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Expériences en torsion

Nous avons ici étudié l’effet de l’ajout du bromure d’éthidium dans la solution sur le comportement mécanique en torsion de l’ADN double brin. À une concentration de 2, 5 µM, on observe des courbes extension en fonction du nombre de tours très diffé- rentes de celles sans bromure d’éthidium (cf figure 5.2). Le premier effet observé sur les courbes « en cloche » obtenues à basse force est un décalage des courbes vers les tours négatifs, et une augmentation de la longueur de la molécule. Ces observations s’interprètent par le fait que l’ajout de bromure d’éthidium induit une augmentation du pas de la molécule d’ADN, ce qui revient comme la bile ne tourne pas ajouter des tours négatifs à la molécule. Il en résulte donc un décalage vers les tours négatifs. On a égale- ment une augmentation du maximum d’extension, effet qui caractérise l’augmentation de la longueur de l’ADN, liée à l’intercalation de bromure d’éthidium.

Toujours en présence de 2, 5 µM d’EtBr, un autre type de phénomène est observé : le comportement différent en torsion de la molécule d’ADN. En effet sans bromure d’éthidium on observe trois régimes distincts (cf figure 5.2 à gauche) : (i) pour des forces F < 1 pN ou le couple exercé sur la molécule est faible, la courbe est symé- trique par rapport au zéro de rotation1. En sur-enroulement et en sous-enroulement,

on observe la formation de plectonèmes qui diminuent l’extension de la molécule. Ce sont des structures qui rappellent l’allure d’un cordon téléphonique entortillé [116]. (ii) pour des forces 1 pN < F < 4, 5 pN, le comportement devient dissymétrique. Si le nombre de tours est positif, on observe toujours une diminution de l’extension due à l’apparition de plectonèmes. Si le nombre de tours est négatif, l’énergie de torsion est absorbée par l’apparition des bulles de dénaturation : des bases appariées se séparent

Expériences en torsion 71

Figure 5.2 - Courbes extension en fonction du nombre de tours en l’ab- sence et en présence de bromure d’éthidium. À gauche, courbes sans bro- mure d’éthidium, à droite courbe en présence de 2, 5 µM de bromure d’éthidium. Pour la courbe sans bromure d’éthidium, on retrouve les trois régimes (cf texte) : pour F < 1 pN (courbes noires) plectonème-plectonème, pour 1 pN < F < 4, 5 pN (courbes gris clair) dénaturation-plectonème, pour F > 4, 5 pN (courbes gris foncé) dénaturation-forme P. Pour la courbe en bromure d’éthidium, on observe également trois régimes : un à basse forces (F < 1 pN, courbes noires ) pour lequel il y a une courbe qui semble approximativement symétrique, ce comportement est typique des plectonèmes. Un à force intermédiaire : (1 pN < F < 4, 5 pN, courbes gris clair), pour lequel il y a encore des plectonèmes pour les tours positifs, pour les tours négatifs, on rencontre une région pour laquelle les courbes semblent convergentes vers 0. enfin une troisième région à haute force (F > 4, 5 pN, courbes gris foncé), pour laquelle il n’y a plus de plectonème dans les tours positifs, et plus de convergence dans les tours négatifs.

pour ouvrir la double hélice [116]. (ii) pour 4, 5 pN < F < 15 pN, la courbe reste à une valeur quasi constante : si le nombre de tours imposés est négatif, nous avons toujours l’apparition des bulles de dénaturation. Par contre pour les tours positifs, nous avons apparition d’une forme de l’ADN dite « forme P », forme hélicale supposée avoir les bases éjectées vers l’extérieur de l’hélice et le squelette phosphaté vers l’intérieur [116]. En présence de bromure d’éthidium, on retrouve trois régimes distincts. (i) Pour une force F < 1 pN, on retrouve une courbe approximativement symétrique par rapport à l’abscisse N0 = −280 tours, avec diminution de l’extension en sur-enroulant et en sous-

enroulant par rapport à cette valeur N0. Cela semble pouvoir être associé à la formation

de plectonèmes. (ii) On rencontre pour les forces intermédiaires (1pN < F < 4, 5 pN) un régime où les courbes semblent convergentes vers une extension nulle. Ce régime

ressemble fortement à celui décrit au chapitre 4, où lorsqu’on a formé une jonction de Holliday, les courbes convergent vers un point unique, à longueur nulle, et cela pour des tours négatifs. Cette ressemblance nous fait penser que nous avons peut-être induit ici une forme analogue à celle d’une jonction de Holliday. Pourtant pour former une jonction de Holliday, nous avons besoin d’une molécule d’ADN symétrique, ce qui n’est pas le cas ici. (iii) Pour des forces F > 4, 5 pN, le comportement n’a pas encore été bien caractérisé dans le détail.

Pour interpréter cette analogie de comportement avec celui d’une jonction de Hol- liday, nous proposons le modèle suivant : lorsqu’il y a dénaturation (c’est-à-dire pour des forces 1pN < F < 4, 5 pN), des formes supposées de jonction, stabilisées par le bromure d’éthidium, se forment à des positions aléatoires dans la molécule, les bases n’interagissant pas au sens de Watson-crick (cf figure 5.3). On présente plus loin des expériences démontrant effectivement une forte attraction intrabrin de l’ADN simple brin en présence de bromure d’éthidium.

Figure 5.3 - Modèle de formation de « jonctions » en présence de bro- mure d’éthidium. La molécule de gauche n’est pas symétrique (non palindro- mique), sur la molécule de droite les bases qui interagissent sur les bras latéraux ne sont pas appariées au sens de Watson Crick. On suppose que le bromure d’éthi- dium induit une attraction interbrin, où il n’est pas nécessaire que les brins en regard présentent une base C en face d’une base G ou une base A en face d’une base T.

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