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fM = −12| E|2∇ǫ − 12| H|2∇µ (3.35) Identiquement on peut ´ecrire la densit´e de force associ´ee au tenseur de Abraham;

 fA= fM + ǫrµr− 1 c2 ∂ ∂t E ∧ H (3.36) Les forces pr´edites par les deux tenseurs ne diff`erent donc que par un terme additif, appel´e terme d’ Abraham. La petitesse de ce terme rend la d´etection de ses effets d´elicate. Il a cependant pu ˆetre mis en ´evidence `a tr`es basse fr´equence ( f ∼ 0.4Hz) avec des champs quasistationnaires (cf [9] et r´ef´erences incluses). Le tenseur de Minkowski n’ est donc pas adapt´e `a la description des exp´eriences en champs quasi-stationnaires. A l’ inverse, pour le cas qui nous int´eresse, le terme d’ Abraham n’ est pas observable aux fr´equences optiques, puisque sa moyenne sur une p´eriode est nulle. Les densit´es de force fA et fM

sont donc parfaitement ´equivalentes en optique et en aucun cas le sens de la d´eformation ne peut s’av´erer d´eterminant. Le point du vue adopt´e dans cette partie est celui de l’ ´electromagn´etisme. Les expressions de forces propos´ees ne d´ecrivent pas les ph´enom`enes thermodynamiques bien connus de magn´etostriction ou de l’´electrostriction, dont il faut clarifier l’influence sur les d´eformations d’interface induites par laser.

3.3 Aspects thermodynamiques: cas de l’ ´

electrostric-tion

3.3.1 Approches microscopiques

Thermodynamique des processus irr´eversibles dans les milieux polarisables Nous avons vu dans la partie pr´ec´edente qu’il n’existait pas de forme du tenseur ´energie-impulsion satisfaisant `a l’ ensemble des crit`eres physiques g´en´eraux exigibles. Et encore n’avons nous pas parl´e d’aspects thermiques ou thermodynamiques. Ainsi Pauli souligne que, pour un conducteur pr´esentant de l’ effet Joule, le tenseur de Minkowski n’est pas conforme `a la thermodynamique relativiste ( [13], p. 108 ). De mˆeme, les ten-seurs d’ Abraham et de Minkowski ne sont pas conformes non plus aux r`egles de la thermodynamique des processus irr´eversibles. Pour se faire, il faut partir d’ une approche microscopique et des ´equations de conservation de la masse, de la quantit´e de mouve-ment et de l’ ´energie dans les syst`emes polarisables. Telle est la d´emarche adopt´ee par De Groot et Mazur pour d´efinir correctement le taux de production d’entropie dans les

56 Chapitre 3 milieux mat´eriels [20]. Cependant l’ approche microscopique ne l`eve pas toutes les ambi-guit´es de d´efinition. Comme il n’ y a pas de s´eparation simple possible entre termes de champ et de mati`ere, De Groot et Mazur ont eux aussi fait UN choix pour l’ expression du tenseur-´energie impulsion du champ dans la mati`ere. De plus, les ´equations microscopiques s’av´erant rapidement inextricables, De Groot et Mazur se contentent d’un d´eveloppement au premier ordre en v

c, et donc d’ expressions non covariantes. Leur tenseur pr´esente ´egalement l’inconv´enient de ne pas d´ependre uniquement des champs ´electromagn´etiques



E, D, B et H, mais aussi de la polarisation P et de l’ aimantation M du milieu. Une constante arbitraire subsiste de plus dans la d´efinition de la pression hydrostatique dans un fluide `a l’ ´equilibre et implique une ambiguit´e sur la d´efinition de la force. On voit donc bien que les ambiguit´es ne sont pas lev´ees au stade microscopique. B. C. Eu a d´emontr´e r´ecemment que le tenseur de Minkowski ´etait d´erivable par la physique statistique [21] et qu’il permettait de construire aussi une th´eorie coh´erente des processus irr´eversibles [22]. D’ autres approches et d´efinitions relatives `a l’ hydrodynamique et `a la thermodynamique des liquides polarisables ont ´et´e propos´ees par Henjes et Liu [23, 24].

Densit´e de force de Helmholtz

Le but final ´etant de d´ecrire simplement les observations exp´erimentales, il est g´en´e-ralement de mise de rajouter les termes ad-hoc dans les composantes spatiales du tenseur ´energie-impulsion pour inclure les effets ´electrostrictifs et magn´etostrictifs [9]. Ainsi les composantes Sik deviennent: SikH = −EiDk− HiBk+1 2δik  1 −ρǫm ∂ρ∂ǫ m T  E · D +1 2δik  1 −ρµm ∂ρ∂µ m T  H · B (3.37) ρm d´esigne la densit´e volumique du liquide consid´er´e et les d´eriv´ees partielles sont effec-tu´ees `a temp´erature T constante. L’ exposant H signifie Helmholtz car la densit´e de force d´eriv´ee de (3.37) par l’ ´equation (3.15) est pr´ecis´ement la densit´e de force de Helmholtz. Elle est connue pour d´ecrire l’´electrostriction et la magn´etostriction et s’ ´ecrit dans le cas d’un liquide di´electrique isotrope:

 fH = −12E2∇ǫ + 12E2ρm ∂ǫ ∂ρm T  (3.38) L’ expression de la force de Helmholtz (3.38) est initialement valide uniquement pour des champs statiques et sa d´erivation th´eorique pour les fr´equences optiques a ´et´e justifi´ee statistiquement par Young et al. dans une s´erie de papiers [25, 26, 27, 28]. En particulier, ils ont montr´e que l’ expression pr´ec´edente n’ ´etait valable qu’au premier ordre en (ǫ − ǫ0) et que des corrections d’ordre sup´erieur devaient ˆetre prises en compte dans les milieux denses. Ces travaux sont inspir´es d’ articles de Peierls, qui s’ ´etait ´egalement attaqu´e `a une justification microscopique de la densit´e de force et avait mˆeme propos´e une forme alternative de tenseur [29, 30, 31]. La question reste de savoir si ces raffinements dans les expressions des forces sont v´erifiables exp´erimentalement. Cela ne semble pas ˆetre le cas. Ainsi suite aux articles de Peierls, Jones et Leslie ont recommenc´e l’ exp´erience de Richards et Jones de 1954 avec une pr´ecision sup´erieure [32, 33]. Ils ont confirm´e que le recul d’un miroir sous l’ effet de la pression de radiation ´etait proportionnel `a l’ indice optique du liquide dans lequel il ´etait immerg´e, et ceci pour 7 liquides diff´erents. En revanche, ils n’ont pas observ´e d’effets significatifs de la polarisation du laser et de l’angle d’incidence

de la lumi`ere, contrairement `a ce qui ´etait pr´edit par Peierls [31]. Les corrections d’ordre sup´erieur dans l’ expression de la force de Helmholtz ne semblent pas ˆetre mesurables, ni mˆeme observables comme nous allons le d´emontrer.

3.3.2 Electrostriction et d´eformations d’ interface

D’une mani`ere g´en´erale, la force ´electromagn´etique s’ exer¸cant sur un liquide di´elec-trique sous champ est donc la somme de deux termes (Eq.(3.38)). Le premier terme en gradient de ǫ traduit les inhomog´en´eit´es d’indice du milieu. Dans un liquide lin´eaire homo-g`ene, ce terme est nul et ne sera donc pr´esent qu’en pr´esence de variations d’indice, comme par exemple `a la surface de discontinuit´e s´eparant deux milieux d’indices optiques diff´e-rents. Le second terme, ou terme ´electrostrictif, est proportionnel au gradient de champ et traduit donc les effets li´es `a la structure spatiale de celui-ci (profil d’intensit´e gaussien par exemple). D’ un point de vue thermodynamique, il est bien connu que l’ ´electrostric-tion a tendance `a attirer les liquides di´electriques dans les r´egions de champ ´elev´e afin de minimiser l’ ´energie libre du syst`eme. Le terme ´electrostrictif est donc tout `a fait l’ analogue de la force en gradient de champ Fgrad qui attire les particules polarisables dans les zones de champ fort. Concernant les d´eformations d’interface, il convient de pr´eciser lequel de ces deux termes est responsable de l’´el´evation de la surface libre.

Une querelle d’´ecole s´emantique, outre celle concernant les expressions des tenseurs, existe entre les auteurs ayant le plus travaill´e d’un point de vue th´eorique sur les d´eforma-tions d’interface, en l’ occurrence I. Brevik d’une part, et H. M. Lai et K. Young d’autre part. Cette querelle est bien r´esum´ee dans les papiers concernant les oscillations de goutte sous champ [34, 35]. Lai et Young appellent ´electrostritive la force totale agissant sur la goutte, alors qu’ au sens strict seul le terme 1

2∇E2ρm ∂ǫ ∂ρm T  correspond `a l’ ´electro-striction. Brevik d´etaille les effets de ce terme ´electrostrictif seul. Il d´emontre en premier lieu que, si l’on suppose la relation de Clausius-Mossotti valable dans le fluide, alors l’ ´electrostriction a tendance `a d´eformer l’ interface vers le milieu le plus r´efringent, donc dans le sens oppos´e `a celui observ´e. De plus, si l’ on suppose le fluide comme ´etant in-compressible, le fait que l’´electrostriction s’exprime comme une force volumique entraˆıne qu’ elle ne contribue pas `a l’ ´el´evation de l’ interface. En effet, consid´erons l’ ´equation de Navier-Stokes pour un fluide di´electrique soumis aux effets du champ:

ρ∂v ∂t = µ∆v − ∇p − 1 2E 2∇ǫ + 1 2∇E2ρm ∂ǫ ∂ρm T  (3.39) Si le fluide est incompressible, on peut tout `a fait renormaliser la pression hydrostatique:

p = p − 1 2  E2ρm ∂ǫ ∂ρm T  (3.40) de sorte que le mouvement du fluide soit d´ecrit uniquement par l’´equation:

ρ∂v

∂t = µ∆v − ∇p12E2∇ǫ (3.41) L’ ´electrostriction ne contribue donc pas au mouvement de l’interface si on laisse le temps au gradient de pression hydrostatique de s’´equilibrer. Le terme de force surfacique −1

2E2∇ǫ est suffisant pour d´ecrire l’ influence de la pression de radiation. La possibilit´e de renorma-liser la pression hydrostatique du fluide est li´ee au fait que la pression n’a pas de d´efinition

58 Chapitre 3 et de signification pr´ecise (et n’est pas non plus une observable) dans les milieux polari-sables. Ce point est soulign´e notamment par Henjes dans son article de revue [24]. Mˆeme si elle n’a pas d’effet moteur sur le mouvement de l’interface, l’´electrostriction joue ce-pendant un rˆole important pour la stabilit´e m´ecanique et thermodynamique du syst`eme [36].

En fait, les divergences ne sont vraiment que d’ordre s´emantique entre Brevik et Lai et Young. A la fin de leur article de 1989 [34], ceux-ci constatent que la description en termes de force surfacique −12E2∇ǫ est ´equivalente `a la description en termes de force volumique, et que de plus elle est plus pratique pour le calcul car elle int`egre automati-quement les effets des corrections d’ordre sup´erieur en O[(n2− 1)2]. Il ne subsiste donc pas d’ambiguit´es entre les deux ´ecoles. Tout juste s’agit-il d’une question de vocabulaire. En ce qui concerne le tenseur propos´e par Peierls [30, 31], il a ´et´e d´emontr´e qu’il ne dif-f`ere de la description tensorielle usuelle que par des termes de forces en gradient pouvant renormaliser le gradient de pression hydrostatique comme en (3.40) [9]. Il ne peut donc pas non plus ˆetre test´e exp´erimentalement.

Condition de saut `a l’interface entre deux liquides di´electriques

La description des effets m´ecaniques de la lumi`ere dans les fluides di´electriques en termes d’une force surfacique li´ee aux discontinuit´es d’indice semble donc ˆetre la plus ad´equate. En particulier, nous avons pr´ecis´e qu’il n’y avait pas lieu de parler d’´electro-striction pour des fluides incompressibles. Les d´eformations d’interface par le champ laser ne doivent donc pas ˆetre qualifi´ees d’´electrostrictives, surtout si elles sont visualis´ees de fa¸con stationnaire comme dans nos exp´eriences. Ceci constitue l’un des points que nous tenions `a souligner dans ce chapitre. Cependant dans l’hypoth`ese o`u de la compressibilit´e devrait ˆetre prise en compte, nous serons peut-ˆetre amen´es `a reconsid´erer l’influence de l’ ´electrostriction, notamment pour expliquer certains effets non-lin´eaires observ´es `a haute intensit´e. Toutefois la cause principale responsable de la d´eformation d’une interface li-quide sous champ laser est la r´efraction des photons `a l’interface. En ce sens, la force impliqu´ee est plutˆot analogue `a Fscat, r´esultant de la r´efraction et de la diffusion de la lumi`ere, que du type Fgrad.

La force −1

2E2∇ǫ ´etant une force surfacique, elle n’ existe pas en volume dans un fluide di´electrique lin´eaire et homog`ene. Au lieu de la faire apparaˆıtre dans l’ ´equation de Navier-Stokes, il est pratique, notamment pour ´ecrire le bilan des forces `a l’ interface entre deux liquides, d’ int´egrer les contraintes ´electromagn´etiques dans la condition `a la surface libre entre les deux liquides. Ainsi l’ ´equation de Navier-Stokes classique est ´ecrite dans chaque liquide (i=1,2):

ρi

∂vi

∂t = µi∆vi − ∇pi+ fi,autres (3.42)



fi,autres d´esigne la densit´e de forces autres que les forces ´electromagn´etiques. Celles-ci sont

prises en compte dans la condition aux limites `a la surface libre entre les deux liquides. Classiquement le tenseur des contraintes dans un liquide s’´ecrit :

Σij = −pδij + Σij (3.43) o`u p est la pression hydrostatique du fluide et Σ

En pr´esence de forces surfaciques d’origine ´electromagn´etique, les contraintes ´electroma-gn´etiques sont incorpor´ees dans le tenseur des contraintes global, de sorte que:

Σtot

ij = −pδij + Σij + Σe.m

ij (3.44) Les contraintes ´electromagn´etiques ´etant d´efinies comme les oppos´ees des composantes spatiales du tenseur ´energie-impulsion (par exemple celui de Minkowski pour des di´elec-triques):

Σe.mij = −SijM (3.45) Les forces ´electromagn´etiques `a l’interface entre deux di´electriques sont alors automa-tiquement prises en compte lors de l’´ecriture des conditions aux limites entre les deux fluides. n12 d´esignant l’unitaire normal `a l’interface dirig´e du fluide 1 vers le fluide 2, t l’unitaire tangent, σ la tension de surface de l’interface et κ sa courbure, la continuit´e des contraintes normales et tangentielles s’´ecrit [37]:

 Σtot,2ij − Σtot,1ij  · n12= σκn12 (3.46)  Σtot,2ij · n12  · t =Σtot,1ij · n12  · t (3.47) La pression de radiation s’exprime alors simplement comme le saut du tenseur des contraintes ´electromagn´etiques de part et d’autre de la surface de discontinuit´e:

 Σ2ij − Σ1ij  · n12 = σκn12+Σe.m,1ij − Σe.m,2ij  · n12 (3.48) Cette ´ecriture d´efinit clairement ce qu’ est la pression de radiation `a l’interface entre deux di´electriques et encore une fois on s’aper¸coit qu’il n’est pas n´ecessaire de parler d’´electro-striction. D’autre part, cette formalisation simplifie les calculs lors de la mod´elisation de la dynamique temporelle de l’interface. De mˆeme, elle permet de prendre en compte d’´even-tuels effets de polarisation ou d’incidence du laser, rejetant la difficult´e sur le calcul du saut du tenseur des contraintes ´electromagn´etiques dans ces conditions. Nous adopterons donc cette formulation de la pression de radiation dans la suite de cette th`ese.

3.3.3 Actualit´e du d´ebat

Ce chapitre n’ ´etait pas uniquement destin´e `a l’ explication de pol´emiques que l’on pourrait suppos´ees anciennes et dat´ees. Mais le fait que l’´electromagn´etisme des milieux mat´eriels ne soit qu’une th´eorie ph´enom´enologique semble mal compris ou mal accept´e. On peut ˆetre surpris de trouver des articles r´efutant les formes tensorielles d’Abraham ou de Minkowski sur la base de leur incapacit´e `a d´ecrire les ph´enom`enes thermodynamiques [38] ou envisageant la validation exp´erimentale de certains mod`eles [39]. De mˆeme, nous pensons avoir montr´e que la mod´elisation des effets de champs dans les milieux mat´e-riels n’ ´etait pas chose facile. Pour preuve, on pourra consid´erer les discussions r´ecentes relatives `a l’expression de la force de Kelvin dans les ferrofluides [40, 41, 42, 43, 44]. Il peut ainsi sembler illusoire de vouloir invalider exp´erimentalement la force de Kelvin dans les ferrofluides [45] ´etant donn´e qu’il ne s’agit pas d’une observable physique [46, 47]. La g´en´eralisation de l’emploi du tenseur des contraintes de Maxwell faciliterait la mod´eli-sation des effets de champ et la compr´ehension du domaine de validit´e des expressions classiquement utilis´ees [48]. C’ est en particulier le cas en optique, comme nous allons le voir en guise de conclusion.

60 Chapitre 3