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Facteurs de risque spécifiques aux sous localisations des cancers des VADS

1. INTRODUCTION

3.2 Les cancers des voies aérodigestives supérieures

3.2.6 Facteurs de risque spécifiques aux sous localisations des cancers des VADS

Les cancers de la cavité buccale s’intègrent dans le cadre plus général des cancers des VADS dont ils partagent les mêmes caractéristiques épidémiologiques. Dans plus de 90 % l’histologie retrouve un

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carcinome épidermoïde. L’âge moyen des patients est de 60 ans. Les deux facteurs de risque principaux sont le tabac, en particulier quand la consommation dépasse 20 paquets-années, et l’alcool. Les femmes sont exposées à ces facteurs de risque de manière croissante. Les cancers de la cavité buccale sont le plus souvent des cancers primitifs (261).

3.2.6.2 Cancers des lèvres

L’incidence exacte des carcinomes de la lèvre est difficile à évaluer car ils font l’objet d’une approche épidémiologique globale avec les cancers de la cavité buccale, du pharynx et du larynx VADS et les cancers de l’œsophage. Certaines caractéristiques sont en effet communes, parmi lesquelles le fait qu’ils soient souvent liés au tabagisme et à la consommation excessive d’alcool.

Les cancers des lèvres sont relativement fréquents ; leur incidence est de 0, 6 % à 1 % des cancers. Ils représentent environ 10 % des cancers cutanés et 1,7 % des cancers de l'ensemble des VADS.L'épithélioma spinocellulaire ou carcinome épidermoïde est le plus fréquent (90 % des cas). Il siège au vermillon de la lèvre inférieure. Le carcinome épidermoide labial est un cancer de l’homme d’âge mur. Le sex-ratio est de 10 à 20 pour 1. La femme est affectée dans 2% à 2,8% des cas ; 90% des patients ont plus de 45 ans et 50 % ont 65 ans et plus (262).

L'épithélioma basocellulaire siège sur le versant cutané de la lèvre supérieure. Beaucoup plus rares sont les mélanomes malins et les tumeurs malignes développées aux dépend des glandes salivaires accessoires sur le versant interne des lèvres.

Les facteurs de risque favorisent le développement d'états précancéreux, eux-mêmes susceptibles de devenir d'authentiques cancers.

-L'exposition prolongée aux rayons ultraviolets du soleil, constatée dans certaines professions (marin, agriculteur) ou vivant dans des latitudes très ensoleillées (Australie, Texas. . .), favorise la survenue d'une chéilite actinique chronique, susceptible de dégénérer. Le carcinome de la lèvre rouge est beaucoup plus rare chez les ethnies à peau foncée dont les individus à peau jaune. Le rôle carcinogène des UV B est démontré et apparait prépondérant devant les UV A et C. Le risque augmente avec la durée de l’exposition et l’âge, avec un effet seuil Son incidence n’est toutefois pas toujours corrélée à l’exposition au soleil.

-Les traumatismes locaux divers ont été incriminés (tic de succion, blessure d'origine dentaire).

-Le fumeur de pipe, l'irritation provoquée par le tuyau de pipe à une température élevée est un facteur favorisant.

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-Le fumeur de cigarette, le mégot collé aux lèvres constitue un facteur de risque indiscutable ; des états précancéreux, puis le cancer se développent au niveau de la zone en contact avec la cigarette.

-L'alcoolisme chronique a pu être incriminé et est probablement partiellement en cause, encore qu'aucune preuve statistique n'ait pu être rapportée.

-La mauvaise hygiène buccale et l’irritation chronique ont pu être également invoquées.

-Des carcinomes labiaux ont été observés chez les greffés d’organes (reins, cœur, foie) sous traitement immunosuppresseur dans des délais variant de 2 à 4 ans (263).

-Le rôle cocarcinogène du HPV (Human Papilloma Virus), fréquemment trouvé dans les lésions de ces patients, demeure controversé. Il l’est moins dans le carcinome verruqueux qui peut occasionnellement se localiser aux lèvres avec une évolution lente vers la transformation maligne.

-D’autres affections telles les lésions chroniques (radiodermites, brulures) peuvent faire le lit du cancer labial. Il faut également citer la maladie de Bowen, l’érythroplasie de Queyrat et certaines génodermatoses tel le xéroderma pigmentosum ou l’albinisme.

3.2.6.3 Cancers de la région amygdalienne

Les carcinomes de la région amygdalienne sont parmi les plus fréquents des VADS. Cachin (264) relève 740 cas sur un total de 5 693 cancers des VADS, soit un pourcentage de 13 % dont 94 % sont représentés par des épithéliomas. Schraub (265) montre que les cancers buccopharyngés représentent 12,1 % des cancers masculins et que les cancers de l'oropharynx représentent 26,2 % des cancers bucco pharyngés.

Les principaux facteurs de risque sont le tabac et l'alcool, leurs actions se potentialisent. La mauvaise hygiène buccodentaire est souvent retrouvée, mais son rôle n'est pas clairement établi.

Certaines expositions professionnelles ont été rapportées : isopropyl (266), cuir (267), nickel (268).

3.2.6.4 Cancers de la langue

Les cancers de la portion mobile sont deux fois plus fréquents que les cancers de la lèvre inférieure et du plancher buccal. Ils atteignent surtout le sexe masculin, le taux de masculinité est de 85 à 90 % en Europe alors que l'incidence chez la femme augmente régulièrement aux Etats-Unis et atteint, depuis plusieurs années, plus de 40 % dans certains registres (269).

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Les deux facteurs favorisants les mieux connus sont le tabac et l’alcool, agissant en synergie, à l’origine d’une augmentation du risque sur un mode multiplicatif. Cette augmentation du risque relatif chez l’homme consommant plus de 30 cigarettes par jour et plus de 2 l de vin peut atteindre 100 et plus. Alors que l’incidence des carcinomes de la tête et du cou parait stable, plusieurs études épidémiologiques récentes soulignent l’augmentation de mortalité par cancer de la langue, notamment chez les sujets jeunes. Ainsi, cette population jeune parait soumise à l’émergence d’autres agents carcinogènes que l’association traditionnelle tabac-alcool pourtant toujours présente (270).

Le tabagisme important et prolongé est retrouvé chez 98 % des malades du sexe masculin mais seulement chez 58 % des malades du sexe féminin.

L'alcool, habituellement associé au tabagisme, agit comme solvant et favorise la pénétration muqueuse des substances carcinogènes. Une consommation élevée de boissons alcooliques est pratiquement constante chez les hommes atteints de ces localisations mais n'est présente que chez 60 % des femmes (271).

Ces deux facteurs agissent en synergie ; l'interaction du tabac et de l'alcool entraîne une augmentation des risques relatifs sur un mode multiplicatif .L'augmentation des risques relatifs chez les hommes consommateurs habituels de grandes quantités de tabac (plus de 30 cigarettes par jour) et de boissons alcooliques (plus de 2 litres de vin) peut atteindre 100 et plus (272).

Plusieurs autres facteurs favorisants sont suspectés ; le mauvais état de la denture responsable de traumatismes répétés, l'altération des prothèses adjointes, l'hygiène buccale médiocre, la candidose chronique, entretiennent un état d'infection et d'irritation chroniques. Leur rôle n'est cependant pas clairement démontré et ils peuvent être purement coïncidents et liés à la condition socioculturelle (269).

La diminution récente de l'incidence des cancers buccaux observée en Grande-Bretagne peut être due à une amélioration de l'hygiène buccale mais aussi à une diminution moyenne de la teneur en goudrons des cigarettes fumées dans ce pays (273).

Les hypovitaminoses chroniques, A et C en particulier, la dénutrition chronique, l'hypoprotidémie fréquente en cas de niveau socio-économique bas, favorisent vraisemblablement le développement de lésions muqueuses potentiellement précancéreuses (274).

Les dysplasies exposent à un risque de dégénérescence, surtout si coexistent les facteurs exogènes classiques. Elles sont retrouvées dans 5 à 8 % des cas masculins et dans 20 à 30 % des cas féminins.

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Le rôle des facteurs professionnels n'est pas connu. Plusieurs auteurs ont signalé un excès de cas observés chez les travailleurs de la métallurgie.

La syphilis, classiquement incriminée dans la survenue des cancers des deux tiers antérieurs de la langue, a une place pratiquement nulle aujourd'hui (269).

3.2.6.5 Cancers du larynx

Les cancers du larynx sont fréquents en Europe latine où ils représentent 3 % des cancers chez l’homme. Le facteur essentiel de la cancérogenèse laryngée est le tabac souvent associé à un abus de boissons alcoolisées. Certaines expositions professionnelles semblent être également incriminées dans l’apparition de ces cancers. Le pronostic d’ensemble est le meilleur de celui des différentes tumeurs des voies aérodigestives supérieures. Globalement, plus de la moitié des patients sont en vie à 5 ans (275).

Le cancer des cordes vocales est représenté dans plus de 90 % des cas par le carcinome épidermoide. Le facteur de risque principal reste le tabac, l’alcool étant moins incriminé que pour les autres localisations laryngées ou extralaryngées (276).

3.2.6.6 Cancers du nasopharynx

Les carcinomes nasopharyngés (NPC) représentent une entité très particulière parmi les tumeurs malignes d’origine épithéliale. Leur répartition géographique est tout à fait inégale et surprenante : ils sont rares dans la plupart des pays du monde, mais fréquents dans certaines régions du globe comme l’Extrême-Orient ou l’Afrique du Nord. Ils sont associés de façon constante au virus d’Esptein-Barr (EBV), quelle que soit l’origine géographique des patients. Enfin, du point de vue histologique, ils se caractérisent par la présence d’un infiltrat lymphocytaire très abondant (277).

Les données collectées montrent des caractéristiques propres à chaque population probablement en relation avec des différences génotypiques, alimentaires et ou comportementales spécifiques au bassin méditerranéen ou à l’Asie du Sud-est ; les variants génotypiques des populations de ces deux régions semblent différents, de même que les âges de survenue avec un deuxième pic Nord-Africain, ou encore les marqueurs sérologiques qui ne sont pas forcément les mêmes. Des différences sont également notées au Maghreb entre le carcinome nasopharyngé de l’enfant et de l’adulte, tant concernant l’expression biologique de la tumeur que sa carcinogénèse qui semble emprunter d’autres voies (278) . L’incidence du carcinome nasopharyngé varie suivant les zones géographiques, de 20-50/100 000 habitants par an dans le Sud-est chinois (279), de 3-7/100 000 hab. au Maghreb et dans les pays du

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bassin méditerranéen. Elle est inférieure à 1/100 000 hab. dans les pays occidentaux (279,280). En Asie du Sud-est, le carcinome nasopharyngé présente un pic de survenue à 50 ans (281,282) ; dans les pays du Maghreb il se présente de façon bimodale, avec un pic juvénile de 10 à 24 ans et un autre à 50 ans (283,284). Le sex-ratio est de 2 à 3. D’autres pays, souvent très peuplés, entrent dans la même catégorie, tels l’Indonésie, le Vietnam, le Soudan et le Groenland (282, 285).

Le Registre du cancer de la Wilaya d’Alger donne une incidence standardisée du carcinome nasopharyngé de 2-6/100 000 hab. par an avec une baisse de cette incidence ces dernières années (6 en 2003 à 4/100 000 hab. par an en 2006 dans le sexe masculin). Les deux pics d’incidence en fonction de l’âge vers 20 et 50 ans y sont retrouvés mais le premier pic tend à s’amenuiser (278).

L’étiologie des carcinomes du nasopharynx comporte une composante virale essentielle tout en étant remarquablement multifactorielle (286). Les tumeurs du nasopharynx d’origine épithéliale sont les plus fréquentes (90 %). Ces carcinomes du nasopharynx sont classés par l’(OMS) en trois types histologiques selon leur degré de maturation épithéliale (287). Le type I correspond au degré maximum de maturation (carcinome épidermoïde kératinisant). Le type II est le carcinome épidermoïde non kératinisant (absence de kératine extra-cellulaire). Le type III est constitué des carcinomes indifférenciés du nasopharynx (Undifferentiated Carcinoma of Nasopharyngeal Type : UCNT). Dans les zones d’endémies, l’immense majorité des carcinomes du nasopharynx se classent parmi les types II et III ; en proportion, les cas de type I sont rarissimes. En dehors des zones d’endémies, les tumeurs de type I, bien que rares, sont souvent liés à l’intoxication alcoolo-tabagique. L’association à EBV est constante pour les cancers de types II et III, quelle que soit l’origine géographique des patients. En revanche, pour ceux de type I, l’association à EBV est fréquente en zone d’endémie et rare dans les autres pays (288).

La contribution des facteurs environnementaux dans l’étiopathogénie des carcinomes du nasopharynx a été principalement étudiée sur la base d’enquêtes cas-témoins. Ces enquêtes tendent à montrer le rôle déterminant de certaines habitudes culinaires traditionnelles. En Chine du Sud, le poisson conservé par salaison apparait comme le facteur principal, particulièrement lorsqu’il est conditionné suivant un procédé traditionnel spécifiquement cantonnais. Le risque est encore aggravé lorsque cet aliment est consommé à une période précoce de la vie - dès le sevrage - et en association avec un régime pauvre en fruits et en légumes (282, 285).

En Afrique du Nord sont incriminés certains types de condiments, certaines préparations de viande séchée et salée et les graisses conservées à température ambiante (beurre rance). La ventilation insuffisante des logements serait également un facteur de risque important (35,240).

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La part des facteurs héréditaires reste difficile à évaluer. La diminution constante de l’incidence des carcinomes du nasopharynx constatée à Hong Kong depuis 1973 coïncide avec un profond changement du mode de vie et suggère que l’impact des gènes de susceptibilité au carcinome du nasopharynx serait fortement modulé par des facteurs environnementaux (239).

Il existe en Chine du Sud des cas d’agrégations familiales fortes (plus de 3 cas par famille). Ces cas représentent moins de 1 % de l’effectif total des carcinomes du nasopharynx chinois (289).

3.2.6.7 Les cancers des sinus de la face

Les cancers des sinus de la face ne représentent que 3 à 4 % des cancers des VADS (290).Ils se développent préférentiellement aux dépens de la muqueuse qui tapisse les cavités naso-sinusiennes et sont dans 60 à 80 % des cas des carcinomes épidermoïdes, dans 10 à 20 % des cas des adénocarcinomes, plus rarement des tumeurs neuronales, ou (esthésioneuroblastomes), le plus souvent situés au niveau de la cavité nasale .

Le tabagisme, l’exposition aux métaux lourds, aux cuirs, le travail dans les mines de charbon et des antécédents d’irradiation pour carcinome nasopharyngé ont été rapportés. En revanche, l’EVB n’est pas impliqué (291). L’âge des patients est très variable (20 à 80 ans), en moyenne de 53 ans (292, 293).

L’atteinte du sinus ethmoïdal est liée dans plus de 80 % des cas à l’exposition à la poussière de bois, et est considérée comme une maladie professionnelle. Les localisations les plus fréquentes sont le sinus maxillaire puis l’ethmoïde (294).

3.2.6.8 Les cancers des glandes salivaires et de la parotide

Les tumeurs malignes des glandes salivaires représentent un groupe hétérogène de tumeurs souvent prises en charge chirurgicalement. La rareté de ces tumeurs explique le manque d’études prospectives. La grande variété d’histologies des cancers de la parotide contraste avec la domination du carcinome épidermoïde pour les VADS. Les cancers de la parotide sont des tumeurs rares qui représentent 1 à 4 % des cancers de la tête et du cou, soit 0,3 % de la totalité des cancers. Ses caractéristiques épidémiologiques par rapport aux autres cancers ORL sont, un sex-ratio proche de 1, une survenue plus tôt, autour de 45 à 50 ans, avec des cas pédiatriques (295).

Les enquêtes n’ont pas permis d’individualiser d’étiologie dominante ; certains cancers ont pu être attribués à un antécédent d’irradiation de la région, et certaines carences vitaminiques pourraient être un élément causal. En 1996, Land et al. ont noté une augmentation d’incidence de tumeurs bénignes et

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malignes des glandes salivaires parmi les survivants des explosions atomiques comparativement à une population témoin avec un effet dose (296).

3.2.6.9 Les cancers des fosses nasales

Les tumeurs des cavités nasales (strictement endonasales) se caractérisent par leur rareté, leur grande diversité anatomopathologique, l’absence d’une classification TNM commune. La diversité des structures constituant les cavités nasales (os, muqueuse, cartilage, vaisseaux, nerfs et cellules mélaniques) rend compte du grand polymorphisme histopathologique de ces tumeurs. Les tumeurs des cavités nasales restent cependant dominées par les variétés épidermoïdes et neuroectodermiques pour les tumeurs épithéliales et les lymphomes non hodgkiniens ; les tumeurs vasculaires et ostéocartilagineuses pour les variétés mésenchymateuses.

Il y a une corrélation très significative entre tabagisme chronique et épithélioma du septum nasal (297) .Il a été constaté lors de certaines études la notion d’exposition aux poussières de bois, au nickel ou au minerai charbon, ou l’association d’antécédents rhinologiques (rhinites, polypes) et de la survenue de cancer nasosinusiens (298, 299).

4. MATERIEL ET……