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Œsophage Pince TA 45

VIII. DISCUSSION A. Epidémiologie

1. Facteurs favorisants a. Sexe

Toutes les séries nous rapportent une nette prédominance féminine des lésions trachéales secondaires à l'intubation [34]. 68 à 100% des cas étaient de sexe féminin, l’hypothèse évoquée étant une légère et particulière fragilité de la trachée chez les femmes. Il est possible aussi, que chez les sujets de petite taille, particulièrement de sexe féminin, le diamètre de la sonde d'intubation utilisée ne soit pas toujours parfaitement adapté au diamètre de la trachée.

b. Le matériel utilisé

L'inflammation et la réaction anaphylactique sont de fréquence et de sévérité variables selon le matériel utilisé. Le caoutchouc n’est plus utilisé actuellement ; le polyvinyle compensé est le plus souvent utilisé malgré l’avènement de la silicone.

Le ballonnet : Anciennement, les ballonnets utilisés avaient une forme ovoïde, ils contenaient un petit volume et nécessitaient par conséquence de hautes pressions (25 mm Hg environ) pour qu’ils se plaquent plus étanchement contre les parois de la trachée.

Mais au début des années 70, les ballonnets à haut volume et à basse

pression sont apparus sur le marché. En 1971, Grillo apporta les premières

observations cliniques comparatives. Ces ballonnet ont fait preuve d’une meilleure efficacité en matière de prévention de l'ischémie muqueuse et donc de survenue des fistules oesotrachéales. De plus, lors de la ventilation assistée, le gonflement du ballonnet n’étant pas toujours harmonieux, augmente la pression du tube qui vient comprimer la paroi trachéale, surtout en arrière,

contre la membraneuse et plus postérieurement contre l’œsophage et le rachis non extensible. Ceci favorise l’apparition du phénomène ischémique de la paroi trachéale observé dans le mécanisme des FOT secondaires à l’intubation prolongée.

Le gonflement du ballonnet doit se faire à un certain volume (aux environs de 20-25 mmHg) pour empêcher la survenue des fuites d'air lors de l’insufflation. De ce fait, une pression interne variable se constitue en fonction de la taille, du volume d'air et du matériau utilisé. Cette pression interne se transmet par la suite à la paroi trachéale et compromet la vascularisation de sa muqueuse, qui est d'autant plus fragile que les vaisseaux sont disposés en dents de peigne, et ceci va engendrer une sorte de ligne blanche sur les génératrices les plus antérieures et les plus postérieures [34].

Il est essentiel de ce fait d’assurer un monitorage de la pression des sondes d’intubation, munies de ballonnets à basse pression. La connexion de type « luer » permet de relier le manomètre, soit à la tubulure de connexion, soit directement à la sonde d’intubation. Il s’agit d’un appareil ergonomique muni d’un bouton d’ajustement de pression qui permet d’adapter la pression désirée. Le calibrage est en cmH2O.

Une deuxième sorte d’appareil existe : ce sont les régulateurs de pression d’air des ballonnets. Le principe est simple : un soufflet non stérile en P.V.C, souple est connecté en permanence à la valve anti-retour du ballonnet de la sonde d'intubation. Ce soufflet compense toutes les variations de volume d'air subies par le ballonnet dues aux mouvements de la trachée du patient. Ce système a été développé et intégré sur les sondes d’intubation, il existe par exemple le système Lanz. Le ballonnet externe et la valve de réglage du système Lanz™ autorégulent en continu la pression dans le ballonnet, écartant ainsi tout risque de gonflage excessif ou insuffisant.

Figure 28 : Controleur de pression du ballonnet [35]

Il parait également que l'intubation sélective inaperçue aboutit au gonflage du ballonnet de la sonde d'intubation avec un volume habituel, mais dans une bronche de diamètre plus petit que celui de la trachée ce qui favorise ainsi la survenue des phénomènes ischémiques à ce niveau.

Figure 29 : Ballonnet à haute pression [35]

Figure 30 . Ballonnet à basse pression [35]

c. La trachéotomie

Une trachéotomie très basse est associée à un risque non négligeable d’ulcération du tronc artériel brachio-céphalique, par contre une trachéotomie très haute est associée à un risque important de sténose laryngo-trachéale. Le diamètre de la canule de trachéotomie doit par ailleurs être adapté à la morphologie du patient, en tenant compte que:

- La montée d’une canule de petite taille exige le surgonflage du ballonnet

- La canule a tendance à faire becquer son extrémité au contact de la paroi antérieure

- L’orifice de stomie constitue une potentielle porte d’entrée infectieuse qui peut fragiliser les tissus voisins.

d. Soins et réanimation

Le matériel de la ventilation mécanique bouge de façon rythmée par les mouvements inspiratoires et expiratoires, et engendre de ce fait un effet de

piston transmis à la sonde d'intubation, cela nécessite donc la fixation et le

raccourcissement maximal de la tubulure de ventilation. L’aspiration des voies aériennes doit être faite de manière douce pour éviter le picotage de la muqueuse trachéale qui peut être à l’origine de fibrose cicatricielle. L’air insufflé par le respirateur doit être constamment humidifié et réchauffé.

e. Le facteur œsophagien

Un reflux gastrooesophagien favorisé par le décubitus prolongé et/ou par l’atonie diaphragmatique particulièrement nette sous curarisation et la présence d'une sonde naso-gastrique, tout cela peut aboutir à la survenue d’une oesophagite altérant la muqueuse œsophagienne. Cela constitue un facteur prédisposant aux différents types de complications, notamment les granulomes, les sténoses sous-glottiques, les laryngo-spasmes et les troubles de la déglutition.

Le reflux gastrooesophagien peut entrainer donc une œsophagite et permet aussi aux germes de la flore digestive de venir coloniser les voies respiratoires, ce qui aboutit à la survenue des bronchopneumopathies nosocomiales.

L’œsophagite, qui peut être éventuellement liée à la prise de certains anti-inflammatoires tels que les corticoïdes et la phénylbutazone, érode la paroi œsophagienne et favorise ainsi l'extension des FOT. [21].

f. Le facteur humain

Il est représenté essentiellement par les traumatismes liés aux changements de canule.

Les changements de canule nécessitent un nouveau raccordement avec la tuyauterie du respirateur. La suspension mal équilibrée de celle-ci, la traction intempestive sur la canule, l’utilisation d’un raccord peu flexible, sont des causes importantes de lesions ostiales et endotrachéales. La nouvelle canule doit, elle aussi, être adaptée à la morphologie actuelle de la trachée. C’est dire l’intérêt d’une trachéoscopie de contrôle qui facilitera ce choix (tube plus ou moins long, plus ou moins court, plus souple, ballonnet différent)

g. L’infection

Les processus infectieux, quels soit locaux ou généraux peuvent intervenir également dans la formation des FOT [17,22,36-38].

 L'infection locale

La destruction des tissus trachéaux, liée à la fragilisation de la muqueuse, est favorisée par le manque de réchauffement et d’humidification de l’air insufflé (rôle des voies aériennes supérieures court-circuitées) par le respirateur.

Dès le premier jour de l’intubation, il se constitue un déséquilibre de la flore commensale de la trachée. Les zones d’ischémie et de nécrose trachéales deviennent à leur tour un milieu propice à la pullulation des germes, ce qui va maintenir et intensifier les processus de dégradation tissulaire.

Cette destruction entraine également une stagnation des secrétions par modifications dynamiques des sils vibratiles de l’épithélium respiratoire responsables de la mobilisation de ces sécrétions [39-40]. En plus de ça l’orifice de trachéotomie constitue lui seul, une potentielle porte d’entrée des germes exogènes. Les germes les plus incriminés sont le Proteus, le Klebsiella, le Providencia [21] et le staphylocoque doré [41].

 L'infection générale :

Elle est souvent liée aux traitements instaurés tels que les corticoïdes et aux différentes portes d’entrée connues dans les milieux de réanimation telles que les escarres, les infections urinaires et les cathéters…

h. Le terrain et l'état général

L’âge avancé et le terrain cachectique et l’hypotension (qui est un facteur de risque ischémique) favorisent la fragilisation tissulaire. En plus, certains troubles carentiels survenant dans le cadre de certaines maladies peuvent entrainer également des troubles trophiques tissulaires favorisant la formation des FOT. C’est notamment le cas pour la maladie de Guillain-Barré, la myasthénie [42-43], le tétanos, la syringomyélie et la poliomyélite [21].

i. La durée de la ventilation

Malgré que les FOT survenant aux suites d’une trachéotomie soient les plus fréquemment rencontrées, celles-ci peuvent également survenir suite à une intubation prolongée. En présence de pathologies durables, l’association de la trachéotomie à l’intubation prolongée peut être nécessaire, situation encore plus favorisante à la formation des FOT.

j. Autres facteurs

La trachée semble avoir une paroi postérieure plus fragile, et donc plus sensible à l’ischémie locale, que la paroi antérieure. Cela donne à sa partie postérieure une susceptibilité encore plus élevée à la nécrose et à la perforation.

2. Etiologies : a. Bénignes :

a.1 Iatrogènes

 Fistules secondaires à la réanimation respiratoire

:

L’intubation seule et la trachéotomie seule peuvent chacune être à l’origine d’une FOT, mais la fistule est le plus souvent secondaire à la combinaison des deux au cours d’une ventilation artificielle prolongé. [15]

L’avènement des ballonnets à haut volume et à basse pression a considérablement baissé son incidence qui est actuellement estimée à 0,5 % des patients sous assistance ventilatoire prolongée [4].

Les mécanismes physiopathologiques font intervenir :

– du côté trachéal : une hernie avec ischémie et nécrose de la paroi trachéale secondaire à une pression élevée régnant au sein du ballonnet.

– du côté œsophagien : la présence d’un reflux peptique chez ces patients en décubitus associé à la présence du rachis inextensible en arrière et de la sonde naso-gastrique, constituent une situation à risque élevé de formation de FOT.

– sur le plan général : un patient en hypercatabolisme, infécté, diabétique , hypotendu , immunodéprimé ou sous corticothérapie est beaucoup plus susceptible de développer une FOT. La présence d’ischémie, d’ulcération au voisinage de la trachée et de l’œsophage fragilisent les deux organes et créent une symphyse entre eux, favorisant le début d’un processus nécrotique qui apparaît en un mois en moyenne [15].

Figure 31 : FOT chez un patient canulé. La fistule se trouve à quelques centimètres sous la

stomie, et associée à une sténose trachéale. [44]

 Perforations instrumentales :

Cette perforation est accidentelle, exceptionnelle et survient le plus souvent sur un œsophage pathologique, favorisée par la présence d’un diverticule, d’une sténose caustique ou post-radique de l’œsophage.

 Chirurgie cervicomédiastinale :  Chirurgie de l’œsophage :

La fistule peut survenir immédiatement suite à un traumatisme instrumental méconnu, mais le plus souvent elle se développe secondairement en regard d’une suture œsophagienne.

Le processus fistulaire est alors déclenché dans ce cas soit par un lâchage de suture, une ischémie-nécrose des tissus périœsotrachéaux par dissection extensive, un reflux gastroœsophagien, un abcès médiastinal ou par une irradiation de la zone opérée [45-47].

 Autres :

 L’endoscopie trachéale et œsophagienne peuvent chacune être la cause d’une FOT [29].

 Quelques cas de FOT ont été rapportés après chirurgie sur l’arbre trachéobronchique, et plus rarement après chirurgie faite sur les organes de voisinage à savoir le rachis cervical opéré par voie antérieure et le corps thyroïdien.

 FOT délibérée dans le cadre de la réhabilitation vocale des laryngectomisés :

La création d’une fistule trachéooesophagienne dans le but de restaurer la phonation chez les patients laryngectomisés est devenue de en plus en plus pratiquée depuis les années 80. Il peut s’agir d’une fistule appareillée d’une prothèse phonatoire appelée «puncture trachéooesophagienne» ou d’une fistule continente musculomuqueuse appelée «shunt» [48].

La complication la plus fréquente de ces procédés de réparation est qu’ils peuvent devenir incontinents et être à l’origine d’une FOT. [49]

a.2 Traumatiques

Les FOT post-traumatiques sont extrêmement rares, observées à tout âge entre 19 et 78 ans. Elles surviennent chez le sujet de sexe masculin dans 94 % des cas [50].

 Traumatismes cervicothoraciques fermés :

Les traumatismes « fermés », peuvent être responsables d'une fistule par écrasement sur le billot vertébral (compression par le volant d'une voiture, choc direct à grande vitesse). Elles s’observent surtout chez des sujets jeunes, qui ont le thorax souple [50].

Le mécanisme est supposé être une compression de la trachée et de l’œsophage entre le sternum et les corps vertébraux.

La fistulisation après nécrose limitée associée à une chute d’escarre dans quelques jours après le traumatisme, est un mécanisme plus fréquent que la fistulisation d’emblée [51]. La fistule est en situation juxtacarinaire dans la majorité des cas [52-53].

 Traumatismes cervicothoraciques ouverts :

Le traumatisme est souvent une plaie pénétrante par arme blanche ou par

balle.

Le risque est de ne pas mettre en évidence l’atteinte œsophagienne au cours du bilan lésionnel, dont la symptomatologie peut être cachée par celle des lésions associées : trachée, vaisseaux, nerfs [53-54].

 Caustiques :

Le produit en cause peut être ingéré comme les liquides corrosifs ou les

batteries, comme il peut être inhalé entrainant ainsi des brûlures des voies

respiratoires. [29]

Elles peuvent survenir d’emblée et avoir une évolution dramatique, mais elles sont plus fréquemment tardives et secondaires à des manœuvres de dilatation [55].

Leur traitement est rarement conservateur du fait des lésions œsophagiennes associées. Il est alors préférable d'envisager une

oesophagectomie associée à une fermeture de l'orifice bronchique, et dans un

second temps un rétablissement de la continuité digestive par une oesophagoplastie colique rétrosternale [56].

 Corps étrangers vulnérants :

La fistule dans ce cas est le plus souvent secondaire et tardive, mais elle peut aussi être immédiate.

a.3 Infectieuses :

L’infection peut être trachéale et/ou œsophagienne, bactérienne virale ou

mycosique. Elle concerne surtout les sujets immunodéprimés, notamment ceux

atteints par le SIDA [57-59].  Bactériennes :

- Tuberculose : la fistule est générée par la détersion simultanée dans l’œsophage et la trachée d’une adénopathie médiastinale au stade de nécrose caséeuse [60]

- Syphilis .

 Mycosiques :

La candidose et l’aspergillose sont les mycoses les plus incriminées

dans la formation des FOT [61-62].

 Autres causes :

D’autres infections ont été décrites comme source de FOT, comme l’abcès

thyroïdien, la toxoplasmose, l’herpès œsophagien, l’actinomycose et l’histoplasmose [63].

a.4 Inflammatoires

Des cas de FOT causées par des processus inflammatoires nécrosants ont été également rapportés. Ces processus inflammatoires peuvent avoir un point de départ trachéal comme la maladie de Wegener [64], ou un point de départ œsophagien comme la maladie de Crohn ou comme les diverticules

œsophagiens ou pharyngo-œsophagiens [65]. a.5 Congénitales

La FOT sans atrésie de l’œsophage, communément appelée fistule en « H » ou en « N », est une anomalie de cloisonnement entre la trachée et l’œsophage [66-67].

C’est une malformation congénitale rare qui représente 2,4 a` 6 % de l’ensemble des malformations œsotrachéales [68] et qui doit être évoquée en l’absence de tout facteur étiologique retrouvé.

Elle peut être isolée ou associée à d’autres malformations [66-67]. Parmi ces malformations on cite : la Fistule œsotrachéale et atrésie de l’œsophage appelée communément la TOFA, qui est un groupe d'anomalies congénitales se produisant à la sixième semaine de la vie embryonnaire [69].

b. Malignes

Les FOT sont liées à une cause néoplasique dans 50 % des cas. Il peut s'agir d'une complication d'un cancer œsophagien (10 à 15 % des cas) ou d'un

cancer bronchique. [70] Plus rarement elles sont liées à des lymphomes,

hodgkiniens ou non.

Il est important ici de noter que la radiothérapie et la chimiothérapie pratiquées en présence d’un cancer envahissant toute l'épaisseur de l'œsophage

et l’arbre trachéo-bronchique peuvent aussi être à l’origine du développement

d'une FOT maligne. La chimiothérapie seule aurait un taux de 6% des FOT malignes [72]. Le risque après radiothérapie est de 73,9% [71]

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