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Chapitre IV. Le vol des abeilles par régulation du flux optique

IV.2. Contrôle du vol horizontal : les régulateurs de flux optique latéraux

IV.2.1. Expérimentation

Remarques préliminaires

* Le protocole expérimental a été inspiré par les situations fondamentales du contrôle de vol vertical (voir IV.1.). Au suivi de terrain en vol vertical, nous avons associé le suivi de paroi en vol horizontal.

Afin de mettre en évidence la relation entre le suivi de paroi et la régulation du flux optique latéral, nous avons mis en place différentes situations expérimentales :

- observations de la trajectoire de suivi de paroi en fonction de la position initiale de l'abeille par rapport à la paroi,

- observations de la trajectoire de suivi de paroi en l'absence d'un flux optique latéral.

* La forme et les dimensions de l'enceinte de vol de l'abeille (corridor) ont été choisies de telle sorte que l'on puisse observer la trajectoire de l'abeille en régime permanent.

Description du corridor expérimental

Toutes les expériences ont été réalisées dans la propriété d'un apiculteur habitant aux alentours de Marseille (commune de Peypin : longitude 43°24' N, latitude 5°33' E, altitude : 336 m) pendant les mois de septembre et octobre 20051. Les températures2 durant la journée étaient de 20-31°C en septembre et de 18-23°C en octobre. Les expériences ont consisté à enregistrer des vols libres d'abeilles dans quatre conditions expérimentales. Le protocole expérimental est constitué d'un corridor rectangulaire relativement large (0,95 m) et long (3 m) (Figs. IV.2.1.A et IV.2.1.C.(a)). Les deux murs latéraux (hauteur : 0,25 m) sont tapissés d'un motif vertical périodique formant des créneaux de période spatiale ! = 10 cm en utilisant une colle3 sans solvant. Nous sommes sûrs que l'abeille peut le voir quelle que soit sa position latérale dans le corridor4, étant donnés les angles d'acceptance et inter-ommatidial de l'abeille, qui sont tous deux de l'ordre de 2,5° (Seidl et Kaiser, 1981 ; Horridge, 2003). Les bandes verticales grises et blanches présentent un contraste m = 0,41. Ce contraste a été mesuré dans la zone spectrale propre à la vision du mouvement de l'abeille (Kaiser et Liske, 1974) en utilisant un filtre optique Kodak vert (Wratten Nb 61, transmission maximale à 550 nm, largeur à mi-hauteur 50 nm).

Dans l'une des expériences, la partie centrale (de longueur 1,5 m) du mur de gauche pouvait être 1 Sur une durée de 3 semaines du 15 septembre 2005 au 6 octobre 2005.

2 Utilisation des données de la station météorologique de Peypin : http://membres.lycos.fr/meteopeypin/Releves.html 3 Colle Sader© Fortissimo à base de polymère MS.

enlevée (entre les abscisses X = 0,75 m et X = 2,25 m) pour créer une ouverture latérale (Fig. IV.2.1.C.(b)) offrant à l'abeille un flux optique gauche négligeable vis-à-vis de son flux optique droit. Cette ouverture était orientée vers la vallée (Fig. IV.2.1.D.(a)) et localisée à !15 m du pin le plus proche (Fig. IV.2.1.D.(b)). Le tronc de ce pin, que l'abeille pouvait voir, généré un flux optique de seulement 4°/s (voir colonne !L dans Tab. IV.2.2.1.).

La surface en bois brut du sol est texturée d'une peinture blanche acrylique pour maximiser le contraste optique de l'insecte par rapport au sol lors des acquisitions vidéo. Le corridor est recouvert d'une moustiquaire transparente favorisant une ventilation efficace du corridor et refermé de part et d'autre par des planches blanches. Les abeilles entrent dans le corridor par l'une des trois ouvertures (gauche : EL, centrale : EC, ou droite : ER) faites sur la moustiquaire (Fig. IV.2.1.C.(a)) avec une vitesse d'avance quasiment nulle.

Fig. IV.2.1.A. Droite : tunnel à abeilles vue de face sur son lieu d'installation à Peypin. Gauche : vue en contrebas du corridor faisant apparaître la partie centrale détachable. Un parasol permet de tamiser la lumière du Soleil, ce qui rend le fond lumineux de la caméra numérique relativement homogène.

Fig. IV.2.1.B. Entraînement des abeilles. Les bonbons au miel sont placés de plus en plus profondément dans le tunnel de manière à imposer aux abeilles de s'aventurer jusqu'à son extrémité. En arrière plan, Guillaume MASSON, qui a participé largement aux expériences lors de son stage de fin d'études à l'INSA de Lyon.

Fig. IV.2.1.C. (a) Corridor expérimental (3x0,95x0,25 m). Les abeilles entrent par l'une des trois ouvertures (gauche : EL, centrale : EC, ou droite : ER) et sont récompensées à l'une des trois positions de la source de nectar artificiel (RL, RC, et RR). Une caméra numérique à haute résolution, placée à 2,20 m au dessus du corridor, enregistre à 20 images par seconde sur une distance de 1,5 m, les trajectoires d'abeilles volant librement. Une moustiquaire transparente est tendue sur le tunnel. Les murs sont recouverts d'un motif périodique d'alternance de bandes verticales grises et blanches (période spatiale % = 10 cm, contraste optique m = 0,41). (b) Dans l'une des expériences, la partie centrale (de longueur 1,5 m) est retirée afin que le flux optique gauche généré durant le vol aller des abeilles soit négligeable vis-à-vis du flux optique droit (voir légende Fig. IV.2.1.D). (c) Vue de dessus d'une abeille volant avec un vecteur vitesse V le long d'un corridor rectiligne. & représente l'angle de lacet du corps de l'abeille par rapport à l'axe du tunnel, x son abscisse, y son ordonnée, Vx et Vy sont les composantes du vecteur vitesse par rapport au tunnel. yL et yR, sont les ordonnées respectives des murs gauche et droit. DL = yL-y et DR=y-yR sont les distances respectives du corps de l'abeille par rapport aux murs gauche et droit.

Fig. IV.2.1.D. Vue latérale et vue de dessus du dispositif expérimental (Fig. IV.2.1.A). Le mur gauche du corridor est orienté vers la vallée. Lorsque la partie centrale du mur de gauche est retirée, le champ de vue de l'abeille par rapport au centre du corridor s'étend de 30° verticalement et de 115° horizontalement.

(a) Coupe verticale A-A. Le panorama vallonné extérieur est vert et le tronc des pins est marron foncé.

(b) Vue de dessus du dispositif expérimental. Les disques noirs représentent la position et le diamètre de chacun des pins les plus proches dans le champ visuel gauche. Par exemple, le pin le plus proche (flèche noire) est situé à une distance DL = 14,6 m et à un angle azimutal ' = 78° génèrant un flux optique gauche relativement faible !tree = 12°/s (!tree =V.sin' /DL calculé avec la vitesse maximale de l'abeille V = 3m/s). Tous les autres arbres génèrent un flux optique bien inférieur à !tree.

Entraînement des abeilles

Les expériences sont réalisées à l'extérieur par temps ensoleillé et en l'absence de vent. La ruche la plus proche se trouve à !15 m du couloir. Pour chaque expérience, les abeilles sont entraînées, en

présence des deux murs, à pénétrer dans le tunnel par l'une de ses trois ouvertures (entrée droite :

ER, centrale : EC, gauche : EL), ce choix variant d'une expérience à l'autre. Les abeilles sont nourries pendant trois jours avec une récompense à base de bonbons au miel placée dans une assiette blanche ; celle-ci est déplacée au fur et à mesure de plus en plus vers le fond du corridor (Fig. IV.2.1.B.). Ensuite, les bonbons au miel sont remplacés par de l'eau sucrée1 pendant deux jours supplémentaires afin d'exclure tout indice olfactif. La récompense à base d'eau sucrée est toujours placée au fond du corridor sur l'une des trois positions (récompense à droite : RR, au centre : RC, à gauche : RL). Suite à cette période d'entraînement, on enregistre la trajectoire d'abeilles se présentant une à une dans le champ de vue de la caméra.

Enregistrement vidéo et analyse des trajectoires de vol

Seules les trajectoires de vol vers la récompense sont filmées, à 20 images par seconde, avec une caméra numérique CMOS noir et blanc de haute résolution (Prosilica™ EC1280 : 1280x1024 pixels) positionnée à 2,20 m au dessus du sol du corridor (Fig. IV.2.1.A,C). Les données sont stockées sur un PC portable équipé d'un logiciel d'acquisition de séquences d'images (logiciel

VisionStage™ : http:// www.alliancevision.com). Le champ de vue de la caméra est ajusté pour couvrir une longueur de 1,5 m et une largeur de 0,95 m centré sur le corridor. L'ouverture de l'objectif est ajustée pour que sa profondeur de champ couvre toute la hauteur du corridor. L'aire couverte par la caméra est 64 fois plus grande que celle couverte lors des travaux réalisés par l'équipe australienne (Kirchner et Srinivasan, 1989; Srinivasan et al., 1991). La résolution de notre caméra est si bonne qu'elle permet d'enregistrer une « image de corps d'abeille » sous la forme d'une ellipse orientée de !14 pixels de long et de !8 pixels de large. Les séquences d'images sont ensuite empilées pour former des chronophotographies, puis calibrées et seuillées avec une macro ImageJ (logiciel libre d'analyse et de traitement d'images développé sous licence GNU/GPL :

http://rsb.info.nih.gov/ij/). Chacune des 156 trajectoires ainsi enregistrées est alors traitée avec un script Matlab™ qui détermine sur chaque image d'abeille : l'ordonnée y, l'abscisse x, et l'angle de lacet ! par rapport à l'axe longitudinal du corridor (Fig. IV.2.1.C.(c)). Les détails méthodologiques relatifs à l'enregistrement et la reconstruction des trajectoires sont décrits dans les rapports de projet de fins d'études de G. Masson (2006) et M. Ogier (2007).

Analyses statistiques

Pour chaque trajectoire, la vitesse d'avance instantanée Vx de l'abeille à l'abscisse x est calculée en appliquant une dérivée filtrée, fenêtrée sur quatre points. Chaque trajectoire enregistrée est résumée en une ordonnée moyenne et une vitesse d'avance moyenne sur la longueur (1,5 m) du champ couvert par la caméra. Les analyses statistiques sont réalisées au moyen du logiciel « R » (logiciel libre d'analyses statistiques développé sous licence GNU/GPL : http://www.r-project.org/). On utilise des tests de Student (tests-t) pour comparer deux distributions. Le niveau de signification pour distinguer des différences est pris à !!0,05. Lorsque les jeux de données sont comparés plus d'une fois, le niveau de signification est corrigé en appliquant une correction de Bonferroni : (c

=0,05/N (N : nombre de comparaisons).