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2.4.1 Le facteur génétique

L’architecture de la schizophrénie et du trouble bipolaire est d’une complexité énorme. Des études d’association pangénomique (GWAS : Genome-Wide Association Study), effec- tuées pour but d’identifier les causes génétiques, en ayant recours à des simplifications de structures de ces troubles, ont démontré que le risque d’être affecté par l’un des présents troubles est de nature hautement polygénique (Ripke et al. (2014)). Par ailleurs, l’héritabi- lité est estimée de 70% à 90% pour la schizophrénie et de 60% à 80% pour le trouble bipolaire (Nöthen et al.(2010)). Dans ce sens, l’étude menée parRuderfer et al.(2018) a permis d’identifier un total de 114 loci comme significatifs à l’échelle du génome impliquant des voies neuronales partagées entre les deux troubles en question. La particularité de cette étude est la découverte de certains loci spécifiques distinguant le trouble bipolaire et la schizophrénie. Le Schizophrenia Working Group ont, à leur tour, pu identifier 108 loci, grâce aux études de GWAS de la schizophrénie, comme y étant fortement associés (Ripke et al. (2014)).

Il est à noter que le locus est défini comme étant l’emplacement d’un gène ou marqueur génétique sur un chromosome donné.

Bien qu’il ait un progrès non-négligeable de la recherche génétique, uniquement 3.4% de la variance des profils de risque y a été expliquée. Ainsi et vu le faible pourcentage de la variance expliquée par ces loci, il s’avère qu’il demeure encore des variantes non-définies affectant le risque des présents troubles.

Score de risque polygénique

Vu le caractère héréditaire de la schizophrénie et du trouble bipolaire, on combine l’ensemble des marqueurs génétiques, pour obtenir au final, deux scores par individu, chacun correspondant à un des deux troubles. Il s’agit du score de risque polygénique (PRS : Polygenic Risk Score), noté PRS-SZ et PRS-BD pour la schizophrénie et pour le trouble bipolaire, respectivement. Sa méthode de calcul sera présentée ultérieurement dans le chapitre 3 de ce mémoire. À ce stade et dans ce sens, Gianfrancesco et al. (2019) parle en particulier du PRS-SZ et montre qu’une augmentation de ce score, induit généralement une augmentation du risque du trouble en question.

2.4.2 Le sexe du sujet

En examinant la littérature publiée au cours de plusieurs années, on trouve que le sexe d’un sujet donné est considéré comme facteur pouvant plausiblement avoir un effet sur le risque de développer un trouble psychiatrique particulier. Dans ce sens, les observations cli- niques montrent, de même, que les hommes et les femmes sont différents sur une multitude de plans notamment les symptômes, la prévalence ainsi que les réponses au traitement de divers troubles psychiatriques, y compris la schizophrénie (Li et al. (2016))

Castle and Murray (1991) affirment, à leur tour, que les personnes atteintes par la schizo- phrénie du sexe masculin sont plus susceptibles que leurs homologues féminines de manifester une forme plus grave de la maladie, caractérisée par un début précoce et présentant des ano- malies structurelles du cerveau. Étant donné cette dissimilitude entre les deux sexes, présentée dans la littérature, Aleman et al. (2003) ont opté pour quantifier cette différence par le biais d’une méta-analyse réalisée sur le log du rapport de risque à l’aide d’un modèle à effets aléatoires pour établir un rapport de cotes hommes-femmes de l’incidence de cette maladie psychiatrique. Les résultats de cette étude ont montré qu’effectivement, il existe une différence entre les deux sexes au niveau du risque de développer ce trouble-ci : bien que plusieurs ratios aient été présentés dans cet article selon la mesure d’effet prise, une seule conclusion a été faite, celle d’une différence significative du risque selon le sexe tel que le risque est plus élevé chez les hommes et ce pour toutes les mesures d’effet considérées dans l’étude en question. Finalement et en termes d’explication de cette distinction,Castle and Murray (1991) sti-

pulent que cette différence observée entre les deux sexes peut plausiblement être justifiée par le biais du nombre de schizophrènes masculins, ayant une forme de schizophrénie dûe à une anomalie neurodéveloppementale, qui est plus grand que celui féminin.

Quant au trouble bipolaire, Arnold(2003),Rasgon et al.(2005) ainsi queD’Mello and McNeil (1990) affirment tous que la présentation et l’évolution clinique du trouble en ques- tion diffèrent entre les femmes et les hommes. Dans ce sens,Williams and McInnis(2019) soutiennent, à leur tour, que le présent trouble est vécu différemment entre les deux sexes. En termes de prévalence, (D’Mello and McNeil (1990)) avancent que la différence du taux de la maladie entre les hommes et les femmes est souvent significative. Notons que certaines divergences ont été rapportées dans la littérature, notamment sur le plan d’âge d’apparition du trouble. En effet, Kawa et al. (2005) ont mené une étude dont les résultats montrent l’absence, en général, d’une différence significative entre les deux sexes en termes de symp- tômes, âge d’apparition du trouble ainsi que le nombre d’épisodes d’humeur vécus. Alors que

Arnold (2003) avancent que l’apparition du trouble bipolaire a tendance à être plus tardive chez les femmes que chez les hommes.

2.4.3 Les facteurs environnementaux : Stress et traumatismes psychiques Selon Gianfrancesco et al. (2019), la modulation du développement cérébral et la neurochimie d’un individu peuvent être modifiées par le stress et les traumatismes psychiques au cours de sa vie. En effet, un chevauchement important entre les symptômes psychotiques et les traumatismes psychiques a été démontré dans des études récentes : un traumatisme psychique peut contribuer à la psychose ou être lui-même en réponse à l’expérience de la psy- chose. En particulier et selon Read et al. (2005) etSpauwen et al. (2006), l’exposition de la personne dès son jeune âge : enfance ou adolescence, à certains événements particuliers, a été toujours liée au développement de la psychose à son âge adulte. Il est à noter que ces événements peuvent comprendre la perte d’un parent, l’intimidation de la personne en ques- tion de la part des autres ou des abus sexuels. Cette exposition infantile est même considérée comme déclencheur potentiel de la pathogenèse de la psychose, selonTikka et al. (2013) et

Falukozi and Addington (2012). Finalement, et en terme de prévention, comme il s’agit d’un facteur qui n’est pas génétique, les expériences traumatiques vécues durant l’enfance ou l’adolescence sont ainsi considérées selon Gianfrancesco et al. (2019), comme les facteurs de risque, qui peuvent être les plus contrôlés et donc évités.

2.4.4 Intéractions gène-environnement : (G × E)

L’environnement de la personne peut potentiellement moduler son neuro-développement, en ayant des effets sur son risque de divers problèmes de santé mentale. En particulier, le risque de la maladie de la schizophrénie est susceptible d’être influencé par des interactions

gène-environnement : (G × E). Ceci est principalement insinué par la présence de la grande majorité des polymorphismes mono-nucléotidiques (SNP) du GWAS de la schizophrénie dans l’ADN non-codant (Gianfrancesco et al. (2019)) et que notre génome non-codant, repré- sentant plus de 98% de génome humain, répond fonctionnellement à notre environnement à tous les niveaux (Quinn et al. (2019)).

2.4.5 Trajectoires de risque de la schizophrénie et du trouble bipolaire Les trajectoires neuro-développementales sont définies comme des schémas de dévelop- pement longitudinal capturés par des caractéristiques comportementales tel que la fonction motrice et le language de la personne (Nishimura et al. (2016)).

Gianfrancesco et al. (2019) affirment que le traumatisme infantile peut altérer le déve- loppement du cerveau d’un enfant. En effet, il peut entraîner des changements structurels au niveau de ce dernier, affectant ainsi sa réponse et le comportement de la personne en question ultérieurement. Encore, l’exposition au traumatisme par la suite : à l’adolescence ou/et à l’âge adulte, peut influer à son tour, sur la réponse biologique et comportementale de l’individu modulant ainsi son risque de psychose et sa trajectoire de risque. Dans ce sens, les auteurs du même article, Gianfrancesco et al. (2019), illustrent ceci par le biais d’un modèle appelé : modèle traumagène de la psychose. Ce dernier suppose que les expériences traumatiques vécues par la personne au début de sa vie, combinées au risque génétique, ont un potentiel important de modifier la trajectoire du développement cérébral de la personne en question.

En particulier, comme les présents troubles sont généralement précédés de dysfonctionne- ments dès l’enfance dans de multiples domaines cognitifs (Dickson et al. (2012)), et que des trajectoires plausiblement distinctes sont suivies par domaine cognitif (Dickson et al.

(2018)), il s’avère pertinent d’étudier les trajectoires développementales du fonctionnement cognitif de l’enfance à l’adolescence pour chaque domaine cognitif isolément. Il est à noter que dans le présent mémoire, on modélisera une seule trajectoire cognitive par un processus latent, défini précédemment.

2.5 Conclusion du chapitre

Nous avons présenté théoriquement, dans ce chapitre, les deux troubles du cerveau : schizophrénie et trouble bipolaire. Nous avons également mis l’accent, dans ce chapitre, sur les différents facteurs de risque des deux maladies en question, à savoir le facteur génétique, le sexe du sujet et les facteurs environnementaux notamment le traumatisme. En outre, nous avons démontré leurs effets sur les trajectoires de risque des deux troubles. Ces facteurs-ci ont été tous pris en considération lors de l’analyse de nos données dans le chapitre 5.

Chapitre 3

Méthodologie en génétique

3.1 Introduction du chapitre

Dans ce mémoire, nous avons eu recours à une multitude de notions en génétique. Ainsi et à titre introductif, nous tentons, dans un premier temps, de faire un survol des préceptes et concepts fondamentaux de cette science. Notamment ceux en lien avec le présent travail. Nous présentons, ensuite, le détail théorique ainsi qu’empirique de la construction du score de risque génétique, évoqué précédemment dans la section traitant les facteurs de risque des troubles étudiés, 2.4.1, du chapitre 2.

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