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Exp´ eriences et r´ esultats en mol´ ecule unique

Le fonctionnement de ce moteur est bien illustr´e par une s´erie d’exp´eriences de mol´ecule unique, particuli`erement ´el´egantes. Afin de pouvoir suivre sa position en fonction du temps, la kin´esine est marqu´ee en lui fixant, de mani`ere sp´ecifique ou non, une bille microm´etrique. On peut ainsi mesurer sa vitesse, ses ´ecarts `a la vitesse moyenne et son temps de persistance sur le microtubule, appel´e (( processivit´e )).

On peut aussi se servir de cette bille comme d’une (( poign´ee mol´eculaire )) : on pi`ege la bille `a l’aide d’une pince optique, faisceau laser fortement focalis´e. La bille, ´

etant di´electrique, est attir´ee par les forts champs ´electriques, donc par le point de focalisation du faisceau laser. En r´ealit´e, la bille est pi´eg´ee l´eg`erement apr`es

le point de focalisation dans le sens de propagation du faisceau dˆu `a la pression de radiation subie par la particule (pour une description compl`ete des pinces optiques, se r´ef´erer aux revues de Svoboda, Neuman et Block [52,53]). On oppose ainsi une force contrˆol´ee `a l’avancement de la kin´esine (figureI.11(a)). En premi`ere approximation, la pince optique agit comme un ressort de raideur ´equivalente κ. Sa force de rappel, dirig´ee vers le centre du pi`ege, est proportionnelle au d´eplacement impos´e ∆x (pour de faibles d´eplacements).

Force d’arrˆet et pas de la kin´esine Crevel et collaborateurs ont ainsi observ´e le mouvement d’une kin´esine5 unique lorsqu’elle est fix´ee `a une bille maintenue par des pinces optiques. On montre figure I.11(b), un enregistrement typique de cette exp´erience publi´ee en 1999 [51]. Entre t1 et t2, la bille a un mouvement brownien limit´e par le pi`ege optique. Vers t2, la kin´esine, coll´ee `a la bille, s’attache `a un microtubule d´epos´e `a la surface, et commence `a se d´eplacer. On observe que la prot´eine d´eplace la bille par une s´equence de pas discrets de 8nm environ (marqu´es par des fl`eches sur la figure I.11(b)). Au fur et `a mesure que la kin´esine se d´eplace dans le pi`ege entre t2 et t3, la force de rappel est augment´ee (car proportionnelle au d´eplacement) et on observe que la vitesse du moteur diminue. En effet, la vitesse de d´eplacement de la kin´esine diminue quasiment lin´eairement avec la force, depuis environ 1 µm · s−1 en l’absence de force jusqu’`a devenir nulle `a la force d’arrˆet. Cette force d’arrˆet est atteinte en t3 sur la figure I.11(b). A cette force, la kin´esine peut alterner pas en avant et pas en arri`ere, mais sa vitesse moyenne est nulle. La force d’arrˆet a ´et´e mesur´ee pour des kin´esines provenant de diff´erents organismes, elle est comprise entre 5 et 7 pN.

Finalement, en t4, la kin´esine se d´etache du microtubule provoquant le retour brusque de la bille au centre du pi`ege. La kin´esine est un moteur processif, c’est-`a-dire qu’elle peut enchaˆıner plusieurs pas sans se d´etacher compl`etement du microtubule. Ainsi, lorque l’on ne lui applique aucune force, la kin´esine effectue en moyenne une centaine de pas avant de se d´etacher du microtubule, ceci repr´esente un parcours de l’ordre d’un microm`etre.

D’autre part, les travaux publi´es en 1997 par Schnitzer et Block [54] ainsi que par Hua et al. [55] ont montr´e que la kin´esine hydrolyse une, et une seule, mol´ecule d’ATP par pas de 8nm. En particulier, Schnitzer et Block montrent que la vitesse du moteur kin´esine suit une loi de Michaelis-Menten en fonction de la concentration en ATP. Lorsque la concentration en ATP est limitante, le mouvement de la kin´esine est limit´ee par l’arriv´ee d’une mol´ecule d’ATP, sa vitesse est ralentie. Par contre, lorsque la concentration en ATP est saturante, alors c’est le temps n´ecessaire au cycle catalytique de l’enzyme qui limite le mouvement `a sa vitesse maximale.

Ces r´esultats permettent de faire le bilan ´energ´etique du pas de la kin´esine. La prot´eine est capable d’avancer contre une force, F , allant jusqu’`a 6 pN en-viron, en effectuant des pas de taille d = 8 nm. Ceci correspond `a un travail

m´ecanique W = F · d =48 pN · nm. On peut d´efinir et calculer le rendement de ce moteur mol´eculaire,ρ , comme ´etant le rapport entre le travail produit pour un pas et l’´energie disponible via l’hydrolyse d’une mol´ecule d’ATP par pas (EAT P →ADP +Pi ≈80 pN · nm) :

ρ = W

EAT P →ADP +Pi ≈ 60%.

Stochasticit´e Il est possible de s’affranchir de l’observation directe des pas, en analysant les fluctuations du mouvement. Pour un moteur processif, les fluctuations autour de la vitesse moyenne refl`etent la stochasticit´e sous-jacente de l’enzyme [56]. L’analyse de ces fluctuations peut r´ev´eler le nombre de sous-´etapes biochimiques limitantes pour effectuer le pas m´ecanique.

Si l’on consid`ere un moteur poissonien ayant effectu´e n(t) pas, alors la variance du nombre de pas, σ2

n, est ´egale au nombre moyen de pas, hn(t)i :

σn2 = hn2(t)i − hn(t)i2 = hn(t)i. (I.1)

Dans le cas d’un moteur comme la kin´esine, on mesure le d´eplacement x(t) = d · n(t). On peut calculer la variance de sa position en fonction du nombre de pas r´ealis´es :

σx2 = hd2· n2(t)i − hd · ni2 = d2· (hn2i − hni2). (I.2) D’apr`es le calcul pr´ec´edent (´equation I.1), si la kin´esine est un moteur poissonien, alors la variance de sa position vaut finalement :

σx2 = d2· hn(t)i = d · hxi. (I.3) On d´efinit le param`etre de stochasticit´e, r, comme ´etant le rapport entre la variance et le produit de la moyenne par la taille du pas :

r = hx2(t)i − hx(t)i2

d · hx(t)i (I.4)

Ainsi, d’apr`es l’´equation I.3, le param`etre de stochasticit´e d’un moteur poissonien, effectuant des pas de taille d, est ´egal `a 1.

Si maintenant le pas de taille d est effectu´e en N sous-´etapes de probabilit´es ´

egales, alors la taille effective du pas limitant est de d/N . Ainsi, la variance de la position vaut maintenant : Ndhxi, et le param`etre de stochasticit´e vaut :

r = d Nhx(t)i dhx(t)i = 1 N. (I.5)

Cette analyse statistique a ´et´e utilis´ee notamment par Schnitzer et Block [54] pour montrer que la kin´esine hydrolyse une mol´ecule d’ATP par pas. Ils obtiennent

(a) (b)

Figure I.12 – Structure de l’ADN double-brin : la double h´elice, l’enchaˆınement des bases.(a)Copyright : US National library of medecine.

un param`etre de stochasticit´e proche de 1 lorsque l’ATP est limitant. Dans ce cas, il y a une seule ´etape limitante pour effectuer un pas de 8nm : la liaison d’une mol´ecule d’ATP. Par contre, lorsque l’ATP est en concentration saturante, ils observent un param`etre de stochasticit´e d’environ 1/2. Dans ce deuxi`eme cas, il y a donc deux sous-´etapes limitantes.

2 Physique de l’ADN en mol´ecule unique