• Aucun résultat trouvé

Expertise et contrôleurs numériques

Chapitre II : Codage de l’expertise

V.2 Expertise et contrôleurs numériques

La synthèse de la loi de commande floue est ici réalisée à partir d’un contrôleur numérique dont on améliore les performances en élargissant le contexte d’utilisation par ajout d’une con-naissance experte. Par rapport aux travaux précédents, la différence se fait alors dans la façon dont cet ajout est géré. Le principe développé ici n’est plus d’élaborer une structure multi-con-trôleurs comme cela a été pratiqué pour la régulation de niveau en coulée continue, mais d’intégrer l’ensemble des connaissances disponibles sur le procédé dans un contrôleur flou unique. Ainsi que cela a été évoqué précédemment, ce choix de conception est lié à des aspects pratiques, spécifiques à chaque installation.

En guise d’illustration de la méthodologie proposée, deux applications industrielles sont ici présentées. Dans les deux cas, des systèmes SF4 sont utilisés et leur synthèse est réalisée selon une démarche identique. Celle-ci est décomposée en deux étapes, la première consistant à construire l’équivalent flou d’un contrôleur numérique cible, la seconde visant à l’améliorer par modification des règles initiales selon l’expertise disponible.

V.2.1 Régulation de niveau dans un procédé de fabrication semi-continue de barres de laiton

Cette application ([Dussud96]) concerne le remplissage de moules pour la fabrication semi-continue de barres de laiton, procédé illustré à la figure 58. Bien que le principe de fonctionne-ment global soit très proche de celui décrit précédemfonctionne-ment pour la production de brames d’acier, les équipements utilisés sont suffisamment différents pour modifier la problématique de la régulation de niveau. En effet, le débit de métal liquide dans la busette est ici automati-quement ajusté par un système à base de flotteurs sur lequel aucune action n’est envisageable. La stabilité du niveau de métal dans les moules dépend alors de celle du niveau de métal dans le répartiteur. L’objectif de régulation poursuivi ici est donc de maintenir constant le niveau de laiton dans le répartiteur. Le débit d’alimentation de ce dernier est contrôlable par l’intermé-díaire d’un vérin hydraulique permettant d’agir sur l’inclinaison du réservoir.

Fig. 58 : Fabrication semi-continue de barres de laiton.

Une modélisation mathématique simplifiée du procédé a permis de calibrer en simulation un contrôleur de type PD puis de synthétiser un contrôleur flou équivalent. Celui-ci est ensuite modifié de façon à contrer le retard induit par l’écoulement du métal dans la rigole. Des actions anticipatives sont ainsi introduites dans la base de règles selon l’expertise des opérateurs. A ce stade du développement, la démarche mise en oeuvre est similaire à celle présentée dans le paragraphe précédent. Le contrôleur flou final implanté est de type PD non linéaire. La surface de contrôle correspondante est illustrée à la figure 59.

Fig. 59 : Surface de contrôle du régulateur flou implanté.

Le choix d’une implantation de la commande sous la forme d’un système flou unique a été guidé par le fait que l’installation considérée n’était équipée d’aucun régulateur spécifique puisque c’est un opérateur humain qui la pilotait. La démarche de conception a permis de réduire le temps de développement nécessaire à l’obtention de résultats satisfaisants ainsi qu’en atteste la figure 60. Reste à signaler que la phase de remplissage du moule est toujours manuelle. Lorsque celle-ci est terminée, l’opérateur enclenche le contrôleur flou qui prend en charge la régulation de niveau pendant toute la durée de la coulée (20 minutes à 1 heure). La figure 60 illustre l’amélioration de qualité apportée par la régulation floue qui s’avère plus régulière dans ses actions que l’opérateur humain ayant servi de “modèle”.

a b c d e f g h i j k

(a) réservoir inclinable (b) répartiteur

(c) actionneur hydraulique (d) moules

(e) refroidissement par eau du moule (f) système hydraulique d’extraction (g) barre de laiton solidifiée

(h) laiton en fusion (i) flotteur (j) busette (k) écoulement du métal Erreur (mm) Variation d’erreur Commande (mm/s) (Hz)

Fig. 60 : Résultats réels. V.2.2 Régulation de niveau en raffinerie

Rappelons que cette application, utilisée à titre d’illustration tout au long de ce document, a été développée en collaboration avec le centre de recherche d’ELF Solaize. Dans un premier temps, un contrôleur algorithmique existant a permis de construire un contrôleur flou initial par application du principe des équivalences modales (cf paragraphe VI.1 du premier chapitre). Celui-ci, de type TSK à conclusions constantes, a ensuite été converti en un système SF4 (cf paragraphe IV.1) dont la version condensée de la figure 61 sert maintenant de base de travail à l’intégration de la connaissance experte.

Fig. 61 : Résumé linguistique des règles floues initiales.

La première remarque de l’expert concerne le fait qu’il est important d’être dans une situation favorable lorsqu’une perturbation apparaît puisque les marges de manoeuvre sont alors plus lar-ges. Ceci se concrétise par le souhait que le niveau ne se stabilise qu’autour d’une valeur cen-trale et conduit donc à modifier les conclusions de règles associées à la colonne B0. De même, quelle que soit l’évolution du niveau, l’expert préconise un traitement “choc” dans le cas où il est proche des limites Lmin et Lmax. La prise en compte de ces deux considérations aboutit à la base de règles modifiée de la Fig. 62.

L’amélioration majeure est obtenue grâce à l’intégration d’une nouvelle variable dans les pré-misses. Celle-ci, construite à partir de données mesurées sur le procédé en amont de la capacité tampon, reflète l’évolution future du procédé. En fait, elle représente l’amplitude prédite des perturbations à venir et permet donc d’anticiper la démarche à suivre pour faciliter leur rejet si elles se produisent effectivement. Ainsi, si une perturbation positive importante est prévue (forte montée de niveau), il est souhaitable que le niveau soit bas pour pouvoir la traiter effica-cement quand elle survient. Cette constatation amène à réagir de façon préventive par une commande positive permettant de faire baisser le niveau.

0 0 20 80 0 16 00 24 00 40 60 80 0 0 20 800 1 600 2400 40 60 80

Contrôle manuel Contrôle flou

Niveau Consigne temps (s) temps (s) Niveau (mm) Niveau (mm) B-3 B-2 B-1 B0 B1 B2 B3 A0 NTG NTG NTG Z PP PM PM A1 NG NG NM Z PP PM PM A2 NG NM NM Z PM PM PG A3 NM NM NP Z PM PG PG A4 NM NM NP Z PTG PTG PTG signe(δL)∗δL2 L Lmin Lmax

Fig. 62 : Base de règles modifiée par expertise.

L’ajout d’une nouvelle variable dans les prémisses se traduit par des règles de la forme “Si le niveau est élevé et augmente fortement et qu’une perturbation positive importante est prédite alors la commande est positive grande”. D’un point de vue pratique, sept termes linguistiques sont utilisés pour caractériser la perturbation prédite. La base de règles de la figure 62 est maintenue et correspond au cas où aucune perturbation n’est prévue. Six nouvelles bases de règles de structure identique sont introduites pour gérer les autres classes de perturbations pré-vues. Elles sont écrites avec l’aide de l’expert selon les considérations énoncées précédem-ment. Le régulateur flou ainsi généré, industrialisé sous le nom FLOUNIV par Elf, a été installé dans une première raffinerie en 94. Depuis, une dizaine de sites ont été équipés de manière similaire.

Les études décrites dans ce paragraphe ont en commun le fait qu’elles reposent sur un régula-teur flou linguistique conçu pour améliorer un contrôleur numérique existant. La phase d’ini-tialisation du système flou est effectuée de manière systématique par application du principe des équivalences modales. Cette façon de faire permet d’aborder plus facilement l’introduction du savoir-faire dans la mesure où la base de règles est déjà construite et n’a donc plus qu’à être adaptée.