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Les données méta-analytiques du premier article suggèrent aussi que la qualité des services de garde constitue un facteur déterminant servant à protéger les enfants contre les élévations de cortisol à la garderie. Cette hypothèse a fait l’objet de recherches

supplémentaires effectuées dans le contexte de l’ELDEQ (Geoffroy, 2007). Des

échantillons salivaires de cortisol de 81 enfants âgés en moyenne de 63.72 mois (écart-type [ET] : 2.95) fréquentant tous un service de garde à temps plein (84.4% étaient en

garderie en installation et 15.6% en milieu familial). Quatre échantillons de cortisol ont été collectés au cours de la matinée : le premier à l’arrivée à la garderie vers 9h et le dernier, juste avant l’heure du lunch, vers 11h30. Lors de la visite, les assistants de recherche ont aussi évalué la qualité des services de garde et le niveau de sensibilité de l’éducatrice à l’aide de grilles d’observation validés (Harms, Clifford, & Cryer, 1998). Pour l’ensemble des enfants, le cortisol diminuait au cours de la matinée. Aucune association entre la qualité du milieu de garde et le patron cortisolaire n’a été détectée. Cependant, cette étude

comporte une limite important à l’effet que le cortisol à la maison n’avait pas été mesuré et par conséquent il n’était pas possible de déterminer si le patron de cortisol observé à la garderie était comparable à celui observé à la maison. Il est aussi possible que la variabilité dans la qualité des milieux de garde observée était trop limitée, c’est-à-dire que les indices variaient autour d’un niveau de qualité de moyenne à élevée. Malgré ces limites, cette étude

148 permet tout de même de conclure que les services de garde de qualité moyenne à élevée ne mènent pas à des patrons circadiens de cortisol atypiques pendant la matinée chez les enfants âgés de cinq ans.

L’importance de la qualité des services de garde sur le développement des enfants, notamment sur les compétences cognitives, a été documentée dans de nombreuses études menées sur de larges échantillons d’enfants issus de la classe moyenne comme le NICHD SECC (NICHD ECCRN, 2000) ou le Cost Quality and Child Outcome (CQO) (Peisner- Feinberg et al., 2001) et sur de plus petits échantillons d’enfants provenant de milieux défavorisés (Burchinal, Roberts, Nabors, & Bryant, 1996; Loeb, Fuller, Kagan, & Carrol, 2004; Votruba-Drzal, Coley, & Chase-Lansdale, 2004). Très récemment, une étude menée à partir des données du NICHD SECC a détecté une association entre le niveau de qualité des services de garde et le développement cognitif à l’âge de 15 ans, soit 10 ans après que les enfants aient quitté les services de garde (Vandell et al., in press). Qui plus est, la relation observée entre la qualité des services de garde et les compétences cognitives des adolescents était quadratique, suggérant que l’association s’observait uniquement lorsque les milieux de garde étaient de qualité moyenne à élevée (Vandell et al., in press). 

Cependant, il faut souligner que les tailles de l’effet rapportées dans les échantillons d’enfants de classe moyenne, après la correction pour les facteurs de sélection, demeuraient modestes (Belsky et al., 2007; NICHD ECCRN & Duncan, 2003a, 2003b; Vandell et al., in press).

Une piste de recherches futures serait d’examiner les associations entre la qualité des services de garde et le développement cognitif des enfants dans le contexte de l’ELDEQ.

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Facteurs liés à la famille

Comme le suggère le deuxième et le troisième article de thèse, ainsi que d’autres études (Caughy, DiPietro, & Strobino, 1994; Magnuson, Meyers, Ruhm, & Waldfogel, 2004), il semble que l’effet de la garderie sur le développement cognitif dépend du milieu familial d’où provient l’enfant.

Les études de cette thèse n’ont pas trouvé d’effets (positifs ou négatifs) de la garde non-parentale sur les compétences cognitives des enfants issus de familles mieux nanties. Les services de garde dans la communauté ne semblent pas offrir un niveau de stimulation suffisant pour permettre l’amélioration des compétences cognitives de tous les enfants. Notons qu’une étude effectuée en Suède auprès d’un réseau universel offrant des services de garde de haute qualité, a documenté un effet bénéfique de la garde non-parentale initiée au début de la vie sur les compétences académiques des participants suivis jusqu’à l’âge de 13 ans (Andersson, 1992; Broberg, Wessels, Lamb, & Hwang, 1997), indépendamment des conditions socioéconomiques des familles. Ce résultat suggère qu’une amélioration de la qualité de nos services de garde pourrait également mener à des effets positifs sur le développement cognitif de tous les enfants.

Le résultat le plus novateur de cette thèse est d’avoir montré avec les second et troisième articles que la garde non-parentale agissait possiblement sur le développement cognitif, mais seulement pour le sous-groupe d’enfants issus de milieux défavorisés. Les résultats appuient ainsi l’hypothèse de compensation, voulant que le risque associé à un environnement socioéconomique faible s’exerce avec moins d’impact lorsque l'enfant bénéficie d’une expérience compensatoire en garderie. D’autres études ont aussi détecté des effets d’interaction à l’intérieur de leur échantillon, suggérant un effet différentiel de

150 enfants vivant en contexte de vulnérabilité (Burchinal, Peisner-Feinberg, Bryant, &

Clifford, 2000; Caughy, DiPietro, & Strobino, 1994; Dearing, McCartney, & Taylor, 2009; Peisner-Feinberg et al., 2001).

Les études longitudinales ont montré que les circonstances défavorables au début de la vie avaient une influence durable sur la santé et le bien-être futur des individus (Lynch, Kaplan, & Salonen, 1997; Poulton et al., 2002; Power, Manor, & Matthews, 2003; Power & Matthews, 1997; Stansfeld, Clark, Rodgers, Caldwell, & Power, 2008). Les enfants, qui naissent dans une famille désavantagée sont plus susceptibles d’éprouver des difficultés académiques et relationnelles pendant les années scolaires et de décrocher avant d’avoir obtenu de diplôme d’études secondaires (Evans & Evans, 2004; Hertzman & Power, 2004; Hertzman & Power, 2006; McLoyd, 1998) . Une fois devenus adultes, le manque de scolarité s’associe à une position en bas de l’échelle sociale, et généralement à de moins bonnes habitudes de vie et à une plus grande vulnérabilité au stress et aux maladies (Adler, Boyce, Chesney, Cohen, & et al., 1994; Hertzman & Power, 2004; Hertzman & Power, 2006; Lynch, Kaplan, & Salonen, 1997).

Les données de cette thèse ont montré que l’utilisation des services de garde dans la communauté pouvait contribuer à aider les enfants vulnérables à arriver mieux préparés à l’école maternelle et à obtenir de meilleurs résultats en mathématiques en première année. Les essais cliniques randomisés ont aussi observé que les enfants défavorisés ayant reçu un programme d’intervention précoce réussissaient mieux à l’école, y restaient plus longtemps et étaient en meilleure santé à l’âge une fois adulte que ceux qui n’avaient pas reçu une telle intervention (Belfield, Nores, Barnett, & Schweinhart, 2006; Reynolds & Temple, 2008).

Au-delà des impacts pendant l’enfance, il est possible que les services de garde produisent des effets à long terme sur le développement des enfants défavorisés,

151 minimisant ainsi les inégalités sociales en santé et en éducation. Cependant, ces impacts devront être documentés à l’aide d’échantillons longitudinaux.

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