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Chapitre 2. Recension des écrits

2.3. Les facteurs biopsychosociaux influençant la perception de la douleur

Lors d’une procédure impliquant des aiguilles, la perception de la douleur de l’enfant peut être influencée par de nombreux facteurs biologiques, psychologiques et sociaux (Cohen et al., 2008; Craig, 2009; Kazak & Kunin-Batson, 2001; Young, 2005). Une meilleure compréhension de ces différents facteurs pourrait permettre d’optimiser l’expérience, l’évaluation et le traitement de la douleur pédiatrique (Pillai Riddell, Racine, Craig, & Campbell, 2014).

2.3.1. Les facteurs biologiques

L’âge. L’âge est un facteur pouvant affecter la réponse à la douleur des enfants lors de procédures impliquant des aiguilles. À cet effet, lors de telles procédures, les enfants âgés entre 1 an et 4 ans seraient plus susceptibles d’éprouver de la douleur et de la détresse que les enfants âgés entre 6 et 12 ans et que les adolescents (Arts et al., 1994; Bachanas & Roberts, 1995; Bournaki, 1997; Goodenough et al., 1999; McCarthy et al., 2010). En corollaire, une étude de Blankenburg et al. (2010) a rapporté que les enfants âgés entre 6 et 8 ans ont démontré une plus grande sensibilité à la douleur que ceux âgés entre 9 et 16 ans. Ces résultats pourraient possiblement s’expliquer par le fait que seuls les enfants plus âgés seraient en mesure de distinguer « la douleur » de « l’inconfort » et de la « peur » (Carr, Lemanek, & Armstrong, 1998; Goodenough et al., 1997; Ruskin, Amaria, Warnock, & McGrath, 2011). De plus, ils

auraient également davantage d’habiletés à contrôler leurs émotions et leur comportement, ce qui pourrait se traduire par une auto-évaluation moindre de leur douleur, mais pas nécessairement par une diminution de la sensation de douleur (Franck, Greenberg, & Stevens, 2000; Goodenough et al., 1997). Malgré que les enfants de jeunes âges semblent plus susceptibles d’éprouver de la douleur, Cohen et al. (2008) ont souligné que davantage de recherches sont nécessaires pour déterminer la réponse à la douleur à travers différents groupes d’âge.

Le sexe. Bien qu’il existe des différences significatives en ce qui a trait à la notion de sexe en lien avec la perception de la douleur chez les adultes (Bartley & Fillingim, 2013; Fillingim, King, Ribeiro-Dasilva, Rahim-Williams, & Riley, 2009; Greenspan et al., 2007; Palmeira, Ashmawi, & Posso Ide, 2011; Racine et al., 2012), ces différences ne sont pas aussi notables et significatives chez les enfants. De manière plus spécifique, cinq études se sont penchées sur les différences entre la notion de sexe et la perception de la douleur des enfants lors de procédures impliquant des aiguilles et elles n’ont pas permis de déceler aucune différence statistiquement significative (Caprilli, Anastasi, Grotto, Abeti, & Messeri, 2007; Cohen, Blount, Cohen, & Johnson, 2004; Cohen, Minimala, & Blount, 2000; Goodenough et al., 1999; Kleiber et al., 2007). Paradoxalement, une étude de Chambers et al. (1999) a rapporté que les filles âgées entre 5 et 12 ans éprouvaient davantage de douleur que les garçons lors de ponctions veineuses. Des différences quant à la notion de sexe ont également été décelées chez les enfants de 11 et 17 ans (von Baeyer, Spagrud, et al., 2009) et chez les enfants âgés entre 4 et 6 ans (Sparks, 2001). En considérant les résultats partagés de ces études, il n’est pas possible d’établir avec certitude une corrélation entre le sexe et la réponse à la douleur des enfants.

Le stade de développement. Il est possible de noter une certaine association entre le stade de développement de l’enfant, son âge et la manière de comprendre et répondre au phénomène de la douleur (Young, 2005). En effet, les enfants commenceraient à présenter une mémoire implicite de la douleur et des évènements douloureux dès l’âge de six mois (McGrath, 1995). Les enfants âgés d’environ 2 ans auraient, quant à eux, la capacité de décrire leur douleur par l’utilisation de mots et de comportements non-verbaux enseignés par les parents (Ruskin et al., 2011) et seraient en mesure d’utiliser des habiletés de coping non-cognitifs qui pourraient

se traduire par la recherche de confort. Entre l’âge de 3 et 4 ans, la plupart des enfants développerait une mémoire explicite des évènements douloureux (Noel et al., 2015) et aurait la capacité de différencier et décrire environ quatre niveaux de douleur, soit « aucune », « un peu », « moyen », ou « beaucoup » (Ruskin et al., 2011). Ce n’est qu’à partir de l’âge de 6 ans qu’ils seraient en mesure d’utiliser des habiletés de coping cognitifs (Harbeck & Peterson, 1992; McGrath, 1995). Toutefois, seuls les adolescents seraient en mesure de comprendre et de décrire la douleur dans toute sa complexité (Harbeck & Peterson, 1992; McGrath, 1995).

2.3.2. Les facteurs psychologiques

La culture et l’ethnicité. Très peu d’études se sont intéressées à la relation entre l’ethnicité et la perception de la douleur chez la population pédiatrique (Lewis, Ramsay, & Kawakami, 1993; Lu, Zeltzer, & Tsao, 2013; Pfefferbaum, Adams, & Aceves, 1990; Rosmus, Johnston, Chan-Yip, & Yang, 2000; Williams, 1996). Ainsi, il semblerait que les différences au niveau de l’ethnicité pourraient être davantage attribuables à la culture associée à l’expression de la douleur et aux habiletés de coping utilisées (Zatzick & Dimsdale, 1990). Ces différences pourraient également être imputables à des facteurs d’ordre physiologiques, tels que la densité des récepteurs à la douleur, la pression artérielle et la réponse aux opioïdes endogènes (Sheffield, Biles, Orom, Maixner, & Sheps, 2000). Le statut socio-économique, l’accessibilité aux soins de santé ainsi que les expériences antérieures pourraient également agir à titre de variables explicatives (Kristjánsdóttir, Unruh, McAlpine, & McGrath, 2012; Young, 2005).

La détresse. Parmi l’ensemble des variables cognitives et biologiques pouvant avoir une influence sur la réponse à la douleur, la détresse est celle ayant été la plus étudiée et également celle ayant le plus grand intérêt heuristique (Absi & Rokke, 1991; James & Hardardottir, 2002; Jones, Spindler, Jorgensen, & Zachariae, 2002; Matthews & Deary, 1998). La détresse peut être définie comme étant une émotion associée à des sentiments subjectifs d’anticipation, de malaise, d’incertitude et d’appréhension face à une situation présentant une menace imminente ou anticipée (Beck, Rawlins, & Williams, 1992; Rachman, 1998). De manière plus spécifique, la détresse reliée à la douleur renvoie à l’ensemble des réactions cognitives, émotionnelles, comportementales et physiologiques associées à une expérience douloureuse et/ou à sentiment

d’anticipation face à une expérience douloureuse (Martin, McGrath, Brown, & Katz, 2007; McCracken & Dhingra, 2002). À cet effet, de plus en plus d’évidences démontrent l’importante association entre la détresse reliée à la douleur ainsi que l’intensité de la douleur (Coons, Hadjistavropoulos, & Asmundson, 2004; Martin et al., 2007; Sinatra, de Leon-Casasola, Ginsberg, & Viscusi, 2009). Ainsi, plusieurs études suggèrent la détresse pourrait être associée avec une augmentation de la douleur chez les enfants lors de procédures douloureuses (Claar, Walker, & Smith, 2002; Kleiber, Sorenson, Whiteside, Gronstal, & Tannous, 2002; Tsao et al., 2006; Tsao, Meldrum, Kim, & Zeltzer, 2007; Tsao et al., 2004). À cet effet, le groupe Pediatric Initiative on Methods, Measurement and Pain Assessment in Clinical Trials (PedIMMPACT) souligne l’importance de considérer la détresse lors d’essais cliniques portant sur la douleur chez les enfants.

2.3.3. Les facteurs sociaux et environnementaux

La présence et le comportement des parents. Les études s’étant intéressées à la relation de causalité entre la présence parentale et l’intensité de la douleur et de la détresse ressentie par les enfants lors d’une procédure invasive s’avèrent être partagées (Islekdemir & Kaya, 2015; Noel et al., 2019; Piira, Sugiura, Champion, Donnelly, & Cole, 2005; Pruitt, Johnson, Elliott, & Polley, 2008; Tantikul & Theeranate, 2014; Thompson, Ayers, Pervilhac, Mahoney, & Seddon, 2015). Ainsi, ce serait davantage le comportement adopté par les parents qui aurait une influence sur la réponse à la douleur des enfants plutôt que leur présence en tant que telle. À ce sujet, les parents adoptant des comportements de promotion-coping (ex : coaching parental) pourraient permettre de diminuer la détresse de leur enfant, alors que ceux adoptant des comportements de distress-promoting (ex : réassurance, critique, empathie) pourraient l’augmenter (Mahoney, Ayers, & Seddon, 2010).

La préparation de l’enfant et de sa famille. Le fait de préparer l’enfant et la famille à la procédure douloureuse qui aura lieu permettrait également de réduire la détresse et la perception de la douleur (Jaaniste, Hayes, & von Baeyer, 2007a, 2007b; Spafford, von Baeyer, & Hicks, 2002). Pour une préparation optimale, il est recommandé que l’infirmière prodigue de l’information procédurale (description de la procédure) et de l’information sensorielle (ce que

l’enfant va ressentir, voir et entendre) (Jaaniste et al., 2007b; Suls & Wan, 1989). L’information sensorielle pourrait permettre à l’enfant et à sa famille d’avoir des attentes plus réalistes quant au déroulement de la procédure douloureuse, ce qui pourrait s’exprimer par une réduction de l’anxiété anticipatoire (Lewis Claar, Walker, & Barnard, 2002; Spafford et al., 2002). D’ailleurs, il semblerait que le fait de préparer et informer les parents de manière appropriée pourrait permettre à ces derniers de jouer un rôle essentiel dans la gestion de la douleur et de l’anxiété de leur enfant (Berberich & Schechter, 2014).

L’utilisation d’interventions. L’utilisation d’interventions pharmacologiques et/ou non-pharmacologiques pour la gestion de la douleur et de l’anxiété lors de procédures impliquant des aiguilles est le facteur ayant une plus grande influence sur la réponse à la douleur. Ainsi, la prochaine section de cette recension des écrits y sera donc consacrée.

2.4. Les interventions pharmacologiques et non-pharmacologiques

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