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a Extinction en cas de réunion dans une même main

L’extinction des servitudes par réunion dans une même main, appelée aussi « confusion », est sans doute la possibilité d’extinction la plus connue des particuliers et la plus évidente à constater pour les géomètres-experts.

L’extinction par confusion des fonds est prévue à l’article 705 du Code civil qui déclare que

« toute servitude est éteinte lorsque le fonds à qui elle est due, et celui qui la doit, sont réunis dans la même main ». Ce mode d’extinction découle de la définition même des servitudes, selon

laquelle une servitude ne peut s’établir qu’entre deux fonds appartenant à des propriétaires différents.

Ainsi, dès lors qu’une réunion des fonds dominant et servant est constatée (par acte de vente, héritage, donation…), la servitude est considérée comme éteinte.

La réunion des fonds dans une même main est une cause d’extinction pour tous types de servitudes (légales, conventionnelles, continues, discontinues, apparentes, non apparentes...) à l’exception de la servitude de cour commune, qui, de fait de son caractère d’utilité publique, semble être l’unique servitude ne pouvant s’éteindre par confusion73.

b.

Extinction en cas d’impossibilité d’usage

L’article 703 du Code civil prévoit que « les servitudes cessent lorsque les choses se

trouvent en tel état qu'on ne peut plus en user ».

En général, l’impossibilité d’usage est la conséquence d’un changement d’état du fonds dominant ou du fonds servant. L’impossibilité d’user de la servitude doit être totale. Une simple difficulté ou incommodité d’usage ne peut pas justifier l’extinction d’une servitude74.

Ainsi, à titre d’exemple, la Cour de cassation a approuvé les juges du fond ayant reconnu que la création d’un trottoir entre deux fonds rendait impossible l’accès au fonds dominant, et justifiait de l’extinction de la servitude de passage existant jusqu’alors75.

La notion d’impossibilité d’usage doit également être distinguée de celle d’inutilité. La distinction entre ces deux notions peut être source de difficultés pour le géomètre-expert. Ainsi, l’utilisation d’un puits, rendue inutile suite à la création d’un raccordement au réseau d’eau du fonds dominant n’est pas un argument suffisant pour revendiquer l’extinction d’une servitude de puisage76. En revanche, l’assèchement d’un puits, qui rend ce dernier inexploitable peut justifier l’extinction d’une servitude de puisage par impossibilité d’usage.

Le Code civil prévoit tout de même une limite à l’extinction par impossibilité d’usage puisqu’il précise que les servitudes éteintes « revivent si les choses sont rétablies de manière

qu'on puisse en user »77. Ainsi, si la configuration des lieux connaissait une nouvelle évolution qui

rendait à nouveau possible l’exercice de la servitude originelle, ladite servitude renaîtrait. Ainsi, si un puits asséché venait à être à nouveau irrigué, une servitude de puisage éteinte pourrait renaître. Cette « restitution » de servitude n’est néanmoins pas possible si un délai de trente ans de non-usage s’est écoulé78.

L’extinction par impossibilité d’usage implique une impossibilité d’exercice total de la servitude, et non une simple inutilité. Elle est due à un changement de la configuration des lieux

73

Le cas particulier de la servitude de cour commune sera détaillé dans la partie II, § IV de ce mémoire

74

CREDI sous la direction de BERGEL J-L. Dictionnaire des servitudes. Paris : Editions du Moniteur, 2003, p. 105

75

Cass. civ. 3e, 3 avril 1996, n°94-15.350, Bull. civ. III n°99

76

Cass.civ. 3e, 3 novembre 1981, n°80-13.896, Bull. civ. III n°178

77

C. civ., art. 704

78

et peut renaître si les choses reviennent en état, sous réserve que le délai de non-usage trentenaire n’est pas écoulé.

c.

Extinction par non-usage trentenaire

Le non-usage d’une servitude pendant trente ans entraîne son extinction. Ce mode d’extinction et les modalités du décompte du délai trentenaire sont prévus par les articles 706 et 707 du Code civil. La computation du délai doit faire l’objet d’une attention particulière puisqu’elle diffère selon si la servitude est continue ou discontinue.

Ainsi, pour les servitudes discontinues, le délai commence à courir dès que son bénéficiaire cesse d’en jouir. La démonstration du non-usage peut néanmoins être difficile à établir en pratique. En effet, pour une servitude de passage par exemple, apporter la preuve que le passage n’a pas été emprunté pendant trente années consécutives peut être difficile.

Il est important pour l’expert de bien distinguer cette notion de non-usage de celle de signe apparent de servitude. En effet, bien qu’une servitude de passage ne soit plus matérialisée sur le terrain depuis plus de trente ans, le décompte du délai doit se faire depuis le jour du dernier acte d’exercice du bénéficiaire, et non à partir du moment où il n’existait plus de signe apparent de la servitude79.

Pour les servitudes continues, le décompte du délai trentenaire débute à partir du jour où un acte contraire à la servitude est effectué. C’est le cas par exemple d’une construction qui aurait été édifiée sur une zone grevée d’une servitude non aedificandi. Passé un délai de trente ans après la construction de l’ouvrage, la servitude s’éteint de fait, et le propriétaire riverain ne peut demander la démolition de l’ouvrage.

À l’exception des servitudes légales et de cours communes, toutes les servitudes s’éteignent par non-usage trentenaire. La computation du délai varie selon que les servitudes sont continues ou discontinues.

d.

Extinction par abandon

L’abandon est une modalité prévue par l’article 699 du Code civil qui permet au propriétaire d’un fonds servant de s’affranchir des frais d’entretien et d’usage engendrés par une servitude. Ce dernier abandonne alors « le fonds assujetti au propriétaire du fonds auquel la

servitude est due »80.

L’abandon constitue bien une forme d’extinction de servitude puisque « dans ce cas là,

l’assiette revient dans la même main que la propriété bénéficiaire de la servitude »81.

L’abandon se fait à titre gratuit, puisque, dans le cas contraire, il constituerait un rachat. Il ne doit pas être confondu avec une renonciation de servitude qui émane du propriétaire du fonds dominant. Aussi, afin que l’abandon soit opposable aux tiers, et plus particulièrement aux acquéreurs successifs, il convient d’informer les tiers de l’importance de la publicité de l’acte.

L’abandon émane du propriétaire du fonds assujetti. C’est un acte à titre gratuit qui doit être publié pour être opposable aux tiers et acquéreurs successifs.

79

Cass.civ. 3e, 11 janvier 2006, n°04-16.400, Bull. civ. III n°14

80

C. civ., art 699

81