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I. Introduction

3. Cancer du sein : Facteurs de risque établis / suspectés

3.2. Facteurs non génétiques

3.2.1. Facteurs hormonaux et reproductifs Age à la ménarche et âge à la ménopause

La ménarche et la ménopause sont des marqueurs de début et de fin, respectivement, de l'activité ovarienne et de l'activité endocrinienne associée à la reproduction. Pendant la période de reproduction, l'ovaire produit des hormones stéroïdiennes qui affectent directement le développement et la fonction de la glande mammaire. Il est établi que la ménarche précoce et la ménopause tardive augmentent le risque de cancer du sein (Kapil et al. 2014) du fait d’une durée d’exposition prolongée aux œstrogènes.

Parité

Dans une analyse poolée regroupant 20 études (Clavel-Chapelon et al. 2002), les auteurs ont montré que pour chaque grossesse à terme le risque de cancer du sein diminuait de 3% et 12% respectivement chez les femmes pré et post-ménopausées. Cet effet protecteur est expliqué par la différenciation des cellules de la glande mammaire en réponse aux changements hormonaux induits par la grossesse ce qui les rendent moins sensibles aux effets des cancérogènes.

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Âge à la première grossesse à terme

Concernant l'âge à la première grossesse à terme, les mêmes auteurs (Clavel-Chapelon et al. 2002) ont démontré que le risque de cancer du sein pour chaque année de retard de la première grossesse à terme est augmenté de 5% et de 3% respectivement chez les femmes pré- et post-ménopausées.

Allaitement

Indépendamment de la parité, l'effet de l`allaitement a été évalué dans une revue de 47 études épidémiologiques (Collaborative Group on Hormonal Factors in Breast 2002). Les résultats ont montré que le risque de cancer du sein a diminué de 4,3 % pour chaque période de 12 mois d'allaitement. Cet effet protecteur peut être expliqué par l’existence d’une différenciation plus complète des cellules mammaires lors de l’allaitement (Russo et al. 2001), et par le retard de retour des menstruations entraînant une durée d’exposition réduite aux hormones ovariennes (Kelsey et al. 1993).

Traitements hormonaux de la ménopause (THM)

Une revue de 51 études épidémiologiques (Collaborative Group on Hormonal Factors in Breast Cancer 1997) et l’étude « Million Women Study » (Chlebowski et al. 2003) initiée en 1996 ont fourni des preuves convaincantes que l'utilisation de THM augmente le risque de cancer du sein . Dans l'ensemble, le risque de cancer du sein est plus élevé pour les THM à base d'une combinaison d’œstrogènes et de progestatifs. Le risque est lié également à la durée d'utilisation et à la durée écoulée depuis l’arrêt d'utilisation (Cordina-Duverger et al. 2013).

Une revue récente de la littérature a rapporté un RR de 1,2 avec IC à 95 % 1,0 - 1,4 associé à l'utilisation actuelle d'œstrogènes seuls et un RR de 1,7 avec IC à 95 % 1,4 - 2,2 associé avec l'utilisation actuelle combiné d'œstrogènes et de progestatif (Collins et al. 2005). L'utilisation de THM a considérablement diminué au cours des dernières années. Cette diminution est vraisemblablement responsable de la baisse observée de l'incidence du cancer du sein (Ravdin et al. 2007, Molinie et al. 2014).

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Contraceptifs oraux

L'association entre l'utilisation de contraceptifs oraux et le cancer du sein a été largement étudiée. Une analyse groupée de 54 études épidémiologiques effectuée en 1996 suggère une augmentation du risque associé à l'utilisation actuelle ou récente des contraceptifs oraux. L’association avec la prise de contraceptifs oraux n’était plus apparente 10 ans après l'arrêt d'utilisation (Collaborative Group on Hormonal Factors in Breast Cancer 1996). Depuis la publication de cette analyse, les résultats d'autres études sur l’utilisation de contraceptifs oraux montrent des résultats inconsistants, allant de l'absence d’effet à une augmentation modérée du risque de 20 à 30% (Van Hoften et al. 2000, Marchbanks et al. 2002, Dumeaux et al. 2003, Hunter et al. 2010, Marchbanks et al. 2012, Beaber et al. 2014).

3.2.2. Facteurs anthropométriques Taille

La taille est associée à une augmentation du risque de cancer du sein et cette association présente un effet dose-réponse linéaire (Friedenreich 2001, Baer et al. 2006, Green et al. 2011, Kabat et al. 2013). Les résultats issus d’une récente méta-analyse de 159 cohortes prospectives combinée à une étude de randomisation mendélienne ont fourni des preuves supplémentaires que le risque de cancer du sein est corrélé positivement avec la taille à l’âge adulte (Zhang et al. 2015). Les mécanismes qui peuvent expliquer cette association ne sont pas entièrement élucidés car la taille est un caractère complexe déterminé par de multiples facteurs génétiques et environnementaux. Parmi les pistes envisagées l'apport énergétique durant l’enfance pourrait jouer un rôle.

Poids et indice de masse corporelle (IMC)

L’association avec le poids et l’IMC dépend du statut ménopausique. L’obésité à l’âge adulte, définie par un indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 30, est positivement associée au risque de cancer du sein chez les femmes post-ménopausées, alors qu’une association inverse a été observée chez les femmes pré-ménopausées (Michels et al. 2006, Renehan et al. 2008, Berstad et al. 2010, Harris et al. 2011, White et al. 2015, Cordina-Duverger et al. 2016). Par ailleurs, le gain de poids au début de l'âge adulte a été associé à un risque accru de cancer du sein chez les femmes post-ménopausées, mais pas chez les femmes pré-ménopausées (Keum et al. 2015). La conversion des androgènes en œstrogènes dans le tissu adipeux par les enzymes aromatases augmente le taux d'œstrogènes circulants, et

26 pourrait augmenter le risque de cancer du sein chez les femmes post-ménopausées (Picon-Ruiz et al. 2017). A l’inverse, les femmes obèses en pré-ménopause ont un taux sanguin d'estradiol réduit (Thomas et al. 1997), pouvant expliquer l'effet protecteur de l’obésité en pré-ménopause.

3.2.3. Facteurs liés au mode de vie Alimentation

Le rôle de facteurs alimentaires dans l’étiologie de cancer du sein, comprenant la consommation de graisses, de fruits et de légumes, de vitamines (A, C, E et ß-carotène), de glucides, de produits laitiers et de soja, ont fait l’objet de nombreuses études (Smith-Warner et al. 2001, Trock et al. 2006). Cependant, aucun de ces facteurs n'a été clairement établi comme étant associé au risque de cancer du sein (Michels et al. 2007). Par ailleurs d’autres études s’intéressant au potentiel inflammatoire ou anti-inflammatoire de l’alimentation ont suggéré qu’une alimentation de type inflammatoire était associée à un risque accru de cancer du sein (Tabung et al. 2016).

Consommation d’alcool

De nombreuses études observationnelles ont examiné le lien entre la consommation d'alcool et le cancer du sein. Dans l'ensemble, la consommation d'alcool a été clairement associée à une augmentation modérée du risque de cancer du sein (Hamajima et al. 2002, Tjonneland et al. 2007). Une analyse poolée de 53 études a montré une augmentation du risque de 7% pour chaque consommation additionnelle de 10 g d'alcool par jour (Hamajima et al. 2002).

Plusieurs mécanismes ont été évoqués, parmi lesquels l’augmentation de la concentration d'œstrogènes liés à la consommation d'alcool (Lachenmeier et al. 2012), la diminution de l'efficacité de la réparation de l'ADN (Purohit 2000), la stimulation du métabolisme de substances cancérogènes comme l'acétaldéhyde induisant des dommages à l’ADN (Singletary et al. 2001).

Activité physique

Plusieurs études ont suggéré que l’activité physique à l'âge adulte diminuait le risque de cancer du sein (Frova et al. 1991, Kobayashi et al. 2013). La majorité des études qui ont examiné cette association ont également mis en évidence un effet dose-réponse. Une méta-analyse de 31 études prospectives a montré que l'activité physique régulière était associée à

27 une réduction du risque de cancer du sein avec un effet dose-réponse (Wu et al. 2013). Les mécanismes par lesquels l'activité physique peut prévenir le cancer du sein ne sont pas clairs. L'activité physique a une influence sur la longueur du cycle menstruelle, sur le poids et sur les concentrations hormonales dans le sang (Sternfeld et al. 2002). L'activité physique pourrait réduire le risque de cancer du sein en agissant sur les niveaux d'œstrogènes, d'insuline et des facteurs de croissance (Friedenreich 2010).

Travail de nuit

Le travail de nuit entraînant une perturbation du rythme circadien a été classé comme cancérogène probable (groupe 2A) par le CIRC en 2007 sur la base de preuves suffisantes chez l’animal et de preuves limitées chez l'homme (IARC 2010). Depuis, plusieurs études ont évalué le risque de cancer du sein lié au travail de nuit, avec des résultats contradictoires (Fritschi et al. 2013, Koppes et al. 2014, Akerstedt et al. 2015, Papantoniou et al. 2016). Une analyse poolée récente de 5 grandes études cas-témoins en population générale permettant d’évaluer l’exposition au travail de nuit de façon homogène sur l’ensemble de la vie professionnelle à partir d’une définition commune, montre l’existence d’un risque accru de cancer du sein chez les femmes en pré-ménopause travaillant de nuit plus de trois fois par semaine (Cordina-Duverger et al. 2018). Cette analyse a montré également que le risque diminue après l’arrêt de l’exposition pendant plus de 2 années. Parmi les mécanismes d’action, on a évoqué la suppression du pic nocturne de mélatonine causée par l'exposition à la lumière durant la nuit, les perturbations de l’horloge circadienne ayant un impact sur le cycle cellulaire, l’apoptose et la réparation de l’ADN, certains facteurs liés au mode de vie (ex, régimes alimentaires de mauvaise qualité, moins d'activité physique chez les femmes travaillant de nuit) et la diminution de la vitamine D par manque d’exposition au soleil (Fritschi et al. 2011).

3.2.4. Facteurs environnementaux Rayonnement ionisants

Les radiations ionisantes, y compris d’origine médicale, constituent le seul facteur de risque environnemental bien établi de cancer du sein (Preston et al. 2002, Land et al. 2003, Travis et al. 2005). Il a été rapporté l’existence d’une relation dose-réponse linéaire entre l'exposition et le risque de cancer du sein (Ronckers et al. 2005). Toutefois le nombre de cas attribuable à cette exposition dans la population est très faible.

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