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3.2 Le sous-programme "Jupiter-chauds" du consortium exoplanètes SOPHIE

3.2.3 Facteurs limitatifs de la précision

Grâce aux très nombreuses observations réalisées sur SOPHIE, il nous a été possible d’iden- tifier plusieurs pistes, pouvant être responsables de cette limitation de précision. Je présente ci- dessous les facteurs identifiés et les solutions que nous y avons apportées.

Effet de pollution par la Lune

F. 3.4 – Exemples de contamination d’un pic stellaire par un pic de corrélation dû à la lumière diffusée par la Lune. La courbe bleue représente la CCF non corrigée de la pollution lunaire, et l’ajustement gaussien de celle-ci en pointillés magentas. La courbe noire correspond à la CCF corrigée, et son ajustement gaussien apparaît en pointillés rouges.

Un des facteurs les plus importants est la contamination du spectre stellaire par la lumière diffusée dans le ciel en provenance de la Lune. En effet, lorsque la Lune brille dans le ciel, sa composante lumineuse apparaît dans la CCF comme un pic secondaire au pic stellaire. Lorsque les 2 pics sont proches, voire confondus, la mesure des trois paramètres de la CCF (la vitesse radiale, la FWHM et le contraste) en est affectée. Le pic stellaire est alors perturbé par les paramètres propres au pic de la Lune comme le montre la Fig. 3.4. Cet effet n’avait jamais été aussi important auparavant avec les instruments HARPS ou ELODIE. Cela est due à la grande ouverture (3 arcsec) sur le ciel de l’instrument SOPHIE, en comparaison à ces homologues. La surface de la fibre de l’instrument SOPHIE est 9 fois plus grande que celle de HARPS et 2,25 fois plus grande que celle de ELODIE. C’est dans cette optique que j’ai développé un outil permettant de corriger cette contamination (lorsqu’elle existe) et permettant ainsi de déterminer les paramètres de la CCF propres à l’objet observé. Cette correction n’est possible que dans le cas d’observations menées en mode obj_AB, lorsque la fibre B est dédiée à l’observation du fond de ciel. Cet effet de pollution apparaît dans les 2 modes HR et HE, même si celui-ci est bien plus important en mode HE. Ce dernier est en effet privilégié pour les observations d’étoiles de magnitude élevée, cependant

le rapport du flux stellaire au flux diffus de la Lune est par conséquent plus important. Il présente effectivement un effet conséquent sur certaines mesures des étoiles du SP2, indiquant une variation de VR de l’étoile non réelle. Cependant, cet effet s’avère beaucoup plus problématique dans le cas d’étoiles faibles (V > 11), telles que les cibles du suivi des programmes CoRoT ou SuperWASP, par exemple (pour plus de détails spécifiques à ces programmes, voir le chapitre 4).

L’idée fut tout d’abord d’aborder le problème au niveau du spectre, en amont de la technique de corrélation croisée. La fibre B nous donnant accès au spectre contaminant du fond de ciel, il est envisageable de le soustraire tout simplement au spectre observé sur la fibre A, mêlant spectre stellaire et contaminant. Il s’avère que l’opération est délicate à mener avec précision. En effet, les deux fibres n’ont pas exactement la même solution en longueur d’onde, et cette différence est in- férieure au pixel. Or il n’est possible de soustraire les spectres ordre par ordre que de pixel à pixel. Sans interpolation du signal spectral, il apparaît difficile de réaliser cette correction sans perdre de l’information spectrale ou d’altérer le spectre stellaire. Dans ce cas, l’utilisation des spectres ré-échantillonnés aurait pu convenir, sacrifiant seulement quelques pixels lors de la soustraction des deux signaux. Cependant, la génération des spectres à 1 dimension (S1D) est affectée d’un problème de correction de la réponse lumineuse du réseau-échelle (que l’on appelle le blaze de l’instrument), provoquant l’apparition de vaguelettes dans le spectre, qui pourrait aussi altérer le spectre stellaire lors de la correction. Je me suis donc penché sur la question dans l’espace des vitesses, s’affranchissant ainsi de tout problème de calibration en longueur d’onde des spectres. Il s’agit dans ce cas de déterminer séparément pour chacune des fibres A et B, leur CCF, ordre par ordre, non-renormalisée, puis de les soustraire les unes aux autres dans un même domaine de vi- tesse. Cette opération s’effectue en utilisant le rapport d’efficacité ordre par ordre, et le décalage en vitesse observé entre les 2 fibres, lorsque l’on utilise la même calibration en longueur d’onde pour les 2 fibres. Ce décalage en vitesse observé sur des poses réalisées avec la lampe Th-Ar simultané- ment sur les 2 fibres est différent selon le mode (HR ou HE) utilisé. Ainsi on observe un décalage de 30 m s−1, et de 80 m s−1en moyenne, respectivement dans les modes HR et HE. Celui-ci serait dû à l’inefficacité du transfert de charge lors de la lecture du CCD, appelé effet de CTI ("Charged Transfert Inefficacity") (Goudfrooij et al. 2006), qui se manifeste de manière significative dans le cas de spectres à faibles S/B.

Comme l’illustre la Fig. 3.4, la correction semble fonctionner correctement et permettre une mesure correcte des paramètres de la CCF, dont la vitesse radiale. Afin de vérifier au mieux la fiabilité de cette correction, j’ai réalisé une série de simulations, imitant la contamination d’un spectre stellaire par celui du spectre solaire reflété par la Lune, pour différents S/B. Ayant accès à l’ensemble de la base de données SOPHIE, j’ai fait une sélection d’un grand nombre de spectres stellaires réels couvrant un large domaine de vitesse radiale et de S/B, observés en obj_AB dans le mode HR, et ne présentant aucune contamination du flux lunaire sur la fibre ciel. Dans le cas du mode HE, ne pouvant malheureusement pas couvrir l’ensemble d’un large domaine de vitesse au vu du nombre limité de spectres, je n’ai pas restreint mon échantillon, considérant l’ensemble des spectres ne présentant pas de contamination sur la fibre ciel. Les simulations ont alors consisté à polluer les 2 fibres (A et B) de chacun des spectres sélectionnés par une série de spectres, dits "contaminants", de différents S/B, obtenus au cours d’une fin d’après-midi sur un ciel bleu afin d’avoir une uniformité maximale. Ces derniers jouent le rôle de flux contaminant en provenance de la Lune. L’un des avantages de ses simulations à l’aide de spectres réalisés sur le ciel est de tester la fiabilité du procédé de correction dans des conditions réelles d’observation. On mesure ainsi dans chacun des cas, les paramètres de la CCF du spectre avant et après pollution de celui-ci, et après correction. Cette correction est réalisée à l’aide de la CCF obtenue pour le spectre de la fibre B.

Facteurs limitatifs de la précision 61 ment obtenue après correction. ll est alors possible d’évaluer l’erreur réalisée sur la mesure après correction suivant les deux paramètres les plus sensibles que sont le rapport de S/B entre le spectre de la fibre A et celui de la fibre B, et la distance entre les pics stellaire et lunaire de la CCF. Ce paramètre de distance est égal à la différence de vitesse des 2 pics, pondérée par la valeur maxi- male de FWHM entre les deux pics. Cette pondération permet de prendre en compte les effets de pollution des ailes entre les pic stellaire et lunaire. L’expression du paramètre de distance s’écrit alors alors comme suit :

DLuneEtoile= max(FWHMVREtoile− VRLune

Etoile/Lune) (3.1)

F. 3.5 – Erreur résiduelle sur la vitesse après correction de la Lune, dans le mode HR, en fonction du rapport de S/N du spectre de la fibre A et de la fibre B et du paramètre de distance.

Les Fig. 3.5 et 3.6 illustrent les résultats obtenus lors de ses simulations pour les modes HR et HE, respectivement. Elles présentent la différence obtenue entre la vitesse mesurée sans qu’aucune pollution n’ait lieu et celle mesurée après correction de la pollution appliquée, en fonction des paramètres de distance et de rapport de S/N. On obtient ainsi l’erreur résiduelle réalisée sur la mesure en utilisant le procédé de correction, suivant les conditions d’observation. Ces simulations montrent que la correction fonctionne très bien dans le cas du mode HR, au-delà d’un rapport de S/N de 2 ou 3. Ceci est souvent le cas, puisque le S/B moyen obtenu sur la fibre B, par temps de pleine Lune est de l’ordre de 15-20, et que celui des étoiles du SP2 en mode HR est en moyenne de 50. Au-delà d’une valeur de 3 du paramètre de distance, l’erreur engendrée par la correction devient alors faible, et est de l’ordre de l’erreur de mesure (instrumentale + bruit de photon). Dans le cas du mode HE, il apparaît que le procédé est moins fiable. En effet, lors de la simulation on constate que 80 % des VR ont une erreur résiduelle due à la correction inférieure à 20 m s−1, au-delà d’un rapport de S/B de 3 quelque soit la distance entre le pic stellaire et le pic lunaire.

F. 3.6 – Erreur résiduelle sur la vitesse après correction de la Lune, dans le mode HE, en fonction du rapport de S/N du spectre de la fibre A et de la fibre B et du paramètre de distance.

Un nombre non-négligeable de VR reste loin de la valeur de VR initiale, même après correction, de plusieurs dizaines de m s−1, voire une centaine de m s−1. Néanmoins, au-delà d’une distance de 3 km s−1, quelque soit le rapport de S/B, la correction est alors fiable à 30 m s−1près. L’erreur engendrée par la correction est nécessaire afin d’estimer l’erreur réelle induite par la mesure elle- même et également la correction. Chacune des simulations réalisées dans les 2 modes montre que certaines mesures sont plus perturbées que d’autres et n’indiquent pas la tendance générale. Utilisant des spectres réels, j’ai affecté ceux-ci d’un facteur variable permettant ainsi de faire varier leur S/B. L’opération peut alors générer du bruit supplémentaire, notamment dans le cas de faibles S/B, suggérant l’apparition de tels points de mesure dans les simulations. Toutefois, il est également intéressant de connaître l’effet de VR que la pollution a induit par rapport à l’erreur résiduelle, après correction. Les Fig. 3.7 présentent la différence de VR entre les mesures de VR sur les CCF polluées non corrigées et celles sans pollution, comparées à la différence entre les mesures de VR sur les CCF non polluées et celles polluées et corrigées. Ces figures présentent la comparaison dans les deux modes, HR et HE. Elles illustrent que la procédure de correction permet de s’affranchir d’une très grande partie de la pollution de la mesure générée par la présence de la Lune dans la CCF, et ceci notamment dans le mode HR. En effet, pour une grande valeur de dérive de la VR lorsque la CCF est fortement polluée, la différence de mesure de VR après correction, par rapport à un état non pollué, devient relativement faible. On obtient ainsi une valeur de VR très proche de la VR réelle de l’étoile, n’engendrant qu’une relativement faible erreur de mesure. Dans le cas du mode HE, les résultats indiquent que la procédure de correction semble moins adaptée. Cependant, plusieurs facteurs restent limitatifs dans ce mode et pourraient induire ces perturbations résiduelles.

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F. 3.7 – Comparaison des différences de VR entre la CCF polluée et la CCF non polluée, et la CCF non polluée et la CCF corrigée. Cette figure présente la différence de VR avant et après correction par rapport à la mesure de référence, non polluée, dans le cas du mode HR (à gauche) et HE (à droite).

L’effet résiduel observé dans le mode HE est de l’ordre d’un facteur 2 ou 3 de l’erreur sur une mesure que l’on obtient sur une étoile de faible magnitude, c’est-à-dire quelques dizaines de m s−1. Ajoutées quadratiquement, l’erreur résiduelle et celle de la mesure au final peuvent sembler importantes. Pour autant l’effet de vitesse induit par la pollution de la Lune peut, pour sa part, atteindre plusieurs centaines de m s−1, comme le montre la Fig. 3.8. Par comparaison entre l’effet de vitesse induit par la pollution et l’erreur résiduelle après correction, on constate que la fraction corrigée est grande lorsque l’effet de pollution est important. Dans les cas extrêmes, la correction de vitesse améliore donc significativement la mesure, sans pour autant que l’erreur soit certes petite. Néanmoins, l’échantillon de spectres utilisés lors de ces simulations est relativement petit, et nécessiterait d’être étoffé afin de compléter et de mieux contraindre les statistiques obtenues. De plus, un effet résiduel subsiste sur les mesures dans les modes HR et HE, dû, semblerait-il au CTI, ne permettant pas une correction optimale de cette pollution. Des études sont actuellement en cours pour permettre de palier à ce problème.

Une approche différente de cette correction a également été testée, mais ne s’avère pas fiable. Elle consiste à corriger la fibre A de la CCF de la fibre B en ajustant tout d’abord cette dernière par une gaussienne. On ne corrigerait de cette manière que la contamination due au pic de la Lune. J’ai repris les mêmes simulations que précédemment en appliquant cette méthode. J’y ai fixé, de plus, un seuil minimal à toute correction, imposant que le contraste de la CCF de la fibre B soit supérieur à 2%. Ce critère permet d’identifier si un signal contaminant sur la fibre B est détectable et par conséquent si une correction est alors nécessaire. Cela permet également d’éviter toute sur- correction, l’algorithme ajustant la gaussienne sur la CCF n’étant pas fiable lorsque le signal ne présente que du bruit ou une très faible composante. Les résultats obtenus semblent introduire plus de bruit que le procédé précédent. La correction effectuée ne peut en effet être meilleure. Sur chaque ordre, le bruit domine en effet le signal. L’ajustement gaussien alors obtenu pour chacun d’entre eux ne reflète pas correctement le pic stellaire et ne permet pas une correction optimale.

Le système de préparation des observations est maintenant équipé d’un outil de calcul de la position de la Lune et de la valeur de la vitesse barycentrique Vberv, indiquant la position en VR du pic de corrélation. Celui-ci permet de calculer la positon de la Lune dans le ciel, à une

F. 3.8 – Effet de pollution par la Lune sur les mesures de VR. Exemple d’un jeu de VR mesurées sur une cible de faible luminosité. Les points rouges représentent les mesures non corrigées et les points noirs, les mesures corrigées.

date et heure données, et de déterminer Vberv, considérant les coordonnées de l’étoile observée. Cela permet ainsi de comparer la vitesse barycentrique et celle de l’étoile afin de vérifier que les deux pics résultant ne se mélangent pas, lorsque la Lune brille dans le ciel. Cet outil se nomme "MoonPosition.py" et peut être utilisé en ligne de commande directement depuis le poste sophiedrs au télescope.

Effet de VR à faible S/B

L’instrument est de plus affecté d’un deuxième effet sur la mesure de la vitesse lorsque les spectres ont de faibles S/B, quelque soit le mode d’utilisation. Ainsi plus le S/B est faible, plus la vitesse radiale mesurée sur le spectre semble petite. C’est un effet que l’on retrouve dans le cas de plusieurs étoiles, comme BD+492265 en Fig. 3.9. Il semblerait que cet effet soit lié à l’effet de lecture du CCD (effet CTI), évoqué plus tôt. Nous avons mis au point une correction empirique basée sur les mesures réalisées sur plusieurs étoiles présentant un tel effet. Il s’agit d’appliquer une correction en VR en fonction du S/B grâce à un ajustement de la tendance moyenne obtenue par des observation-tests réalisées sur une étoile avec différents temps de pose, permettant de faire varier le S/B des spectres obtenus. Cette correction semble fiable lorsqu’elle est appliquée indi- viduellement, améliorant par exemple les résidus de l’ajustement de mesures de VR de planètes connues. Mais une correction électronique de l’effet de CTI est nécessaire afin de s’affranchir définitivement de cet effet.