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INTRODUCTION

Les dépenses publiques au titre des pensions de retraite ont augmenté de manière exponentielle atteignant 15% du PIB dans certains pays développés (Estelle James, 1997). La part des richesses consacrées au financement des retraites devrait augmenter à l‘avenir car selon les projections démographiques, la part des personnes âgées va pratiquement doubler d'ici 2030, passant de 9%, en 1990, à 16% en 203055.

La perspective du vieillissement de la population a conduit la plupart des gouvernements à se préoccuper de la santé financière de leur système de retraite et à envisager une réforme pour en assurer la viabilité.

Compte tenu du contexte économique et démographique, le maintien des régimes publics de retraite financés par répartition poserait un double problème d‘équité et d‘efficacité56

. A ces problèmes inhérents au système par répartition, certains pays comme la Tunisie, ont dû faire face à un déséquilibre financier exacerbé par les niveaux particulièrement élevés des taux de remplacement qu'ils garantissent. Tandis que les déficits ont pu être résorbés par une hausse des taux de cotisation, cette solution présente des limites dans un contexte marqué par l‘internationalisation des économies où précisément le coût du travail représente une variable clé de la compétitivité des entreprises. Avec la maturité du système, la hausse du taux de cotisation pour honorer de tels niveaux de pension est susceptible de créer des distorsions sur le fonctionnement du marché du travail, de favoriser l'évasion et le développement du secteur informel57.

La question de la réforme du système de retraite par répartition a été abordée par une littérature abondante. L‘option d‘une réforme remplaçant le système par répartition géré par l‘État par un système de capitalisation privé y a été largement soutenue. L'étude de Davis (1993), qui affichait un rendement du système de capitalisation58 deux fois supérieur à celui du système de répartition59 pour les principales puissances économiques entre 1967 et 1990, n‘a fait qu‘apporter un argument de plus en faveur d'un renforcement du système par capitalisation. Cependant, cela ne permet pas d'affirmer que le système par capitalisation offre

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Voir Estelle James, 1997.

56 Voir chapitre 1. 57 Voir chapitre 2. 58

Le rendement du système de capitalisation est le rendement des placements financiers.

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un meilleur rendement ou une meilleure résistance aux chocs démographiques que le système par répartition (Chapitre 1, section 5).

L‘expérience internationale montre que les résultats de la privatisation du système de retraite diffèrent d‘un pays à un autre selon les conditions initiales de la dette implicite. Cette dernière est propre au système de répartition et elle est d‘autant plus importante que les pensions versées sont généreuses (voir chapitre 2). La réussite de la privatisation dépend aussi de la politique économique du pays qui doit amener les syndicats à adhérer à une telle réforme (voir le cas du Chili).

Dès 1994, dans son rapport "Averting the Old Age Crisis" la Banque Mondiale remet en question la capacité des régimes publics de retraite par répartition à assurer le financement des retraites à long terme. Selon ce rapport, une politique de retraite doit assurer trois fonctions qui doivent en conséquence s'organiser selon trois volets: le volet distribution au profit des plus démunis, le volet assurance contre le risque d‘investissement, de longévité et de faillite du système publique et le volet épargne à travers le lissage de la consommation. Pour assurer ces trois volets, le système de retraite doit reposer sur plusieurs piliers : deux principaux qui sont obligatoires et qui peuvent être consolidés par un troisième facultatif.

Le premier pilier, ou pilier de base, est géré par l‘État et financé par un prélèvement

fiscal. Ce pilier a pour but essentiel de lutter contre la pauvreté chez les personnes âgées à travers une fonction de redistribution. Ce pilier assure une pension minimale qui doit, à des degrés différents, cibler la classe la plus démunie des personnes âgées. Plusieurs modes d‘attribution de la pension minimale ont ainsi été suggérés pouvant être classés en quatre groupes. Le premier, adopté en Australie, se base sur une condition de ressources pour déterminer l‘éligibilité des individus à la pension minimale. Le second, adopté en Nouvelle Zélande et dans les pays nordiques, consiste à accorder cette pension minimale de façon uniforme et universelle comme un droit de citoyenneté à tout retraité et ce quel que soit le niveau de revenu. Le troisième mode d‘attribution se base sur les catégories professionnelles. Enfin, le dernier mode d‘attribution, adopté notamment au Chili, s'appuie sur une approche intégrée du premier pilier au sein du second pilier. La pension minimale n'est accordée que lorsque le montant de la pension versée par le second pilier capitalisé ne permet à l'individu d'atteindre le seuil de la pension minimale. L‘objectif est cependant de réduire au minimum la

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fonction de ce pilier de façon à libérer de l‘espace afin de développer le rôle joué par la capitalisation dans le cadre du second pilier.

Le second pilier, ou pilier complémentaire, est un pilier à contribution obligatoire

fonctionnant selon le principe de la capitalisation. Ce pilier géré par des sociétés de gestion privées appelées fonds de pension a pour but d‘obliger les individus à se constituer une épargne pour la retraite qui sera rémunérée selon le taux du marché. Ce pilier est appelé à assurer l‘essentiel de la pension de retraite. Il se caractérise par un renforcement du lien entre les cotisations versées et les pensions reçues selon une logique d'assurance qui se substituerait à la fonction de remplacement du revenu. En outre, il doit permettre de constituer une épargne importante devant servir à financer l‘investissement productif. En revanche, sous le système par répartition les cotisations des actifs se transformant directement en pensions financent plutôt la consommation des retraités. La mise en place du pilier capitalisé peut suivre différentes configurations. Aussi, l'État peut imposer des réglementations à ces fonds de pension dans le cas où le marché financier n'est pas assez développé, comme cela fût le cas au Chili en Argentine en Colombie et au Pérou. Dans d'autres pays, comme en Suisse et en Australie, ce pilier s'est développé au sein des entreprises.

Le troisième pilier, ou pilier supplémentaire, est un pilier qui reste facultatif et se

caractérise par une adhésion volontaire. Ce pilier a pour objet de permettre à ceux qui le souhaitent de se constituer une épargne plus confortable pour la retraite. Il est évident que l‘importance de ce pilier est amoindrie par l‘existence du second pilier, notamment si ce dernier oblige une grande partie des individus à épargner plus qu‘ils ne l‘auraient fait de façon volontaire.

Ce modèle global de réforme proposé par la Banque Mondiale présente une façon de partager les tâches entre un pilier public assurant un filet de sécurité ou la fonction de redistribution, et un pilier privé dont l'objectif est la constitution d‘une épargne pour la retraite reposant sur un renforcement de la composante assurance de la retraite. Le troisième pilier est un pilier supplémentaire facultatif et capitalisé. L‘organisation en plusieurs piliers peut être considérée comme un moyen de diversifier les risques. Bien que ce modèle maintienne un pilier public fonctionnant selon le principe de la répartition, il n‘en demeure pas moins que la capitalisation est appelée à jouer un rôle essentiel dans le financement des pensions. En

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somme cette réforme consiste essentiellement à privatiser le système par le biais de l‘introduction du financement par capitalisation assisté par un pilier qui fonctionne selon le principe de la répartition assumant une fonction redistributive réduite à assurer un filet de sécurité au travers du versement d'une pension minimale.

Le graphique 1 présente la structure d'un système de retraite à plusieurs piliers selon le modèle préconisé par le rapport de la Banque Mondiale (1994).

Graphique 1: La structure d'un système de retraite à plusieurs piliers

Le rapport de la Banque Mondiale (1994), a été publié à la suite de réformes des systèmes de retraite initiées dans certains pays. Le modèle qui y est proposé prend pour appui des exemples de réformes instaurées dans certains pays où l'introduction de la capitalisation a pris différentes formes et été mise en œuvre à des degrés divers. Aussi, si les réformes entreprises présentent la même structure générale (Graphique 1), elles se distinguent par des particularités souvent liées aux caractéristiques économiques du pays en question. Ces réformes portent l'empreinte du parti politique au pouvoir. Alors que les partis de droite cherchent à appuyer la capitalisation et la privatisation du système de retraite, les partis de

Source: Rapport de la Banque Mondiale (1994) Pilier Supplémentaire

Épargne volontaire

Pilier de Base

Par répartition géré par l'État pour financer la pension minimale

Pilier Complémentaire

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gauche développent son côté social et redistributif. Ainsi, la réforme chilienne a été conduite sans contestations (section 1) par le gouvernement militaire en place qui a réussi à imposer un pilier complémentaire à cotisations définies.

Les systèmes de retraite à plusieurs piliers feront l'objet de notre première section. Les expériences de réforme du système de retraite du Chili, du Royaume-Uni, de l'Australie et de l'Argentine seront présentées. Nous nous intéresserons aux particularités de ces nouveaux systèmes. La seconde section est consacrée à l'expérience de réforme de comptes notionnels implantée au Suède. Enfin, les réformes paramétriques du système par répartition sont présentées dans la troisième section, avec les expériences de la France et de l'Allemagne.