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Expressions du tenseur ´energie-impulsion du champ dans les milieux mat´eriels 51

dans les milieux mat´eriels

3.2.1 Electromagn´etisme ph´enom´enologique et relations

consti-tutives

Les textes de langue anglaise parlent en g´en´eral de ” Phenomenological Electrodyna-mics ” [9] pour qualifier l’ ´electromagn´etisme des milieux mat´eriels. Dans la mati`ere, les charges li´ees contribuent aux densit´es de charge et de courant et les ´equations de la th´eorie ´electronique doivent ˆetre moyenn´ees sur des volumes m´esoscopiques, petits par rapport `a l’ ´echelle macroscopique mais suffisamment grands pour contenir un grand nombre d’´elec-trons. Les ´equations de Maxwell nivel´ees sont ainsi reformul´ees en terme des champs D, vecteur d´eplacement ´electrique et H, vecteur excitation magn´etique. Elles sont alors in-t´egrables sous r´eserve de connaˆıtre les relations constitutives du mat´eriau, reliant D `a E et H `a B. Celles-ci s’´ecrivent classiquement dans le cas le plus g´en´eral:



D = [ǫ] E (3.19) 

B = [µ] H (3.20) o`u [ǫ] et [µ] sont respectivement les tenseurs de permittivit´e di´electrique et de perm´eabi-lit´e. Dans le cas de milieux lin´eaires homog`enes et isotropes, ces relations matricielles se r´eduisent aux relations vectorielles suivantes:



D = ǫ E = ǫ0ǫrE (3.21) 

B = µ H = µ0µrH (3.22) ǫ0 et µ0 d´esignent la permittivit´e et la perm´eabilit´e du vide, ǫr et µr la permittivit´e et la perm´eabilit´e relatives du milieu. En particulier, les milieux consid´er´es par la suite ´etant non-magn´etiques (µr = 1), l’indice optique du milieu sera d´efini de fa¸con standard par:

n =√

ǫr (3.23)

Ces relations constitutives sont de nature purement empirique et la description des ph´enom`enes ´electromagn´etiques dans la mati`ere est donc bien une th´eorie ph´enom´enolo-gique. Les relations constitutives traduisent notre connaissance incompl`ete de la structure

52 Chapitre 3 de la mati`ere. En particulier, comme le champ et les charges sont en interaction constante, de nombreux termes de corr´elation apparaissent dans les ´equations et une s´eparation uni-voque des termes de champ et de mati`ere n’ est plus possible. Une infinit´e de subdivisions possibles existe et cette ambiguit´e est `a l’origine des incertitudes sur la d´efinition du ten-seur ´energie-impulsion du champ ´electromagn´etique dans la mati`ere. De plus, mˆeme si une subdivision univoque ´etait possible, elle n’ aurait pas de sens physique car ni l’ ´energie interne, ni l’´energie du champ ou son impulsion ne sont des observables physiques.

On est donc amener `a proposer diff´erentes formes tensorielles compatibles ou non avec diverses hypoth`eses physiques externes de nature g´en´erale. Chaque hypoth`ese ou approche choisie conduit `a des tenseurs diff´erents, mais il est ´evident qu’ il n’ existe pas de forme juste du tenseur ´energie-impulsion du champ dans la mati`ere, contrairement `a ce que clament certains auteurs. La th´eorie ´etant par essence ph´enom´enologique, ce qui compte en d´efinitive est de pouvoir d´ecrire les faits exp´erimentaux observ´es et les principales formes de tenseur propos´ees y parviennent. Tout juste peut donc dire que certaines formes sont plus simples d’emploi que d’autres, mais cela reste un crit`ere de convenance et non de justesse. Au vu de ces remarques, formul´ees essentiellement par Brevik dans son article de revue sur l’ ´electromagn´etisme ph´enom´enologique [9], on est toujours surpris de rencontrer encore dans la litt´erature des articles ” prouvant ” la ” justesse ” d’ un tenseur au d´etriment d’ un autre. Le choix d’ hypoth`eses initiales ad´equates suffit en effet `a d´eterminer compl`etement la forme d´esir´ee du tenseur. L’ omnipr´esence du d´ebat sur le tenseur ´energie-impulsion du champ ´electromagn´etique dans la mati`ere rend les articles concernant les d´eformations d’ interface induites par la pression de radiation obscurs pour le non initi´e. Il me semblait donc n´ecessaire de pr´esenter les deux principales expressions historiques de ce tenseur, ainsi que les hypoth`eses physiques d´eterminant leur forme.

3.2.2 Tenseurs de Minkowski et Abraham et hypoth`eses

asso-ci´ees

Minkowski

La premi`ere forme de tenseur propos´ee l’ a ´et´e par Minkowski au d´ebut du si`ecle (1908 et 1910). Avec les mˆemes conventions que pour les ´equations du syst`eme (3.16), les composantes du tenseur ´energie-impulsion de Minkowski s’ ´ecrivent:

                   SM ik = −EiDk− HiBk+1 2δik( E · D + H · B) SM 4k = icΠM k SM k4 = icgM k SM 44 = −WM (3.24)

avec comme expressions du vecteur de Poynting ΠM, de la densit´e d’ impulsion du champ gM et de la densit´e d’´energie ´electromagn´etique:



ΠM = E ∧ H (3.25) gM = D ∧ B (3.26) WM = 1

2( E · D + H · B) (3.27) Le principal reproche formul´e `a l’encontre du tenseur de Minkowski par ses d´etrac-teurs est qu’il ne soit pas sym´etrique ( gM = ΠM

c2 ). Cependant comme dit pr´ec´edemment, ce fait ne viole pas la conservation du moment cin´etique, puisque le champ ne constitue plus un syst`eme ferm´e comme dans le vide, `a cause des interactions multiples avec la ma-ti`ere. La non sym´etrie du tenseur de Minkowski n’ est donc pas un crit`ere d’irrecevabilit´e. Brevik a par exemple d´emontr´e que le tenseur de Minkowski pouvait ˆetre d´eriv´e th´eori-quement de fa¸con univoque sous certaines hypoth`eses (en particulier en imposant que les SM

ik soient des formes bilin´eaires, fonctions uniquement des champs E, D, B et H) [16]. Du point de vue des hypoth`eses physiques g´en´erales, le tenseur de Minkowski pr´esente en revanche l’avantage de satisfaire `a la condition de Von Laue et M¨oller de transformation de la vitesse de groupe d’ une onde lumineuse. Cette condition requiert que la vitesse de propagation de l’´energie d’une onde lumineuse se transforme comme la vitesse d’une particule par transformation de Lorentz. Pour une pr´esentation g´en´erale sur ce point ou une d´emonstration, on pourra consulter ([17], p. 221) ou [16]. De cette r`egle d´ecoule la formule de Fresnel de transformation de la vitesse de groupe de la lumi`ere dans un milieu en mouvement, d’o`u certaines exp´eriences visant `a tester les formes du tenseur par cette entremise [18, 19].

Abraham

L’ autre forme tensorielle est celle propos´ee par Abraham `a la mˆeme ´epoque que Minkowski (1909,1910). Les composantes de ce tenseur s’´ecrivent:

                   SA ik = −12(EiDk+ EkDi) − 12(HiBk+ HkBi) + 12δik( E · D + H · B) SA 4k = i cΠM k SA k4 = icgM k SA 44 = −WM (3.28) Les d´efinitions du vecteur de Poynting et de la densit´e d’´energie sont celles donn´ees ci-dessus par les ´equations (5.10) et (3.27). Seule la forme du la densit´e d’impulsion du champ change et Abraham l’ ´ecrit :

gA = E ∧  H

c2 = Π

c2 (3.29) On voit par l`a-mˆeme que le tenseur d’Abraham est sym´etrique et satisfait ainsi `a la conservation du moment cin´etique. Il s’agit en fait de la forme sym´etris´ee ad´equate du tenseur de Minkowski. Pour Pauli ([13], p.110), cette sym´etrie est un argument fort en

54 Chapitre 3 faveur de la forme d’ Abraham, car le tenseur doit ˆetre regard´e comme la moyenne de son expression microscopique, qui elle est bien sym´etrique. En fait, une remarque due `a Brevik ([16], p.33) montre que les processus de moyenne ne sont pas aussi intuitifs. Lors d’ un changement de r´ef´erentiel les ´equations du syst`eme (3.28) ne sont en outre plus valables et doivent ˆetre recalcul´ees. Nous voyons donc qu’il n’ y a pas plus d’arguments en faveur d’une forme tensorielle ou d’une autre. Pauli pr´esente tr`es clairement la probl´ematique et les inconv´enients propres `a chaque forme [13]. Nous allons cependant voir qu’elles pr´edisent des r´esultats identiques pour nos exp´eriences.

3.2.3 Expressions microscopiques de la force: ´equivalence aux

fr´equences optiques

Densit´es d’impulsion

On a longtemps cru pouvoir r´ealiser des exp´eriences critiques invalidant l’ une ou l’autre forme du tenseur ´energie- impulsion . En effet, consid`erons les densit´es d’impulsion d’ Abraham et de Minkowski, W ´etant la densit´e d’´energie d’une onde lumineuse dans un milieu d’indice n:

gM = n

cW (3.30)

gA = 1

ncW (3.31)

Soit pour la quantit´e de mouvement correspondante des photons: pM = n

c (3.32)

pA= 1

nc (3.33) Il est troublant de constater que le d´esaccord essentiel porte sur la quantit´e de mouvement d’un photon dans un milieu d’indice n, grandeur classique de tous les cours d’´electroma-gn´etisme. Ainsi si l’ on effectue le raisonnement du chapitre 1 en utilisant pA comme expression de la quantit´e de mouvement des photons dans les milieux 1 et 2, la d´eforma-tion de l’ interface devrait ˆetre dirig´ee dans le sens oppos´e `a celui pr´esent´e sur la figure xxx. Cela explique pourquoi l’ exp´erience d’ Ashkin et Dziedzic [1] a longtemps ´et´e sup-pos´ee cruciale pour la th´eorie. Pourtant, mˆeme si le sens de la d´eformation correspond bien `a celui pr´edit `a l’aide de la quantit´e de mouvement ” classique ” de Minkowski, elle n’invalide pas le tenseur d’ Abraham. Gordon a en effet d´emontr´e [3] que gA ne repr´e-sentait pas toute l’impulsion se propageant avec l’ onde, mais uniquement la partie d’ impulsion li´ee au champ. Une partie d’impulsion m´ecanique gA

m se propage avec l’onde ´electromagn´etique, de sorte que la densit´e d’impulsion totale li´ee `a l’onde est ´egale `a la densit´e d’impulsion de Minkowski gM:

gA+ gA

m = gM (3.34) La densit´e d’impulsion de Minkowski repr´esente donc la densit´e d’impulsion totale de l’onde ´electromagn´etique. Comme cette impulsion totale est la seule v´eritable observable physique, il n’ est pas ´etonnant que le sens de la d´eformation soit pr´edit plus facilement

en utilisant cette expression. On peut juste constater que le tenseur de Minkowski est plus pratique d’ utilisation dans ce cas, comme il se trouve l’ ˆetre pour l’ explication d’ autres exp´eriences. De plus, l’ ´equivalence des deux formes tensorielles est confirm´ee si l’ on regarde les expressions microscopiques des forces qui en d´ecoulent.

Expressions des forces

Consid´erons le cas courant o`u le milieu est lin´eaire, homog`ene et isotrope ( ǫik = ǫδik, µik = µδik) et non conducteur ( ρ = 0, j = 0). De la d´efinition g´en´erale du quadrivecteur force (3.15), on en d´eduit la densit´e volumique de force correspondant au tenseur de Minkowski [9]:



fM = −12| E|2∇ǫ − 12| H|2∇µ (3.35) Identiquement on peut ´ecrire la densit´e de force associ´ee au tenseur de Abraham;

 fA= fM + ǫrµr− 1 c2 ∂ ∂t E ∧ H