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Poujxt d'HsClL

G. LAHNER Juillet-Aoûr Îji6

6. Failles et pertes du Causse de Gramat (Lot). — Ils peuvent donc

être très anciens, quoique pas autant que les Abannets (v. p. 170).

Parmi les Causses, celui de Gramat (Lot) se montre particulière-ment éclectique et instructif. On y trouve :

1° Des cloups (dolines) de 10 à 100 mètres de diamètre et 15 à 30 de profondeur (nombreux aux abords mêmes de Padirac) : secs, ils peu-vent avoir été formés, aussi bien par effondrement de voûtes, sur un réseau hydraulique souterrain très voisin de la surface, que par l'éro-sion tourbillonnaire (ils sont régu-lièrement circulaires) ou la corrosion (en raison de la terre rouge qui en remplit le fond cultivé) d'anciens

andier en 1883) résultent du

croise-Coupe longitudinale des IGUES D'ARCAMBAL ( entre Cahors er Conçois, LOT ) Fig. 10G. — Gouffres d'Arcombal (B. A. Martel, 15 août 189'.). (Aimu. G. A- F. pour 1891

courants superficiels, plus ou moins capturés par des fissures aujour-d'hui invisibles.

L'existence du réseau peu profond (15 à 30 mètres), sur une couche marneuse entre le bajocien et le bathonien (lithographique très fissuré), est révélée ici :

A) Par la terrasse et la petite grotte à ruisseau temporaire du gouf-fre de Padirac (à 14 mètres de profondeur):

B) Par la fraîcheur humide, très sensible les soirs d'été, au fond des cloups environnants;

C) Par quelques menues sources très faibles, dans les combes (val-lées sèches) qui les avoisinent;

D) Par les indications (?) de la baguette divinatoire (non encore vérifiées), d'après A. Viré (v. ch. xxvn).

2° Un immense gouffre d'effondrement avéré (Padirac) et plusieurs autres petits; — 3° de simples pertes, nombreuses et impénétrables, le long des deux failles (donc d'ordre tectonique) du Limargue (Padirac à l'est, Rocamadour à l'ouest (3 bis); — 4° des igues à pic (avens, jamas) d'évidente érosion, subordonnés ou non à des cloups (dolines) culti-vés; — 5° des pertes pénétrables, à effondrements partiels, le long des deux failles (Réveillon, Roque de Cor); — 6° des entonnoirs de grande taille (Bèdes, Vitarelles, Besaces, de 75 à 90 mètres de creux) tout à fait curieux, qui témoignent à la fois d'accidents tectoniques (failles), d'effondrements et de creusement extérieur (Abî., p. 306), de même que les gouffres d'Arcambal (v. fig. 106) et les grandes fosses de la Braconne (Charente) (ibid.); — 7° des vallées fermées, bien plus normales et plus étroites que les polje, et tectoniquement arrêtées, mortes, désorganisées, en allant buter contre les deux failles du Limargue, au-delà desquelles se prolongent leurs anciens cours des-séchés; — 8° des rivières souterraines actuelles, en activité constatée (Padirac, les Combettes, La Berrie): — 9° idem mortes (igue de Saint-Sol, grottes de Lacave, Peureuse, igues de Calmon, de Viazac, de Biau, etc.):

10° D'innombrables fissures (la plupart invisibles) de percolations, entre joints ou diaclases à peine entr'ouverts, qui s'inquiètent fort peu de l'âge ou du développement du trop fameux cycle d'érosion, et qui continuent lentement leur œuvre de dessèchement superficiel, d'agran-dissement souterrain et d'enfoncement des eaux;

11° Un canon (l'Alzou) en partie d'écroulement, où la cascade du Moulin du Saut et des pertes (vers l'aval, à Rocamadour) l'ont, sous nos yeux, fonctionner l'érosion régressive (v. p. 69); .

12° Une vallée (à l'est) qui a peut-être été fermée jadis, mais qui

aujourd'hui s'écoule, par la coupure de la cascade d'Autoire (genre bassin ouvert, par cluse, du Jura).

Il n'y a pas, sur le Causse de Gramat, de bassins refluant par trop-pleins, comme ceux du Jura et surtout du Karst. Mais il en existe un, sur le Larzac (v. p. 327).

En plateaux calcaires moins élevés, par exemple les Gras de l'Ardèche, on trouve, au bois de Païolive, des cirques rocheux fermés, que F. Mazauric tenait pour des produits d'érosion de l'ancien Chassezae pliocène (Spél. M., 18). En présence dépareilles variétés et complications

F i g . 107. — Bois de Païolive (Ardèche) ( p o r t l a n d i e n ) ; c i r q u e d ' é r o s i o n (cloup).

de formes et phénomènes, la plus élémentaire prudence scientifique exige impérieusement qu'on se tienne aux très imprécises généralités.

7. Provence et Alpes. — La Provence est riche en bassins fermés (plans) à embuts (fig. 109) (ponors) et abîmes (V. 14). Les Pyrénées ont des bassins fermés qui s'évacuent par des clotes (Béthrarram), des barrancs (Pays de Sault, à Belcaire, Aude), des trous (Maladetta); — le comte de Saint-Saud en a trouvé aux Picos de Europa (Pyrénées can-tabriques) en Espagne, où ils doivent abonder à travers tout le pays.

Les Alpes calcaires du Dauphiné font voir en Vercors, dans la forêt de Lente (Drôme), l'enfouissement encore inachevé du système Fondurle-Brudoux-Cholet, l'un des plus caractéristiques que l'on puisse citer ( A n n . S . T. D . , 1896 et 1899). Il présente une zone d'absorp-tions élevée (Fondurle, 1.500 mètres), un premier collecteur souter-rain (Brudoux à 1.200 mètres), une seconde zone absorbante, qui est

un réel polje avec des pots (dolines, parfois émissives), des pertes (ponors) et des gouffres dits scialets (jamas), plaine de Lente; un second cours souterrain (inconnu) sous une barre calcaire par-dessus laquelle bondis-sait jadis une cascade, aujourd'hui m o r t e ; enfin une résurgence défi-nitive (Cholet) suivie d'une cluse (Combe-Laval). Il est regrettable de-ne pouvoir expliquer ici le détail de ce curieux ensemble (fig. 126).

En Dévoluy, le plateau d'Aurouze se creuse, vers 1.800 mètres d'alti-tude, au pied du Pic de Bure, d'un long fragment de vallée morte, composé

d'altitude. Ces faits sont fort intéressants par leur élévation au-dessus des mers actuelles! (Ainsi que pour le Parmelan, le Désert de Plate Haute-Savoie, les bassins fermés de la Suisse, le Dachstein, les autres lapiaz d'Autriche, le Frioul, etc. v. ch. xix).

8. Dolines de Thonon. — En Haute-Savoie, au sud de Thonon, on voit, au milieu des formations quaternaires, des entonnoirs plus ou moins réguliers (certains sont de formation récente), atteignant parfois plusieurs centaines de mètres de diamètre (route d'Armoy, plateau de la Chavannes, environs d'Orcier et de Draillant). La plupart sont à s ec et boisés, mais quelques-uns, désignés sous le nom de Tines (Tines de Blaves, d'Amphion, lac d'Orcier), présentent de petits lacs temporaires, alimentés par des sources abondantes, capables de faire tourner des

d'un chapelet de d é p r e s s i o n s , a u fond d e s q u e l l e s s'ouvrent encore les chouruns (abî-mes), aujourd'hui à sec et bouchés, qui ont absorbé le torrent de surface, a v a n t q u ' i l e û t achevé le creuse-ment de sa vallée.

Sa double circula-tion, si remarqua-ble, sera expliquée au ch. v u .

A l'Arabika

Fig. 108. — Vallée m o r t e d ' A u r o u z e e t C h o u r u n R o n d (à 1.800 m è t r e s ) , en D é v o l u y ( H a u t e s - A l p e s ) .

(Caucase occiden-tal), il en est de même, entre 2.000 et 2.500 m è t r e s

moulins à la sortie de la Tine. Ces tines sont dues à la dissolution du gypse qui doit exister en profondeur (v. ch. xv).

Plus au nord, entre les Allinges, il existe aussi une série d'en-tonnoirs ou dolines. La plupart renfermaient encore, il y a une ving-taine d'années, de petits lacs : les sources de la Versoix, captées par la ville de Thonon, appartiennent à cette catégorie. Ces lacs de dolines, essentiellement temporaires, disparaissent quand les eaux trouvent un

F i g . 109. — E n t r é e de l ' E m b u t de Caussols ( A l p e s - M a r i t i m e s ) . Gouffre a b s o r b a n t de b a s s i n fermé à 1.050 m è t r e s .

( T y p e ponor de polje). (Phot. Jackson).

chemin différent plus profond, et ne reviennent au jour qu'à un niveau inférieur, parfois même sous les eaux du lac Léman.

Le lac Noir, aux portes de Thonon, est bien diminué (4). Ceux de ces gouffres, qui sont dans le gypse rentrent dans le type de dissolution et d'effondrement, et c'est surtout en Italie et Sicile qu'ils abondent (v. ch. xv).

9. Bassins fermés des Alpes suisses. — E n Suisse, les Alpes calcaires sont riches en bassins fermés, sinon en véritables abîmes. M. Lugeon,

Ricklin et Perreiraz s'en sont occupés dès 1903, les trouvant fréquents et alignés dans les calcaires, rares et irréguliers dans les roches cristal-lines et toujours sur les affleurements du calcaire; très rares dans le Flysch, absents dans les molasses plissées. voies d'eau. » Bien que les auteurs n'aient pu « songer à fai'e des re-cherches sur le terrain, sur les territoires considérables qu'il aurait été néce saire de parcourir », cette « œuvre statistique » n'en e t pas moins du plus haut intérêt. Bien entendu, ces bassins fermés donnent nais-sance à de nombreuses résurgences, à des «sources vauclusiennes à grand débit ». Il est certain qu'il en existe un bien plus grand nombre que les

CARTE

cartes n'en marquent; de matérielles recherches sur place ne manque-raient pas de les révéler.

Ces bassins sont séparés des régions d'aval par des barres ou

ver-rous, dont le point le plus bas a été nommé échancrure.

Il faut noter que les pertes de celui de Taney ont été « en partie aveuglées pour alimenter, par une chute d'environ 1.000 mètres, l'usine électrique de Vouvry ». Quelques-uns sont de vrais polje, larges, à fond plat. Il en est qui ne renferment point de lacs. Au sud du Wildhorn (3.264 mètres, Alpes Bernoises), les lacs fermés de la Saourie sont à 2.637, 2.617 et 2.580 mètres, celui des Audannes (qui s'engouffre bruyamment en fissures étroites), à 2.460 mètres (v. p. 137).

Le bassin de la Plaine Morte (W. du glacier de ce nom, massif du Wildstrubel), atteint à 2.650 mètres. Mais la cote 2.675 attribuée (p. 159 du mémoire) au lac-doline de Ténéhet (au pied du glacier de ce nom, à 3 kilomètres est-nord-est du Wildhorn) est erronée : d'après la feuille 472 (Lenk) du 50.000e suisse, « cette doline à lac, en plein lapiaz, entre deux failles, avec perte dans le calcaire urgonien », est entourée par la courbe de 2.580 mètres : son altitude doit donc être ramenée à 2.575 mètres au plus.

D'ailleurs, neuf autres bassins fermés suisses sont plus élevés encore, dans les Alpes valaisannes, bernoises et grisones, de 2.640 à 2.770 mètres (p. 186); le plus haut est barré par une moraine; mais la carac-téristique doline du Schwarze YYand (cotée 2.760 à la page 186) est très nettement portée entre les courbes 2.760 et 2.790, sur la feuille 417 (au pied de la cime du Schwarze Wand, 2.872 mètres, au nord du Mutler, 3.298 mètres, Basse Engadine, frontière du Tirol) 1.

Les eaux du Daubensee, 2.214 met. reparaissent peut-être vers la vallée du Rhône (v. une autre opinion p. 137).

L'Œschinen-See (1.581 m. 6) est barré par des éboulements. Quel-ques-uns ont été l'objet d'expériences (réussies) à la fluorescéine.

Ainsi, le phénomène des bassins fermés se trouve aussi constaté dans les Alpes suisses 2, même à des hauteurs supérieures à celles où je les avais rencontrés en 1903 au Caucase occidental. Tectonique, érosive, effon-drée ou même de barrage (par éboulis), leur genèse n'est pas uniforme.

fO. Lacs intermittents de Russie. •— En Russie, on a commencé à

1 L u g e o n et J é r é n i n e ont relevé s u r les c a r t e s 36 dolines, au lieu « des c e n t a i n e s qui sont r é e l l e m e n t e x i s t a n t e s », m a i s t r o p p e t i t e s p o u r ê t r e m a r q u é e s . L e u r classification en dolines de pentes, de col, de vallon, d'arête, de plateau, est p u r e m e n t c o n v e n t i o n n e l l e et i n u t i l e .

2 Us ne m a n q u e n t p a s non plus d a n s les P y r é n é e s (v. D e l e b e c q u e , Belloc. e t c . ) . — F e r -m é s é g a l e -m e n t les g r a n d s b a s s i n s d u lac B a l k a c h ( T u r k e s t a n ) , des lacs salés d ' A n a l o l i e ( R E C L U S , Géogr., vi-309 et ix-518-520). de Mexico l'-i bis), et les g r a n d s sinks de l ' o u e s t d e s É t a t s - U n i s (Carson, lac Salé, Sevier, T u l a r e , Vallée m o r t e , M o h a v e , S a l t o n , v. p. 10», e t c . ) .

peine l'étude dei lacs, à remplissages et à vidanges périodiques, des bassins fermés. Ce qu'on sait paraît faire prédominer l'effondrement comme cause principale (5) et v. ch. v u . Dans l'île d'Œ^el (golfe de

Riga), on a fait d'une grande doline un cratère d'explosion (?). Mais on y a signalé un cours d'eau souterrain sur 4 kilomètres (6).

11. Katavothres de Grèce. — En Grèce, les Katavothres du Pélo-ponèse tiennent à la fois des lacs sans écoulement aérien (Copaïs, Phonia, Stymphale, etc.), — des bassins ouverts par cluses (puis recapturés par absorption), — des vrais abîmes, des ponors, etc., et même des cavernes subhorizontales à déperditions souterraines. (7) (fig. I l l à 118).

Pour les régions dites karstiques, de l'Épire à la Carniole, les

discus-F i g . i n . — p l a n du k a t a v o t h r e de P a l a ï o m y l o s (lac Copaïs). —• P a r N . A. S i d e r i d è s .

sions remontent à Schmidl (1850), qui avait bien su distinguer les abîmes (jamas) des dépressions larges (dolines). On trouvera aux ch. x x v n et xxix des fermes l'état de la question en 1894; elle ne s'est guère éclair-cie depuis, et je maintien le classement très large et très approximatif d'alors, en :

Dépressions modérément larges, peu profondes (avec ou sans abîmes) : cloups, entonnoirs, dolines; — gouffres étroits, profonds (avec ou sans dolines) : avens, schacht, jamas; —• pertes (pénétrables ou non) : bétoires, goules, schwinde, ponors, katavothres; — vallées à écoulement souterrain : bassins feimé-, kesselthal, polje, etc. Sous la réserve du nombre infini des dénominations locales et des types t r a n -sitionnels.

B A S S I N S F E R M E S , C L O U P S , D O L I N E S E T P O L J E 193 C'est ainsi que les dolines de la Narenta inférieure se nomment

« oko » ou « vir » (pluriel « oka », « virow ») et mesurent jusqu'à 40 mètres de profondeur (DANES, Géogr., 15 février 1906, p. 102).

12. Dolines proprement dites. Discussions sur leurs origines. — Il y en a même de bien plus creuses : 80 mètres à Lanisce (Istrie), (8) 150 à 200 mètres près de Buecari (chemin de fer de Fiume à Carlstadt (9).

Elles se rapprochent des grands entonnoirs de Bèdes, etc. (Lot, p. 186).

Cela a été aussi une cause de confusion énorme d'appeler dolines les grands gouffres (100 à 160 mètres de creux) de Saint-Canzianam-Karst, véritablement effondrés (parmi tout un jeu de grandes diaclases) sur le commencement de la perte de la Recca. Ce magnifique phéno-mène, le plus remarquable peut-être de l'hydrogéologie, est

extrême-F i g . 112. — P l a n d u g r a n d k a t a v o t h r e o b s t r u é du lac Copaïs. — P a r X . A. S i d é r i d è s .

ment complexe et représente tout autre chose que des dolines (v. p. 198).

Les dolines — en t a n t que définies comme creux ou entonnoirs plus larges que profonds —sont dues, avant tout, à des effondrements-témoins de cavernes et rivières souterraines, d'après Schmidl, Boué,Tietze,Urbas, Lorenz, Stache, Pilar, Fruwirth, Kraus 1 (v. Abî., ch. xxvii, pour la Bibliogr.) (10) (comme Virlet et Fournet en France, Owen aux États-Unis, etc.). — E n raison de l'existence d'abîmes (jamas) au fond de beau-coup, elles ont été attribuées à la corrosion (chimique) et à l'érosion (mécanique — v. ch. x v i n et xix) de l'eau absorbée dans les fissures du sol, par Lyell, Lesley, White, Cox, Boyd-Dawkins, Mojsisovics, Fuchs, Neumayr, Van den Broeck, Diénert, Reyer, Moser, Cvijic, Safford (Géologie du Tennessee), Von Knebel et surtout moi-même. Mais, de

1 Qui r e c o n n a i s s a i t d'ailleurs que les j a m a s (avens) é t a i e n t d u s à l ' é l a r g i s s e m e n t de fissures p a r érosion.

E A U X S O U T E R R A I N E S . 1 3

D o c u m e n t n u m é r i s é p a r la B i b l i o t h è q u e I n t e r u n i v e r s i t a i r e S c i e n t i f i q u e J u s s i e u - U P M C

même que pour les gouffres, certaines sont dues à l'effondrement sans aucun doute (à la caverne d'Adelsberg, par exemple). — En 1893, Cvijic, (Karst-phànomen, p. 61) classait les petites d'abord comme résultat d'érosions de surface à l'orifice des crevasses, — d'autres comme affais-sements de voûtes de cavernes; — mais il ne les distinguait pas des vrais abîmes, puisqu'il admettait un groupe de dolines du type de Trébiciano, ce qui était une absolue confusion. En 1918, il fait mieux la différence.

Quant à la prépondérance de la corrosion (Mojsisovics, V, 41) sur l'éro-sion, elle est peu utile à discuter (v. ch. xix), et c'est surtout une question de terrain 1.

Reyer (en 1880 et 1888) a attribué les dolines à l'élargissement de

cassures voisines de la surface. îl est certain que beaucoup représentent simplement d'anciens lacs ou étangs à écoulement souterrain (v. p. 201), comblés et colmatés actuellement par les apports extérieurs (dolines alluvionnaires); certaines peuvent n'être que des produits d'érosion tourbillonnaire locale sans abimes. Cependant, on peut croire que, quand elles sont remplies par des produits de décalcification, ceux-ci ont tamponné en général les orifices d'avens (jamas) prolongés au des-sous; — beaucoup de détamponnements d'abîmes au fond de cloups ou

de dolines autorisent cette opinion; mais il ne faut pas l'universaliser (fig. 103).

Mùhlhofer, un des plus actifs explorateurs actuels du sous-sol du

1 P o u r les « d a y a s » d u M a r o c , L. G e n t i l est d e m e u r é , q u a n t à p r é s e n t , d a n s u n e s a g e g é n é r a l i t é . « D a n s l ' o u e s t d u M a r o c , des plis t e r t i a i r e s a v a i e n t formé des c u v e t t e s fermées d ' o r i g i n e t e c t o n i q u e , q u i o n t d i s p a r u p a r voie de c a p t u r e ». — « Les d a y a s s o n t des c u v e t t e s de décalcification r a p p e l a n t les dolines, les polje de la D a l m a t i e , e t le n i v e l l e m e n t d u fond de ces c u v e t t e s est d û à l ' a c c u m u l a t i o n des p r o d u i t s a r g i l o s a b l e u x r é s u l t a n t de la d é s a g r é -g a t i o n , p a r voie d e d i s s o l u t i o n , de la r o c h e . » ( 1 1 )

F i g . 1 1 3 . — ( P a r N . A. Sidéridès).

F i g . 114. — M a r a i s de T a k a ; g r a n d bassin fermé (Polje) de T r i p o l i t z a ( P é l o p o n è s e ) .

F i g . 1 1 5 . — C u l t u r e s d u Polje de T r i p o l i t z a ( s o u v e n t i n o n d é ) .

Karst, continue à considérer les dolines comme le produit évident d'ef-fondrements de cavernes, dont les voûtes voisines de la surface du sol se sont écroulées sous l'action érosive et corrosive des eaux (Riesen-grotte, p. 21). Il cite un effondrement ainsi survenu dans la région d'Adels-berg en décembre 1905. Il retrouve même l'ancien cours de la Recca (aval de San Canzian), jalonné par une file de dolines. C'est fort pos-sible, d'après la disposition du chapelet d'Aurouze (v. p. 188 et fig. 108 et 118) \

Mais alors le jalonnement est d'ordre superficiel : il marque les bétoires (ou ponors) successifs d'engloutissement régressif, bien plus que des affaissements souterrains sur le cours actuel, qui s'écoule à plus ou moins de 300 mètres de profondeur ! Très probablement dans d'autres parages (plus à l'ouest; v. ch. v m ) .

13. Désobstructions naturelles. — Moser (1) dit qu'en 1895 la doline Na-Pauli-Vrh au nord de Prosecco s'est percée, après le tremblement de terre de Laibach, d'un trou (évidemment par chute d'un bouchon) qui a donné accès à un abîme (Jama; Fovea-Martel) exploré d'abord jusqu'à 144 mètres de profondeur, — et ultérieurement jusqu'à 190 mètres.

Perko y a rencontré du sable fluviatile, du bois, des feuilles attribuées au cours souterrain de la Recca (77 Tourista, n° 6/8, 1896) et aussi une portion de cours d'eau: et on a vu effectivement l'eau s'y élever de 115 et même 160 mètres (jusqu'à 30 mètres du sol, d'après Winkler) dans ses puits terminaux. Mais elle est bien à l'ouest du cours à sec de Mùhlhofer, et l'effondrement de 1895 n'y fut que la désobstruction du goulot. — On a vu, au contraire (p. 154), que la Grotte Géante (dont la voûte lâche souvent de gros blocs) prépare sans doute un effondre-ment futur qui fera une immense doline. — Gardons-nouf d'être absolus!

14. Les polje. — Les polje, pour leur part, sont tous pourvus de ponois, de différentes sortes, comme les katavothres (Barathra) de Grèce ( P H I L I P P S O N , I I , 42.) En raison de leurs particularités, ils ont suscité l'hypothèse de leur origine tectonique. Il aurait été plus simple de les tenir pour de colossales dolines, tant d'écroulement que de corro-sion et érocorro-sion ; mais leurs dimencorro-sions, leur nombre, leur distribution singulière (en tronçons de gouttières ou auges, souvent en files parallèles entre elles), donnent vraiment une physionomie spéciale aux régions dinariques où ils sont comme cantonnés, multipliés plus qu'en aucune

1 D a n s u n e n o t e s u r les dolines et les vallées sèches d u Jura Dôlois, B O U R G E A T (Bull.

Soc. Géol. Fr., 1919, p . 37-41) d é c r i t des dolines ou e n t o n n o i r s , de 50 à 80 m è t r e s de circonférence e t d ' u n e t r e n t a i n e de m è t r e s d e p r o f o n d e u r , disposés de telle m a n i è r e , d a n s des v a l -lées sèches, q u ' e l l e s d o i v e n t j a l o n n e r des c o u r s d ' e a u s o u t e r r a i n s . Gela est possible, d a n s c e t t e région, à c a u s e d u p e u d ' é p a i s s e u r d u t e r r a i n (v. p . 160). Les r é s u r g e n c e s s o n t d ' a i l l e u r s fort p r o c h e s e t , bien e n t e n d u , c o n t a m i n é e s .

F i g . 1 1 6 . — C o l d e V e r z o v a e t v a l l é e morte d ' A k l a d o - C a m p o s ( c h e m i n d e fer d e N a u p l i e à T r i p o l i t z a ) .

F i g . 1 1 7 . — M a r a i s e t k a t a v o t h r e d e T a k a ( 1 8 9 1 ) .

autre; si l'on photographiait un plan en relief de la bande triaso-crétacique dinaro-liburnienne, qui s'allonge du Durmitor (Monténégro, 2.528 mètres) à Laibach en Carniole, on obtiendrait une image rap-pelant certains clichés de la surface lunaire.

15. Controverses sur leur formation. — On conçoit que ces groupes de polje, à peu près alignés ou parallelises en cases distinctes, aient

sugF i g . 1 1 8 . — Dolines, gouffres e t p e r t e de l a R e c c a à S a i n t C a n z i a n a m -K a r s t ( f r a g m e n t complété de la c a r t e a u t r i c h i e n n e a u 7 5 . 0 0 0e) . L e s do-lines s o n t i n d i q u é e s p a r le signe — . Les cotes e n t o u r é e s d ' u n cercle s u i v e n t u n e dépression q u i a p u ê t r e l ' a n c i e n c o u r s e x t é r i e u r de la

R e c c a a v a n t son a b s o r p t i o n p a r les a b î m e s .

géré l'idée de compartiments tectoniquement affaissés. Dans ce sens, Penck a expliqué que des Horsts, « môles ou butoirs demeurés immobiles alors que tout le reste s'écroulait autour d'eux » (12), tectoniquement mis en relief, ont constitué des barres ou verrous (Riegel) (séparatifs et fissurés) et concouru au dessèchement et à l'enfouissement. Il semble bien, en effet, que la plupart des dépressions des polje suivent la direc-'

tion des plis: c'est pourquoi ils ont été décrits comme des effondrements d'origine tectonique par Penck et Grûnd (12), conformément aux idées de Tietze, Stache, Reyer, Katzer etc.; de même G. Rovereto et L. Bertrand (13) les considèrent comme des phénomènes tectoniques, arrêtés dans leur développement et devenus tributaires souterrains de cours d'eau inférieurs (Cettina en Dalmatie, etc. (v. fig. 119 et 120).

16. Influence tectonique. — Selon Grùnd, les affaissements tecto-niques se seraient produits à deux époques, la première à l'oligocène, époque à laquelle la Bosnie et la Dalmatie devaient ressembler à la Flo-ride actuelle (12) (v. ch. xvii, les Everglades) dont la surface calcaire est au niveau même de l'eau souterraine. La seconde époque d'affaissement, qui reste tout à fait conjecturale, a entraîné le dessèchement de la plu-part des polje, le tout peut-être antérieur au pliocène.

D'ailleurs Griind, admettant aussi l'ablation chimique, la tient pour extrêmement faible par rapport à l'érosion mécanique (14).

Quant à l'âge, Cvijic pense que le grand développement des phéno-mènes du karst est post-miocène, — probablement pliocène, — puisqu'il y a des dolines antérieures au glaciaire. Il est certain que le début doit remonter au miocène.

En 1893, Cvijic avait défini le polje « une grande et large dépres-sion karstique à fond plat », plus large que les vallées aveugles et beau-coup plus grande que les dolines. Il y voyait à la fois (mais en distin-guant beaucoup de cas) le résultat des dislocations tectoniques et des effets de corrosion et érosion; cependant, dans son dernier et judicieux travail (1918), il a donné plus d'importance à l'influence des accidents tectoniques, particulièrement des failles : elle lui apparaît capitale et désormais indiscutable, et il l'a appuyée d'explications et de figures très claires (auxquelles on ne peut que renvoyer). Mais il continue à ne pas exclure l'intervention de l'érosion et des effondrements, estimant en somme que les polje ont été préparés par des fractures tectoniques, com-mencés par Vablation chimique (corrosion) et aplanis mécaniquement par V érosion.

Cette synthèse est certainement la vérité. Cependant, elle est loin de comprendre tous les cas, parce qu'elle ne tient pas suffisamment compte des différences locales de lithologie, qui ont pu amener des effon-drements; non plus que de celles d'altitude (v. p. 209). Certaines pertes de rivières ne se transforment pas en jamas (avens), lorsque leur sub-stratum imperméable demeure assez horizontal ou intact, pour y main-tenir le cours souterrain des eaux en grottes à faible pente et parfois même en tunnels franchissables de part en part (v. ch. v u ) . Cvijic, en 1893, indiquait bien déjà que l'Arize, au Mas-d'Azil, avait perforé un

verrou, une barre (v. p. 185), ce qui concerne le Causse de Gramat, (Lot).

Seidl (15), en cherchant l'interprétation de la genèse des deux formes

Seidl (15), en cherchant l'interprétation de la genèse des deux formes