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Comme nous l’avons décrit, la question des capacités humaines est au centre de la mutation de l’appareil productif et par conséquent, un enjeu de premier plan pour la réindustrialisation.

Les différentes approches du travail ont besoin d’être remises en cohérence. Formation et qualification, santé au travail, gestion et prospective de l’emploi, cadre juridique du travail, constituent un ensemble de dispositifs disparates et pas toujours adaptés au traitement de la situation que traverse l’industrie. Cette problématique suppose un décloisonnement des registres d’intervention, l’ouverture d’un débat global sur le devenir de l’emploi industriel comme un traitement spécifique de la question au niveau de chaque bassin d’emploi.

La marche des entreprises dépend de plus en plus des capacités d’initiative de chaque individu et du collectif de travail, ce qui nécessite de leur offrir de meilleures garanties collectives et individuelles, notamment dans le cadre de la négociation collective de branche.

C’est là que se pose la question des pouvoirs respectifs des salarié.e.s et des actionnaires sur le devenir des entreprises, sur les choix technologiques. Le travail, reconnu, protégé, peut redonner sens au développement de l’entreprise.

L’expérience montre que les salarié.e.s soucieux.ses de conserver leur emploi et leur outil de travail sont aussi les défenseur.euse.s de l’intérêt à long terme de leur entreprise, qui ne se confond pas toujours avec celui des actionnaires. Ils sont également, par leur immersion dans le travail au quotidien, bien au fait de la réalité des possibilités présentes et des évolutions souhaitables. Il convient donc de renforcer les conditions du dialogue social pour avancer sur les questions relatives aux rémunérations, aux qualifications, au temps de travail, à l’organisation, à l’environnement tout en examinant la question de la participation des salarié.e.s aux choix stratégiques des entreprises.

1. Les mutations à venir de l’emploi et du travail industriels

Malgré les offres d’emploi, de fortes opportunités de carrières et des salaires qui sont dans de nombreuses branches plus élevés que la moyenne, l’industrie peine à trouver les profils qu’elle recherche. Au-delà de la désaffection des jeunes pour ces métiers, les filières de formation puis les savoir-faire disparaissent. Par exemple, les formations conduisant à la filière textile ont disparu au rythme de la fermeture des usines de ce secteur. L’arrivée de la génération des baby-boomers à la retraite a accentué ce phénomène, la transmission de l’expérience des «  ancien.ne.s  » se raréfiant. Au total, le savoir-faire technique pour la fabrication de certains produits est en situation de risque, voire perdu.

en outre, le poids croissant du numérique et de l’automatisation implique de profonds bouleversements du contenu et de la structure de l’emploi, créant de nouveaux besoins en compétences et qualifications. Comme en fait part le Conseil d’orientation pour l’emploi dans le tome 2 de son rapport « Automatisation, numérisation

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besoins en compétences ont et vont considérablement évoluer. Or, l’inadéquation des compétences menace l’emploi, la satisfaction au travail et la productivité des entreprises.

au-delà, il s’agit aussi de faire face au risque d’obsolescence des compétences226, exacerbé par le développement des nouvelles technologies. En effet, la rapidité des changements technologiques et la diffusion du numérique imposent une mise à jour régulière des compétences des salarié.e.s. Selon une enquête du Cedefop227, les mutations rapides induites par les transformations technologiques exposent nombre de travailleur.euse.s au risque d‘obsolescence de leurs compétences et accélèrent cette tendance. « Négligée, elle peut avoir des conséquences fatales sur les carrières, appréhendée, elle offre des perspectives d’épanouissement et d’évolutions », comme le remarque le spécialiste du numérique et de la formation, Cyril Pierre de Geyer228.

Enfin, comme on l’a montré dans le chapitre I, l’industrie est l’un des secteurs d’activité qui présente le plus fort déséquilibre en défaveur des femmes, ce qui est l’une des causes des difficultés de recrutement constatées. Plusieurs facteurs y concourent, comme l’influence des stéréotypes de sexe sur la culture des entreprises ou l’image des métiers de l’industrie, ou encore la part minoritaire des femmes dans les formations scientifiques et techniques.

une plus grande ouverture des métiers de l’industrie en faveur des femmes dès l’orientation et la formation, permettrait d’augmenter l’offre de travail et donc de pallier en partie les problèmes de recrutement. de manière générale, une meilleure appréhension des conditions de travail des femmes serait bénéfique à tou.te.s.

La prise en compte des enjeux environnementaux, les impacts structurels sur l’emploi, la mutation du travail et de l’emploi sous l’effet du développement de nouvelles technologies numériques, impliquent de nouveaux besoins en termes de formation et nécessitent d’être anticipés et accompagnés.

2. Les besoins en termes de formation professionnelle et de qualification

La formation n’est pas un remède miracle pour créer de l’emploi. Sans politique de relance de l’emploi notamment industriel et des services publics, aucune insertion, reconversion, évolution professionnelle n’est réalisable pour le plus grand nombre. Il faut une réelle formation tout au long de la vie dont chacun.e a la maîtrise à partir de ses réalités de travail et de ses besoins. Elle doit s’appuyer sur une formation initiale et continue de qualité pour toutes et tous qui favorise l’acquisition, le maintien et l’évolution d’une qualification reconnue.

226 Cette notion renvoie à l’insuffisance des savoirs actualisés nécessaires à un.e travaileur.euse pour continuer d’être parfaitement performant.e dans son activité professionnelle actuelle ou future.

227 «  Prévenir l’obsolescence des compétences  », Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop), Note d’information, juillet 2012.

AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES Il est difficile d’appréhender les « métiers du futur ». Comme le souligne La Fabrique

de l’industrie229, « La vitesse et l’ampleur des changements technologiques rendent très difficiles les exercices d’anticipation sur les besoins en compétences futures et l’identification des nouveaux métiers ».

néanmoins, les transitions écologique et surtout numérique, supposent la modernisation du système productif et donc la montée en compétences de tou.te.s les salarié.e.s à tel point que certain.e.s industriel.le.s affirment que les métiers non qualifiés sont amenés à disparaître.

en effet, en se basant sur les évolutions récentes de l’emploi, il est possible d’affirmer que l’industrie numérisée et robotisée va nécessiter de plus en plus de travailleur.euse.s très qualifié.e.s. Selon l’étude de la Dares230 consacrée aux évolutions des métiers en France depuis trente ans, au sein des métiers de l’industrie, les effectifs qualifiés ont augmenté alors que les moins qualifiés ont fortement chuté : « Au total, ce sont 853 000 emplois d’ouvrier.ère.s non qualifié.e.s et 306 000 emplois d’ouvrier.ère.s qualifié.e.s qui ont disparu dans l’ensemble des métiers de l’industrie. En contrepartie, le nombre d’emplois de technicien.ne.s et agent.e.s de maîtrise du domaine de la maintenance (+222  000) ainsi que d’ingénieur.e.s et cadres de l’industrie (+171 000) a fortement augmenté ».

Prospective et détaillée, l’analyse du COE présentée par Marie-Claire Carrère-Gée lors d’un entretien au Cese, met en évidence les points suivants :

un besoin de compétences expertes dans les nouvelles technologies (création d’emplois liés aux métiers cœur de l’automatisation et du numérique), évalué à 80 000 emplois d’ici à 2020 pour les seuls domaines du numérique et de l’électronique ;

une transformation de 50  % des emplois actuels (cf. partie «  les transitions écologiques et numériques qui questionnent notre modèle productif »), qui va nécessiter un besoin très important de compétences techniques nouvelles, certaines directement liées aux technologies en complément des compétences techniques plus « classiques », d’autres non (par exemple, l’automatisation de la culture sous serre demande aux salarié.e.s agricoles, des compétences plus poussées en matière d’agronomie).

La population active devra rapidement acquérir ou faire progresser ses compétences dites « transversales » qui recouvrent des compétences numériques générales, des compétences cognitives (littératie, numératie) et des compétences sociales et situationnelles (qui sont difficilement automatisables).

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L’enjeu majeur des transitions numérique et écologique est donc de soutenir la montée en qualifications et compétences de tou.te.s les salarié.e.s. Or, selon une étude de l’Insee réalisée en collaboration avec la Dares231, l’accès à la formation professionnelle est très inégal. Il tend à diminuer avec l’âge et augmente avec le niveau de diplôme et de qualification. Ce sont aussi les individus en emploi qui en bénéficient le plus. Paradoxalement, ce sont donc les personnes qui en ont le plus besoin qui y accèdent le moins. La formation continue suscite donc de nombreuses attentes en matière de sécurisation des parcours et de compétitivité des entreprises.

Il faut un « contre-choc » formation-emploi dans l’industrie pour compenser les départs de main-d’œuvre. Une piste serait de mettre sur pied un plan concerté de promotion et de développement des capacités humaines dans l’industrie et les services aux entreprises, une politique globale du travail favorisant l’intégration dans l’emploi, véritable alternative aux pertes d’emplois conséquentes dans le secteur industriel.

En fin de compte, cette situation doit être l’opportunité de se saisir de la question du travail, de sa place, son sens, son rôle, son utilité sociale. Il est grand temps de repartir des besoins de la société et des aspirations des citoyen.ne.s afin de permettre de construire une vision collective partagée dans ce domaine, socle d’un pacte productif mentionné par plusieurs auditionné.e.s.

231 Sébastien Gossiaux, Patrick Pommier, « La formation des adultes : un accès plus fréquent pour les jeunes, les salariés des grandes entreprises et les plus diplômés », Insee Première, n° 1468, octobre

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n° 1 COMPOSITION DE LA SECTION DES ACTIVITÉS