• Aucun résultat trouvé

1. L’image de l’industrie renvoie à des préjugés négatifs anciens qui ne disparaissent que lentement

Plusieurs études et sondages publiés entre 2013 et 2017 montrent que l’image de l’industrie souffre de préjugés persistants. Elle n’est cependant pas uniquement négative et les évolutions récentes traduisent une tendance à l’amélioration en particulier chez les plus jeunes.

Le premier de ces travaux est un sondage Ifop, réalisé en 2013 sur « Les jeunes et les métiers de l’industrie » auprès d’un échantillon de personnes, représentatif de la population française âgée de 15 à 25 ans.

Soixante-sept pour cent des sondé.e.s s’estiment assez mal ou très mal informé.e.s des métiers dans l’industrie - derrière ceux du secteur agricole à 74 %. 48 % des jeunes interrogé.e.s jugent attirant d’exercer un métier dans l’industrie, mais ils.elles sont une large majorité à trouver globalement plus attirants, ceux des services (72 %) et de la fonction publique (63 %). Cinquante-quatre pour cent indiquent ne pas souhaiter travailler dans l’industrie.

Ces résultats peuvent s’expliquer par les représentations associées aux métiers de l’industrie chez les sondé.e.s. « Les mots associés aux métiers de l’industrie par les jeunes révèlent des résultats plutôt ambivalents. D’un côté, des termes très positifs comme « l’exportation » (84 %), la « haute technicité » (80 %), « l’innovation » et la « qualification » (respectivement 75 % et 68 %) sont massivement liés à ce secteur, preuve que les jeunes d’aujourd’hui ont conscience des forces de l’industrie nationale. De l’autre, on remarque que certains clichés sur l’usine ont la vie dure puisque les mots-clés « travail à la chaîne » (85 %), « pénibilité » (81 %), « saleté » (55 %) et

« déclin » (51 %) sont également largement associés à l’industrie. Enfin, à la lumière des résultats pour les termes « camaraderie » (53 %) et « fierté » (46 %), on peut affirmer que le travail dans l’industrie conserve une certaine image sociale (l’usine vue comme un lieu de socialisation et de valorisation personnelle), et ce auprès de près de la moitié des jeunes Français.e.s. 173»

Très significatifs également sont les résultats de l’enquête concernant la connaissance des filières : 71 % des jeunes se disent mal informé.e.s, 29 %, bien. 56 % d’entre eux.elles souhaiteraient l’être mieux.

Plus récemment Harris interactive174 a réalisé en février 2016, un sondage pour la semaine de l’industrie, à la demande d’un groupe industriel. Ce sondage est centré sur les a priori dont souffrent ses différents métiers sous le rapport de leur ouverture aux femmes, des opportunités qu’ils offrent aux jeunes et des perspectives de carrière. Il a été réalisé auprès d’un échantillon de Français et de Françaises sans limite d’âge.

Rapport

Globalement, si 77 % des sondé.e.s déclarent avoir une bonne image des métiers de l’industrie, cette opinion est plus nuancée par tranche d’âge ou catégorie socio-professionnelle. Ainsi, 36 % des jeunes de 15 à 24 ans les perçoivent plutôt négativement tout comme 31 % des professions intermédiaires. Selon l’institut Harris, les représentations de ces métiers renvoient négativement à l’usine et à la pénibilité, au chômage, aux délocalisations, à la pollution  ; positivement, elles évoquent auprès des sondé.e.s, les exportations, la création de richesses, la technologie, l’innovation. Globalement, 48 % des personnes de moins de 35 ans ne trouvent pas ces métiers attractifs pour les jeunes. 56 % des Français et des Françaises estiment que les métiers de l’industrie ne savent pas se vendre et attirer autant que les métiers de la fonction publique ou des services.

enfin, bien que focalisé sur un public très jeune, le baromètre «  Les jeunes et l’industrie » d’arts et métiers Paristech, réalisé en partenariat avec OpinionWay175, est intéressant à un double titre : sa 5e édition a été publiée en 2017 et il révèle une évolution favorable de l’image de l’industrie auprès de son public cible, constitué d’un échantillon de lycéens et lycéennes en séries S et technologique.

En effet, la perception positive de l’industrie par ces lycéens et lycéennes a atteint son plus haut niveau en cinq ans en 2017 : 77 % d’entre eux.elles ont une bonne opinion de l’industrie, ce qui représente un gain de huit points en cinq ans. Son rôle majeur dans l’économie et sa capacité à créer de l’innovation sont les principales raisons avancées. Les difficultés économiques qu’elle traverse et la pollution qu’elle génère sont à l’inverse les motifs retenus par les jeunes qui en ont une mauvaise opinion.

Parmi les nombreux atouts des entreprises industrielles, les jeunes relèvent qu’elles permettent d’être en contact avec les technologies de pointe (85 % des interrogé.e.s) et agissent de plus en plus pour l’emploi en offrant une large diversité de métiers (83 % d’entre elles et eux).

Près d’un.e jeune sur deux indique vouloir travailler dans l’industrie  : 46 %, soit plus 3 points en cinq ans. L’enquête révèle cependant que le souhait de travailler dans le secteur industriel varie selon le sexe. « L’attractivité concerne surtout les garçons (68 % souhaitent y travailler contre 46 % des filles). C’est aussi principalement le cas pour les lycéens en série technologique (85 % contre 53 % pour ceux en série scientifique). Cette différence entre garçons et filles renvoie au sentiment partagé par les lycéens que les filles sont moins encouragées que les garçons à travailler dans le secteur industriel ».

L’attractivité varie également selon les secteurs. Le secteur des énergies renouvelables s’affirme comme le plus attractif (38 %). « En deuxième position, les équipements électriques, électroniques et numériques, symboles d’une industrie de pointe, est un des rares secteurs à afficher une hausse (37 %, + 7 points) ». La construction aéronautique et la chimie se situent aux troisième et quatrième places. « On observe donc que les trois secteurs les plus plébiscités sont ceux qui portent potentiellement l’image la plus moderne ». Les jeunes considèrent à 68 % 175 Arts et Métiers ParisTech, «  Les lycéens et l’industrie  », Étude auprès de lycéen.ne.s en série scientifique et technologique, Vague 5, Février 2017 ; voir aussi le communiqué de presse de mars

AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES que le respect de l’environnement doit être une priorité pour les entreprises industrielles et à

61 %, la lutte contre le gaspillage des ressources naturelles. « Un jeune sur huit considère que l’industrie verte est possible. »

Le métier d’ingénieur.e est celui vers lequel souhaitent majoritairement s’orienter les lycéens et les lycéennes il est suivi par celui de chercheur ou de chercheuse puis par les métiers de l’informatique, celui de technicien.ne supérieur.e apparaissant en dernier. Les étudiant.e.s, en particulier les filles, se considèrent cependant mal informé.e.s sur les métiers de l’industrie ainsi que sur les parcours de formation qui y conduisent.

Les sociologues David Bell aux États-Unis ou Alain Touraine en France ont théorisé pendant plus de trois décennies, l’avènement d’une société postindustrielle176 dans laquelle les activités de service remplaceraient progressivement les activités de production. Cette idée s’est largement répandue et certaines des opinions émises au cours des enquêtes d’opinion évoquées en sont sans doute le reflet : l’industrie relèverait du passé. Pourtant les enquêtes le montrent aussi clairement, les jeunes sont intéressé.e.s par l’industrie, ils.

elles sont demandeur.euse.s d’informations, ils.elles croient en sa capacité d’innovation et à résoudre certains problèmes de la société.

On peut aussi remarquer les répercussions de cette perception passéiste de l’industrie dans les politiques d’urbanisme et d’aménagement. On constate la tendance en particulier dans les métropoles, à tabler sur une disparition des industries afin de limiter l’espace disponible qui leur serait dévolu pour tenter de se réapproprier le foncier industriel et d’y construire notamment des logements ou des bureaux.

La question de l’attractivité des métiers de l’industrie ne se pose pas qu’en France comme a pu le constater une délégation de la section à la Foire de Hanovre en 2017, où elle a rencontré les responsables de l’opération Tec2You. Hanovre est le plus grand salon de technologie industrielle au monde : il accueille sur une semaine plus de 200 000 personnes venues d’une centaine de pays visiter les plus de 5 000 stands répartis en une dizaine de salons industriels : automatique industrielle, numérisation, énergie, traitement de surface, technologies vertes, etc.

Tec2You a été lancé par les industriel.le.s allemand.e.s qui ont constaté la perte d’intérêt des jeunes pour les matières dites Stim : sciences / technique / ingénierie / mathématiques.

Si les grands noms de l’industrie comme Siemens, Porsche ou Bosch attirent toujours, les nombreux PME et ETI peinent à recruter. Tec2You invite donc chaque année plusieurs milliers de jeunes en dernière année de lycée ou à l’université. Venu.e.s en bus de toute l’Allemagne aux frais des entreprises, ils.elles sont entièrement pris.es en charge au cours d’une journée remarquablement organisée. Ils.elles alternent visites de stands, souvent ludiques avec des démonstrations de niveau mondial et discussions avec des professionnel.le.s de plusieurs branches pour se faire une idée de différentes carrières possibles.

Rapport

2. Les conceptions et les récits de l’industrie vivent une phase de refondation.

M. Pierre Musso, philosophe et professeur en sciences de l’information et de la communication, a suggéré, lors de son audition177 par la section, de substituer à l’expression

« révolution numérique » celle « d’informatisation généralisée », qu’il décrit comme l’invention d’un « nouveau système technique ». Pierre Musso lie son essor à ce qu’il considère comme une phase de généralisation et non de réduction de l’industrie. Selon lui, cette dernière doit en effet être considérée dans toutes ses dimensions - y compris, par exemple, le secteur agricole - et non dans sa seule dimension manufacturière.

Les révolutions industrielles associent grandes innovations de rupture et développement de réseaux. Ces derniers sont porteurs d’un « récit ambivalent », notamment l’internet perçu comme un réseau de communication décentralisé, mais également comme un instrument de surveillance et de contrôle.

Dans une économie informatisée, l’essentiel des coûts de production est lié à la phase de conception, les coûts de distribution étant beaucoup plus faibles. Pour M. Musso, les deux principaux gisements d’emplois dans ce type d’économie sont les emplois de conception et ceux des services relationnels. Il est donc essentiel de défendre une vision large de l’industrie qui englobe ces deux dimensions.

L’informatisation généralisée, en entraînant des mutations profondes dans la société comme dans l’entreprise, oblige l’industrie d’une part à intégrer les nouveaux facteurs clés de production que sont la connaissance et la capacité de création, et d’autre part à reconnaître la part prépondérante des tâches de conception et des tâches relationnelles. Toujours selon Pierre Musso, le fait que le système d’information d’une entreprise puisse se confondre aujourd’hui avec son système de production, illustre l’importance de cette transformation.

Puisque le système d’information devient « le cœur de la production », les pouvoirs publics devraient en tirer les conséquences et faire de son amélioration, l’axe majeur des politiques d’industrialisation et de formation.

Cette mutation a bien entendu des conséquences sur le travail et l’entreprise elle-même, comme la connexion permanente des travailleurs et des travailleuses ou l’exploitation et la valorisation de leurs fonctions cognitives, qui deviennent les facteurs de production majeurs. Ces aspects seront examinés plus loin.

AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES

III - un nouveau mode de dÉveLoPPement

QuI nÉcessIte de BÂtIr une vÉrItaBLe

PoLItIQue IndustrIeLLe