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Facteurs influençant la répartition spatiale de la densité de tiques I. ricinus en quête d’un hôte. 26

3.2.1 Répartition biogéographique

Comme pour tout parasite, la répartition géographique d’I. ricinus dépend de la présence de ses hôtes et des conditions environnementales durant les phases libres (non-fixées à un hôte). Tolérant mal la dessiccation, elle est essentiellement présente sous des climats suffisamment humides. Sa répartition s'étend de la péninsule ibérique jusqu'au cercle arctique, et de l'Islande à la mer Caspienne ( Abbassian-Lintzen 1960 ; Gilot et al. 1976 ; Richter et al. 2013 ; Noureddine 2011 ; Jaenson et al. 2012a).

L'espèce est aussi présente en Afrique du Nord dans des régions humides et montagneuses où elle peut être confondue avec I. inopinatus, qui est quant à elle observée en Europe de façon sporadique (Estrada-Peña et al. 2014 ; Petney et al. 2015 ; Chitimia-Dobler et al. 2018 ; Hauck et al. 2019 ; Younsi et al. 2020). La carte de l’ECDC présente la répartition de l’espèce à l’échelle départementale (NUTS3) d’après des données collectées par le projet VectorNet et validées par des experts extérieurs (Figure 3).

Figure 3 : Carte de répartition d’Ixodes ricinus d’après l’ECDC au 21 octobre 2020.

Stockholm: ECDC & EFSA 2020. Carte disponible depuis :

https://ecdc.europa.eu/en/disease-vectors/surveillance-and-disease-data/tick-maps

Plusieurs études ont été conduites sur la répartition d'I. ricinus en France, bien que la plupart datent du dernier quart du 20e siècle. La plupart des études ont été réalisées par la méthode du drap ou du drapeau, et parfois par la collecte de tiques fixées sur les hôtes. L'espèce est présente sur tout le

territoire métropolitain, mais plus rarement sur le pourtour méditerranéen et la Corse où elle est présente plutôt en altitude (Doche et al. 1993 ; Gilot et al. 1995 ; Grech-Angelini et al. 2016 ; Stachurski & Vial, com. pers.). Elle a tendance à se raréfier sur le littoral (zone comprise entre une étendue maritime et la terre ferme), peut-être à cause d’un effet négatif des conditions environnementales particulières qui y règnent, comme des vents et des embruns très fréquents (Degeilh et al. 1994). Elle est néanmoins présente sur Belle-Île-en-Mer (Bonnet et al. 2007), indiquant que l’espèce peut être présente sur des îles, mais sans doute rare puisque Michelet et al. (2016) n’en ont collecté aucune sur cette même île. Gilot, Pichot & Doche (1989b), durant un inventaire des tiques dans la vallée du Rhône sur une zone de 330 x 80 km s'étendant de la Saône-et-Loire aux Bouches-du-Rhône, Gard et Hérault ont enregistré la présence d’I. ricinus de 200 à 1150 m d’altitude, de la Saône-et-Loire au Nord des départements de la Drôme et de l’Ardèche, mais pas dans les départements situés plus au Sud, suggérant qu'elle doit être rare au sud de cette limite. Doche et al. (1993) ont quant à eux cherché l'espèce dans 43 stations d’échantillonnages du sud-ouest de la France et ne l'ont pas trouvée dans les stations situées à l'est de la Haute-Garonne, excepté dans les contreforts pyrénéens. Plus récemment, l’espèce a été observée au sommet du Pic de Bazès, dans les Hautes Pyrénées, à 1 800 m d’altitude (Akl et al. 2019 ; Bourgoin, com. pers.). Une carte de présence de l’espèce par département a été dressée à partir des données collectées dans la littérature scientifique et de communication personnelles4 (Figure 4).

Figure 4 : Carte de répartition d’Ixodes ricinus d’après les données issues de la littérature scientifique et de communications personnelles.

4 Ces communications personnelles ont fait suite à un questionnaire visant à recenser les jeux de données existants et les projets de recherche sur les tiques, passés, en cours ou ayant fait l’objet d’une demande de financement.

Le changement climatique pourrait modifier à la fois la répartition et la phénologie d’I. ricinus (Estrada-Peña 2007 ; Gray 2009, Léger et al. 2013). Les changements climatiques ont pour conséquence une expansion de l’aire de répartition de l’espèce en altitude et vers le Nord (Scandinavie et Finlande) (Tällenklint & Jaenson 1998 ; Lindgren 2000 ; Gilbert, 2010 ; Jaenson et al. 2012a ; Medlock et al. 2013 ; Léger et al. 2013). Inversement, une disparition progressive dans les régions du Sud de l’Europe à faible altitude pourrait être observée (péninsule ibérique et pourtour méditerranéen).

En France, les conséquences de ces changements climatiques pourraient être une régression sur le pourtour méditerranéen, et une progression en altitude (Pyrénées, Alpes). Néanmoins, à l’échelle régionale et paysagère, les effets des changements d’utilisation du sol et des activités humaines sur la distribution de l’espèce seront probablement plus importants que ceux liés au changement climatique (Léger et al. 2013).

3.2.2 Facteurs géologiques, édaphiques et microclimatiques

À l'échelle du paysage, la présence d'I. ricinus semble dépendre de facteurs abiotiques (humidité et température) et biotiques (sol, végétation, hôtes). La nature du sol en particulier, micro-habitat où les tiques passent la plus grande partie de leur vie, pourrait influencer fortement leur survie et donc la dynamique de leurs populations. Des sols retenant mieux l’eau semblent plus favorables à la survie d’I. ricinus (Milne 1944 ; Jensen, Hansen & Frandsen 2000; Medlock et al. 2008). La présence d'argile semble toutefois défavorable pour une raison qui reste à préciser (Medlock et al. 2008; Goldstein et al.

2018). Inversement, des sols très drainants, comme du sable ou des graviers, et des sols calcaires semblent aussi défavorables, cette-fois ci à cause d’un déficit hygrométrique (Medlock et al. 2008).

La topographie semble aussi jouer un rôle non négligeable sur la présence des tiques, via les modifications microclimatiques qu’elle induit. Des sols en pente (> 5°) qui retiennent moins l’eau du fait du ruissellement semblent généralement moins favorables à la survie d’I. ricinus (Medlock et al.

2008). Une exposition vers le nord ou ver le sud expose les tiques respectivement à des températures extrêmes froides (gel) ou chaudes (dessiccation), ce qui pourrait réduire leur survie (Medlock et al.

2008). Toutefois, cela ne serait pas nécessairement valide sous tous les climats et à toutes les altitudes.

La densité de tiques ne semble pas affectée par des facteurs géo-chimiques comme le pH, du moins pas de manière directe (Milne et al. 1944 ; Erhmann et al. 2017). En revanche, la géologie pourrait influencer la végétation qui influence à son tour la structure du sol et les communautés d’hôtes.

3.2.3 Facteurs liés à la végétation et au paysage

La présence d’une végétation dense et d'une litière semble plus favorable à la survie d’I. ricinus (Goldstein et al. 2018). Une litière trop épaisse semble néanmoins défavorable, peut-être parce qu’elle favorise le développement de parasites de tiques comme des champignons ou des vers nématodes (Goldstein et al. 2018). D’autres variables relatives à la végétation, comme la diversité des espèces végétales ou le type de végétation herbacée dominante, semblent peu pertinentes pour prédire la présence de tiques (Ehrmann et al. 2017 ; Kiewra et al. 2017). En revanche, le type de gestion forestière influence la sélection d’habitat des différentes espèces d’ongulés sauvage et donc probablement aussi les densité de tiques (Theuerkauf & Rouys 2008).

À l’échelle du paysage, les habitats fermés (forêts, haies, vergers, jardins) qui retiennent l'humidité et tamponnent les variations de température seraient plus favorables aux tiques que les habitats ouverts (prairies, pelouses, cultures) qui les exposent au soleil et au vent (L’Hostis et al. 1995 ; Boyard et al.

2007 ; Halos et al. 2010 ; Boyard et al. 2011). Les bordures de prairie et de champs avec plus de végétation et proches de zones boisées et de haies, présenteraient des densités de tiques plus

importantes (Boyard, Vourc’h & Barnouin 2008 ; Agoulon et al. 2012 ; Medlock et al. 2020). Les densités de nymphes dans les prairies seraient d’autant plus importantes que les zones boisées proches en abritent elles-mêmes de fortes densités, probablement par un effet « source-puit » lié au déplacement d’une partie d’entre elles en tant que larves par des hôtes, notamment de certains micromammifères ubiquistes comme le mulot sylvestre, Apodemus sylvaticus (Boyard, Vourc’h & Barnouin 2008 ; Halos et al. 2010 ; Perez et al. 2016).

Certains auteurs relatent des densités de tiques plus importantes dans les forêts de feuillus que dans celles de conifères (Gassner et al. 2008; Tack et al. 2013), mais d’autres relatent l’inverse (Walter et al.

2001). En fait, la présence d’une diversité d’essences et d’une végétation secondaire (buissons ou herbes) semble être un facteur plus déterminant que l’essence dominante seule. En effet, une végétation secondaire abondante permettrait probablement des densités d’hôtes plus importantes, ceux-ci bénéficiant de ressources alimentaires et/ou d’abri vis à vis des prédateurs (Estrada-Peña 2001 ; Tack et al. 2013 ; Millins et al. 2016). De même, la présence d’arbres fruitiers attirant les hôtes semble être un facteur d’augmentation de la densité de nymphes (Boyard et al. 2011).

3.3 Variations temporelles des densités de tiques I. ricinus en quête