si à une section au-dessus de W qui prolongera alors s.

Il nous reste à montrer que W est bien un voisinage de M . Soit x ∈ M . Comme notre recouvrement est localement fini, il existe un ouvert Wx qui n’intersecte qu’un nombre fini

de Vi, qu’on dénotera Vi1, . . . , Vik. En particulier, il ne rencontrera aucune fermeture ¯Vi autre que celles des Vij. Quitte à prendre un ouvert Wx plus petit, on peut assumer que x ∈ ¯Vij et Wx ⊆ Uij pour tout j ∈ {1, . . . ,k}. Les sections si1, . . . ,sik coïncident tous au point x et, comme elles sont en nombre fini, on peut prendre Wx suffisamment petit pour qu’elles

coïncident toutes sur Wx. On aura alors que Wx ⊆ W , ce qui conclut notre preuve. 

Corollaire 2.20. Tout faisceau F flasque sur un espace X paracompact est mou.

Démonstration. Soit M ⊆ X un ensemble fermé et soit une section s ∈ F (M ). La proposition précédente nous assure qu’il existe un ouvert U ⊆ X contenant M et une section

s0 ∈ F (U ) telle que s0|

M = s. Comme F est flasque, il existe une section s00 ∈ F (X) telle

On a aussi un résultat similaire à celui des faisceaux flasques : Proposition 2.21. Soit

0 F0 ψ F ϕ F00 0

une suite courte exacte de faisceaux de groupes abéliens sur un espace X paracompact. Si F0 est mou, alors pour tout fermé M ⊆ X, on a la suite courte exacte :

0 F0(M ) ψ(M ) F (M ) ϕ(M ) F00(M ) 0.

Démonstration. On a déjà montré que que l’hypothèse implique que la suite de faisceau

0 F0|

M F |M F00|M 0

ψ|M ϕ|M

est exacte. Le faisceau F0|M étant mou et le sous-espace M étant paracompact, on peut se

restreindre au cas où M = X. Comme le foncteur Γ(X,·) est exact à gauche, il nous suffit de montrer que le morphisme ϕ(X) est surjectif.

Prenons donc une section s00 ∈ F00(X) et montrons qu’elle est l’image d’une section dans

F (X). Comme ϕ est surjectif, il existera un recouvrement ouvert {Ui}i∈I de X et des sections

si ∈ F (Ui) tels que ϕ(Ui)(si) = s00|Ui pour tout i ∈ I. Comme X est paracompact (et donc de Hausdorff), on peut prendre un raffinement ouvert {Vi}i∈I tel que ¯Vi ⊆ Ui pour tout i ∈ I,

quitte à ajouter quelques copies d’ouverts Ui dans le recouvrement originel. On peut aussi

supposer que le recouvrement par les Vi est localement fini.

On posera Fi

.

= ¯Vi pour tout i ∈ I et, pour tout J ⊆ I, FJ

.

=S

i∈JFi. Comme une union

localement finie de fermés est fermée, tous les FJ seront fermés.

Prenons maintenant l’ensemble E de tous les couples (J,s) où J ⊆ I et s ∈ F (FJ) est

telle que ϕ(FJ)(s) = s00|FJ. E sera clairement non-vide, car il contient les éléments ({i},si). Donnons-lui la relation d’ordre : (J,s) ≤ ( ¯J , ¯s) si et seulement si J ⊆ ¯J (et donc FJ ⊆ FJ¯)

et s = ¯s|FJ. Cela fera de E un ensemble inductif.

En effet, si on a une chaîne croissante ( ¯J1,¯s1) ≤ ( ¯J2,¯s2) ≤ . . ., alors on aura l’élément

¯

J =. S

i∈NJ¯i qui sera tel que FJ¯=Si∈NFJ¯i. De plus, pour tout i ∈ ¯J , il existera k ∈ N tel que

i ∈ ¯Jk, et on définira alors ti

.

= ¯sk|Fi. Notre relation d’ordre nous garantit que cette définition ne dépend pas de l’entier k. De plus, si i,j ∈ ¯J , on aura que ti|Fi∩Fj = tj|Fi∩Fj. Pour le voir, il suffit de prendre k ∈ N suffisamment grand pour que i,j ∈ ¯Jk. Par la proposition 2.17, il

devra alors exister ¯s ∈ FJ¯ telle que ¯s|Fi = ti pour tout i ∈ ¯J .

On peut donc prendre un élément maximal (J,s). Supposons que J 6= I et prenons

i ∈ I \ J . Si on restreind s et si à FJ ∩ Fi, leur différence sera envoyée par ϕ(FJ ∩ Fi) vers

(s00− s00)|

FJ∩Fi = 0. Cette différence est donc dans Ker(ϕ(FJ ∩ Fi)) = Im(ψ(FJ ∩ Fi)) et il existe t ∈ F0(FJ ∩ Fi) qui est envoyée vers celle-ci. Comme F0 est mou (et que FJ ∩ Fi est

cette-dernière est telle que si|FJ∩Fi = s|FJ∩Fi. En appliquant la proposition 2.17, on obtient un prolongement de s à FJ ∪ Fi = FJ ∪{i}. Or, comme J ∪ {i} contient strictement J , cela

contredit la maximalité de (J,s).

Donc, on a que J = I et que s00= ϕ(X)(s) est alors bien dans l’image de ϕ(X).  Corollaire 2.22. Si F0 et F sont mous, alors F00 l’est aussi.

Démonstration. Une section s00 ∈ F00(M ) est l’image d’une section s ∈ F (M ), laquelle se prolonge à F (X). Son image dans F00(X) sera donc un prolongement de s00.  Pour finir, un exemple important d’espace paracompact est celui de l’espace métrisable. On sait qu’un espace métrisable est toujours paracompact. En particulier, tout sous-espace d’un espace métrisable est aussi métrisable, et donc paracompact. Un tel espace est dit

héréditairement paracompact (de l’anglais «hereditarily paracompact»). Bien que ce n’est que

cette propriété qui nous intéresse, nous nous restreindrons au cas des espaces métrisables. Étant donné le peu d’exemples existant d’espaces héréditairement paracompacts mais non- métrisables, ce ne sera pas une trop grosse restriction.

Pour une preuve que tout espace métrisable est paracompact, le papier de Stone [18] démontre qu’un espace complètement normal est paracompact et le théorème 8.12 de [20] implique que tout espace métrisable est complètement normal.

Si on ajoute cette condition à X, on obtient le résultat suivant découlant directement de la proposition 2.19 :

Corollaire 2.23. Soit F un faisceau flasque sur l’espace métrisable X. Alors pour tout fermé

M ⊆ X, F |M est flasque.

Démonstration. Soit V un ouvert de M . Il peut donc s’écrire comme V = U ∩ M pour un certain ouvert U ⊆ X. Comme U est paracompact, toute section sur le fermé U ∩ M de

U se prolonge sur un voisinage ouvert de U ∩ M dans U . Le faisceau F étant flasque, on

peut alors la prolonger à une section sur tout X. En restreignant à M , on a donc bien que

F |M est flasque. 

Remarque. Dans la preuve de la proposition 2.19, la seule fois où on utilise le fait que

M est fermé est pour pouvoir dire qu’il est paracompact. Dans un espace métrisable, on

pourrait donc démontrer qu’une section sur tout sous-ensemble E de X se prolonge sur un voisinage ouvert. En particulier, F |E sera toujours flasque si F l’est. Toutefois, nous n’aurons

pas besoin de cette généralité.

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