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6 PROFILS D’AÎNÉS À RISQUE DE CHUTES RÉCURRENTES (ARTICLE 3)

7.3 FACTEURS ASSOCIÉS À L’AUGMENTATION DU RISQUE DE CHUTES

Nos données rappellent que les chutes ne sont pas des événements fortuits, mais plutôt des événements prévisibles, puisque certains facteurs chez l’individu rendent plus probable leur survenue. En effet, la survenue de chutes – et, dans certains cas, de chutes nécessitant le recours à des soins ou des services médicaux – s’est avérée significativement et indépendamment associée à divers facteurs liés à la condition de l’individu, à ses habitudes de vie et à son environnement. Les résultats de notre étude concordent dans l’ensemble avec ceux des études antérieures (Fletcher et Hirdes, 2002a), sauf que nous avons la prétention de croire que nos estimations des mesures d’association pour les variables prédictives identifiées sont plus valides étant donné la méthode statistique utilisée.

Voici les facteurs de risque de chutes dont l’influence soutenue a été démontrée dans l’étude11 :

ƒ Être de sexe masculin

ƒ Se situer dans les tranches d’âge inférieures

11

RTI ( commun) statistiquement significatifs d’après le modèle de WLW avec covariables dépendantes du temps notés pour l’ensemble des chutes rapportées.

ƒ Avoir déjà chuté

ƒ Obtenir un score bas à l’échelle d’équilibre de Berg, témoignant d’une altération de l’équilibre

ƒ Avoir un faible indice de masse corporelle

ƒ Consommer des médicaments de type benzodiazépine

ƒ Vivre dans un environnement domiciliaire comportant plus d’éléments de risque

ƒ Vivre dans une résidence privée pour personnes âgées

D’autres chercheurs, revue systématique à l’appui, allèguent par ailleurs l’existence de profils de risque de chutes différents parmi différentes populations d’aînés. Par « profil », nous entendons une présentation clinique particulière qui caractérise une population de personnes âgées par rapport à une autre. Ce profil, de nature descriptive, constitue un jugement posé par le chercheur après avoir rassemblé et analysé un ensemble d’études portant sur le sujet, puis à en faire la synthèse. Cette notion diffère totalement de celle à laquelle réfère le même terme dans le contexte de l’analyse de classification et de régression. Ce dernier « profil », de nature prédictive, constitue alors une combinaison particulière de facteurs de risque associée à un risque de chutes donné au sein d’une même population de personnes âgées.

D’après Scott et ses collaborateurs (2007) ainsi que Morris (2007), le profil des personnes âgées plus actives vivant dans la communauté tendrait à être davantage lié à la motricité, aux environnements dangereux et aux comportements à risques. Les personnes qui ont besoin de soutien pour vivre dans la communauté auraient plutôt tendance à chuter en raison des conséquences fonctionnelles de problèmes de santé et de maladies chroniques, comme l’arthrite, la dépression et l’usage de psychotropes. Les résultats de notre étude chevauchent les deux profils décrits, sans prédominance pour l’un ou pour l’autre. En fait, nos observations concordent plutôt avec celles relevées dans une autre étude réalisée auprès d’aînés vivant dans la communauté et recevant des services de soins à domicile : présence d’éléments de risque dans l’environnement domiciliaire, problèmes d’équilibre, maladies chroniques et indicateurs de mauvais état de santé générale (Fletcher et Hirdes, 2002a).

Il convient de commenter quelques-uns de nos résultats. Au fur et à mesure que le nombre de facteurs de risque augmente, les risques de chute deviennent plus élevés. Le

nombre d’éléments de risque dans l’environnement domiciliaire et l’historique des chutes sont des prédicteurs importants et stables des chutes de personnes âgées, quels que soient le numéro d’ordre ou le mode de combinaison des chutes. Le fait qu’une personne ait déjà chuté par le passé accroît le risque de chutes dans l’avenir – même lointain –, ce qui donne à penser que si on ne supprime pas les causes des chutes antérieures pour lesquelles la variable sert de substitut, la personne courra plus de risques de subir d’autres chutes causées par les mêmes facteurs (O’Loughlin et coll., 1993).

Les personnes qui vivent en résidence privée pour personnes âgées autonomes ou en légère perte d’autonomie (requérant moins d’une heure-soins par jour) sont plus à risque de chutes que les autres, probablement en partie parce que la variable en question est un indicateur d’état chronique ou d’autonomie réduite. Étant donné que la variable résidence privée pour personnes âgées est apparue significative lorsque les expositions dépendantes du temps ont été prises en compte, il est aussi possible que celle-ci se soit révélée ainsi de par son effet d’ajustement pour la variable dangers environnementaux. L’âge est connu comme un facteur de risque important (Fletcher et coll., 2009; Gama et Gómez-Conesa, 2008; Morris, 2007; Weeks, 2007) mais pas indépendant, car son effet est multifactoriel. L’augmentation de l’âge accroît simplement l’exposition à plusieurs facteurs de risque (Lefauveau et Fardellone, 2004). Dans les faits, une fois la mesure ajustée pour les variables confondantes, les personnes plus jeunes se révèlent au contraire plus à risque de chutes que les personnes plus âgées, probablement parce qu’elles ont une vie plus active (Carpenter, 2010; Lord, Menz et Sherrington, 2006). Il est également possible que les personnes plus âgées aient réduit leurs activités par peur de tomber.

Les présentes conclusions diffèrent cependant de la majorité des recherches concernant la variable sexe. Dans notre cas, les hommes se sont montrés plus à risque de chutes que les femmes alors que la majeure partie de la littérature suggère l’inverse (Fletcher et coll., 2009; Gama et Gómez-Conesa, 2008; Morris, 2007; Weeks, 2007). Malgré tout, deux autres études ont observé un risque accru chez les aînés masculins vivant dans la communauté (Fletcher et Hirdes, 2002a; Sai et coll., 2010), dont la première parmi ceux recevant des services de soins à domicile. Ces auteurs ont spéculé sur les raisons possibles pour justifier ces différences. Par exemple, l’augmentation apparente du risque de chutes chez les femmes pourrait tout

simplement être la résultante d’une certaine réticence des hommes à signaler la chute ou être le résultat de facteurs non examinés associés au sexe (Campbell, Spears et Borrie, 1990; Fletcher et Hirdes, 2002b; Lindsay, 1988; Melton et Riggs, 1985), comme l’utilisation plus grande de médicaments psychotropes chez les femmes (Bartlett et coll., 2009; Campbell, Spears et Borrie, 1990; Maxwell, Neutel et Hirdes, 1997). Il est aussi concevable que ce groupe d’hommes chuteurs recevant des services de soins à domicile puisse représenter un groupe distinct par rapport à d’autres hommes rapportés dans la littérature. Par exemple, l’échantillon de notre étude peut inclure des hommes en moins bonne santé nécessitant davantage de soins à domicile ou des hommes capables de rester à la maison précisément parce qu’ils reçoivent des services de soutien à domicile et l’aide de leur conjointe, une situation qui ne serait pas nécessairement le lot de la majorité des femmes dans le besoin. D’autres études (Filiatrault, Desrosiers et Trottier, 2009; Fletcher et Hirdes, 2004) ont révélé que les femmes étaient plus craintives que les hommes à l’idée de tomber. Advenant que ce soit le cas dans notre échantillon, les femmes pourraient avoir été portées à restreindre leurs activités et se seraient ainsi exposées à moins de risques de chutes. Quoi qu’il en soit, plus de recherches dans ce domaine sont nécessaires afin de vérifier si les hommes vivant dans la communauté et ayant recours aux services de soutien à domicile expérimentent véritablement plus de chutes que les femmes et pour élucider les différentes hypothèses avancées.

Nous avons étudié les chutes ayant nécessité une consultation médicale comme une autre mesure de résultats, en supposant que cette mesure sert d’indice de gravité de la chute. Nous avons alors défini comme covariable dépendante du temps la variable chutes antérieures, cela dans le but de vérifier si une chute n’ayant pas nécessité une consultation médicale avait été déclarée dans les trois mois précédant une consultation médicale liée à une chute. Les valeurs ajustées du rapport des taux d’incidence ont permis de déterminer que les dangers de l’environnement domiciliaire, le score à l’outil de dépistage nutritionnel, le fait de vivre dans une résidence privée pour aînés et l’historique des chutes étaient des prédicteurs significatifs et indépendants des consultations médicales liées aux chutes dans leur ensemble. Le fait d’avoir chuté dans les trois mois précédant chaque nouvel événement étudié était un facteur de protection contre toute chute nécessitant une consultation médicale. À prime abord, ce résultat paraît plus difficile à expliquer. Peut-être est-il le fait de personnes devenues plus

vigilantes à la suite d’une chute sans conséquences sérieuses et qui ont pris des mesures concrètes pour modifier leurs habitudes et leur environnement.