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1.3 Symétriseurs de Kreiss et résultats liés

1.3.3 Une extension du théorème de Rauch

Le résultat suivant est une généralisation du théorème 1.3.5.

Théorème 1.3.9. Si L est un opérateur constamment hyperbolique, F une application linéaire satisfaisant la condition de Kreiss-Lopatinski˘ı uniforme, le problème    Lu = 0, (x, t)∈ (Rd−1× R+)× R+=: Ω× R+ , F u = ϕ∈ L2, (x, t)∈ ∂Ω × R+ , u|t=0= u0 ∈ L2,

admet une unique solution. On a de plus l’estimation ponctuelle en temps e−γTkukL2(Ω)+√ γkukL2 γ([0,T ]×Ω)+|u(xd= 0)|L2 γ([0,T ]×∂Ω) ≤ C  |ϕ|L2 γ([0,T ]×∂Ω)+ku0kL2(Ω)  (1.13) La preuve est une adaptation du théorème original de J. Rauch [58] ; on décrit rapidement sa stratégie de démonstration, en mettant l’accent sur les points qui utilisent la stricte hyperbolicité. Il en ressort que seule une propo-sition doit être modifiée, et nous en donnons une généralisation adaptée. Le reste de la preuve est alors une adaptation directe de [58].

Dans la suite, on note Ω = Rd−1× R+. La démonstration de l’inégalité (1.12) repose sur une estimation a priori pour les problèmes scalaires strictement hyperboliques.

Lemme 1.3.10. (Rauch [58])

Soit P (∂x, ∂t) un opérateur scalaire strictement hyperbolique d’ordre m. Il existe une constante C telle que pour tout T > 0, toute φ ∈ Hm(]− ∞, T ] × Ω) et tout ε > 0 assez petit

kφ(T )kHm−1(Ω) ≤ C  εkP φkL2(]−∞,T ]×Ω)+1 εkφkHm−1(]−∞,T ]×Ω) + m−1X j=0 k∂xjdφkHm−1−j(]−∞,T ]×∂Ω)  . (1.14) Le passage d’un système hyperbolique d’ordre 1 à une équation scalaire strictement hyperbolique se fait grâce à la proposition suivante. On verra que celle ci-n’utilise la stricte hyperbolicité que pour invoquer le lemme précédent et l’estimation a priori de Kreiss (1.11).

Proposition 1.3.11. Soit u une solution du problème aux limites 

Lu = f, (t, x) ∈ R × Ω

Bu = g, (t, x)∈ R × ∂Ω, (1.15)

avec L = ∂t+Pd

j=1Ajxj de taille m, Ad inversible. Si L est strictement hy-perbolique, alors pour γ > 0 assez grand on a l’estimation ponctuelle suivante :

e−γTku(T )kHm−1(Ω) . kfkm−1(]−∞,T ]×Ω)

γ +kgkHγm−1(]−∞,T ]×∂Ω) . (1.16) Une esquisse de preuve : On note Lco la transposée de la comatrice de L (vue comme une matrice dont les coefficients sont des opérateurs différentiels). On a

LcoL = det(L)I .

Ainsi, chaque coefficient diagonal de LcoL est un opérateur scalaire strictement hyperbolique. On peut donc appliquer le Lemme 1.3.10 à chaque coordonnée uj, ce qui fournit e−γTku(T )kHk−1(Ω) .εkLcoLe−γ·ukL2(]−∞,T ]×Ω)+1 εke−γ·ukHk−1(]−∞,T ]×Ω) + k−1 X j=0 ke−γ·xjdukHk−1−j(]−∞,T ]×∂Ω) .(1.17) Les termes de tracePk−1

j=0ke−γ·j xdukHk−1−j(]−∞,T ]×∂Ω)s’estiment en utilisant l’identité ∂xdu = A−1d  − ∂tu−Pd−1j=1Ajxju + f  , la continuité classique de la trace Hm(Ω) → Hm−1(∂Ω) (Proposition A.0.9 en appendice), et l’analogue de (1.11) sur ]−∞, T ] (prouvée par Kreiss dans [40]). Enfin, en utilisant l’inégalité

e−γTkukHk−1(]−∞,T ]×Ω)≤ kukk−1(]−∞,T ]×Ω), on obtient (1.16).

 L’obtention de (1.12) à partir de cette proposition s’avère fastidieuse : elle est basée sur l’introduction d’un problème dual, et une série d’estimations qui en dérivent (en particulier, l’apparition de normes dans des espaces de Sobolev d’indices négatifs est un point délicat). Heureusement, cette partie n’utilise pas l’hypothèse de stricte hyperbolicité, et nous nous abstenons de la décrire plus précisément.

On voit que la stricte hyperbolicité n’est utilisée que pour invoquer le lemme 1.3.10 ainsi qu’une estimation de Kreiss pour le problème aux limites stricte-ment hyperbolique. Comme le résultat de Métivier étend cette estimation aux

problèmes constamment hyperboliques, le seul point épineux est l’utilisation du lemme 1.3.10.

Notons d’abord que l’esquisse de démonstration de la proposition 1.3.11 n’est effectivement pas valide pour un opérateur non strictement hyperbolique. Même si L est constamment hyperbolique, LcoL n’est en général pas strictement hy-perbolique, comme on le voit avec l’exemple trivial de deux équations de trans-port indépendantes ∂tu +  ∂x 0 0 ∂x  u = 0 , (1.18)

qui forment un système clairement constamment hyperbolique et non stricte-ment. Ici LcoL =



(∂t+ ∂x)2 0 0 (∂t+ ∂x)2



. Même si (1.16) est vérifiée pour L = (∂t+ ∂x)I, on ne peut pas la déduire des équations scalaires

det(L)uj = (∂t+ ∂x)2uj = 0, j ∈ {1, 2}.

Pour généraliser la proposition 1.3.11, on voit que tout revient à trouver un opérateur différentiel eL tel que eLL = P (∂t, ∂x)I, avec P strictement hyperbo-lique.

Évidemment, le degré de P n’a aucune raison d’être encore égal au rang du système, mais l’indice de régularité dans (1.16) est sans importance puisque le lemme 1.3.10 s’applique pour des opérateurs scalaires d’ordre quelconque. Pour construire eL, nous aurons besoin du résulat algébrique suivant (voir la proposition 1.7 p.46 de [12]).

Proposition 1.3.12. Si L est un opérateur constamment hyperbolique, le dé-terminant de son symbole τI + iP

Ajηj se factorise sous la forme suivante

K

Y

k=1

Pk(τ, η)qk , où

• chaque Pk est un polynôme homogène en (τ, η), • les Pk sont irréductibles, deux à deux distincts,

• pour tout η ∈ Rd\ {0}, les racines de Pk(·, η) sont réelles distinctes, • pour tout η ∈ Rd\ {0} et k 6= k, Pk(·, η) et Pk′(·, η) n’ont pas de racines

en commun.

On peut maintenant prouver l’existence de eL.

Proposition 1.3.13. On se place dans le cadre de la Proposition 1.3.12. Alors • pour tout η ∈ Rd\ {0}, le polynôme minimal dePdj=1Ajηj est

K

Y

1

Pl(−τ, η) . En particulier l’opérateur associé Q

Pk(∂t, ∂x) est strictement hyperbo-lique ;

• les coefficients de la matrice e L(τ, η) = L(τ, η) co QK k=1Pqk−1 k (τ, η),

appartiennent à C[τ, η] ; l’opérateur eL(∂t, ∂x) est donc différentiel et sa-tisfait eLL =Y k Pk(∂t, ∂x). Démonstration. Puisque A = d X j=1

Ajηj a pour polynôme caractéristique

K

Y

k=1

Pqk

k (−τ, η), la Proposition 1.3.12 et la diagonalisabilité de A impliquent directement que le polynôme

K

Y

k=1

Pk(−τ, η) est le polynôme minimal de A (on rappelle qu’une matrice est diagonalisable sur C si et seulement si son poly-nôme minimal n’a pas de racine multiple). Les racines de Pk(·, η) étant réelles, simples, et les Pk n’ayant pas de racine en commun, on obtient la stricte hy-perbolicité de

K

Y

k=1

Pk.

On considère maintenant L(τ, η) = τ + A comme une matrice à coefficients dans C(η)[τ], anneau des polynômes en τ sur le corps C(η). Puisque C(η)[τ] est un anneau principal, on peut définir Dr, le PGCD des mineurs de L d’ordre r, et si m est la taille du système Dm = det(L) (Dm est à voir comme le mineur d’ordre m). En particulier, Dm−1 divise dans C(η)[τ] chaque coefficient de Lco. D’après la théorie des invariants de Smith (voir par example Gantmächer [28] chapitre V I section 3, où ils sont appelés « elementary divisors », ou Serre [63] chapitre 6, « facteurs invariants »), Dk−1|Dk et plus précisément τ → DDm

m−1

(−τ, η) est le polynôme minimal de A. Ainsi

Dm Dm−1 = K Y k=1 Pk, ce qui implique Dm−1 = K Y k=1 Pqk−1 k . (1.19)

Par definition, les coefficients de Lco sont (au signe près) les mineurs de L d’ordre m − 1. Donc chaque coefficient de eL(τ, η) = L(τ, η)

co

Q Pqk−1

k

est dans C(η)[τ]. Il reste à prouver qu’ils sont en fait dans C[η][τ].

Soit el un coefficient quelconque de eL, el=Xrj(η)τj = Qk l

k=1Pqk−1 k

Soit q le PPCM des denominateurs des rj. On a alors el= l1

q, avec l1 ∈ C[η][τ], q ∈ C[η].

Pour Q ∈ C[η][τ] (polynôme en τ à coefficients dans l’anneau factoriel C[η]), on note c(Q) ∈ C[η] le PGCD de ses coefficients (ou contenu). D’après le lemme de Gauss on a

c(Q1Q2) = c(Q1)c(Q2) .

Puisque le degré de Pj est le même que le degré de Pj comme polynôme en τ, c(Pj) = 1, on obtient c(l1)c YK k=1 Pqk−1 k  = c(l)c(q), d’où c(l1) = c(l)q , (1.20)

et donc q|c(l1). Mais par construction pgcd(q, c(l1)) = 1, ce qui implique q = 1. Finalement, el = qel = l1 ∈ C[η, τ] est un polynôme, l’opérateur différentiel matriciel eL est bien défini et eL(τ, η)L(τ, η) = QL

l=1Pl(τ, η) implique e L(∂t, ∂x)L(∂t, ∂x) = K Y k=1 Pk(∂t, ∂x) .

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