• Aucun résultat trouvé

Un analogue des chondrites ordinaires.

II- Les expériences à haute température

II-1-Résumé

Croissance cristalline dans le système Forstérite-Nickel : Analogues des petits corps parents accrétés tôt dans l’histoire du système solaire.

La plupart des météorites proviennent le plus souvent de corps parents accrétés tôt dans l’histoire du système solaire, faisant d’elles de formidables témoins des processus physico-chimiques qui étaient susceptibles de se produire à cette époque. Parmi ces météorites, certaines sont indifférenciées et sont composées d’un mélange homogène de

130

silicate et de métal (+ quelques phases mineures) sans quelconque trace de fusion partielle. Malgré cette caractéristique, ces météorites dites « primitives » (ou chondrites) ont une histoire thermique propre. En effet, selon la taille du corps parent (jusqu’à quelques centaines de km de diamètre), sa date d’accrétion mais aussi selon la profondeur de l’échantillon, celui- ci sera chauffé plus ou moins par les éléments radioactifs de courtes périodes de l’époque tels que Al26 et/ou Fe60 (respectivement T1/2=700 ky and 1.5 Ma). Les chondrites sont ainsi

classées en type pétrologique, de 3 à 6-7, selon le degré de métamorphisme (~la température maximum) qu’elles ont connu. Ainsi, en se référant à un modèle de corps parent en « pelure d’oignon », les types 3, plus froids, proviennent de la surface alors que les types 6, plus chauds, viennent de plus profond dans le corps. Aujourd’hui, cette distinction en type pétrologique est principalement basée sur la chimie, minéralogie et pétrologie des silicates, alors que les textures (silicates et métaux) ont reçu moins d’attention. En conséquence de quoi, cette échelle est devenue très précise pour les types 3 (3.0 à 3.9) alors que les autres types pétrologiques, là ou la température et le temps passé à haute température augmentent significativement, ne connaissent aucune distinction au sein d’un même type. Seules les datations sur l’âge de fermeture de certains minéraux peuvent jusqu’alors discerner deux échantillons d’un même type (pour les 4, 5 et 6). Pourtant, il a été montré dans le chapitre 1 que les textures (forme et taille des grains) des métaux et sulfures dans des chondrites de types H évoluaient à la fois entre le type pétrologique mais aussi au sein d’un même type. Ces données sont en accord avec les âges de fermeture de ces mêmes échantillons.

L’évolution de la taille des grains notamment est un paramètre clé pour comprendre et préciser les processus physiques qui peuvent avoir lieu dans ces petits corps. Elle dépend de la nature même du système, de la température, du temps, de l’environnement chimique, de la pression… Ainsi, nous avons réalisé une étude expérimentale de croissance cristalline sur 4 systèmes Forstérite : Nickel différents, analogues très simplifiés de météorites,

131

(respectivement en vol%, 95:5, 80:20, 30:70 et 10:90), de grains isolés (Fo ou Ni) à l’évolution de grains interconnectés entre eux formant une matrice (Fo ou Ni).

D’un point de vue théorique, deux types de croissance cristalline peuvent être observées : la croissance normale (NGG) et la croissance anormale (AGG). La croissance normale se caractérise par une augmentation uniforme de la taille des grains avec le temps, dans le but de réduire l’énergie interne du système par la migration des joints de grains. Ce type de croissance (NGG) se caractérise aussi par une distribution de taille de grain normalisée à la taille moyenne à la fois étroite et indépendante du temps. Dans ce cas là, la croissance est décrite par l’équation suivante dnd0n =kt où d0 est la taille de grain initial, d

est la taille au temps t, n est l’exposant de croissance et k est le taux de croissance décrit tel

que :       × = RT Q k

k 0 exp où R est la constante des gaz parfait, T est la température en Kelvin,

Q est l’énergie d’activation et k0 est une constante. La croissance anormale, quant à elle, se caractérise par une augmentation brutale de la taille de quelques grains telle que la distribution normalisée évolue avec le temps et atteigne de valeur maximum (d/dmoyen)max>5. Dans ce cas là (AGG), il n’existe pas de loi pour quantifier et préciser la croissance. Ainsi, le but de l’étude est de déterminer les paramètres n et k et de les comparer à des modèles théoriques afin d’identifier les mécanismes de croissance. Cependant, un problème de taille existe : une même valeur de n peut renvoyer à plusieurs mécanismes. Dans cas là, la distribution de taille de grain normalisée (NGSD) à la taille moyenne (d/dm) peut aider à déterminer les mécanismes de croissance.

D’un point de vu expérimental, ces agrégats polyphasés et polycristallins sont synthétisés à partir de poudres (cf Chapitre 2). Les expériences de recuit sont conduites dans un four verticale 1-bar sous atmosphère contrôlée CO/CO2 telle que f(O2)=10-8.8 atm soit 3.5 unités log en dessous du tampon Ni-NiO, entre 2 heures et 21 jours. Les échantillons sont

132

ensuite observés en microscopie électronique à balayage (MEB) après reconstruction de la surface polie. La taille des grains est calculée telle que le diamètre du disque ayant la même aire que les grains. Entre 500 et 1000 grains sont mesurés pour avoir une statistique robuste et les distributions de taille des grains sont à la fois « brutes » (2D) et corrigées de l’effet de coupe (3D).

Les textures montrent une distribution homogène de chacune des phases quelque soit le temps de recuit. Quand une phase a ces grains isolés, ceux-ci sont sphériques alors qu’ils ont des formes polygonales quand la phase est interconnectée. Les textures montrent clairement des évidences de croissance cristalline, notamment via les variations des rayons de courbure des joints de grains. En effet, la taille moyenne relative des grains (d/d0) augmente

uniformément avec le temps pour trois des quatre échantillons, à savoir Fo :Ni (95:5, 80:20 et 30:70) et atteint des valeurs entre 1.5 et 3 selon la phase considérée, et sa proportion dans l’échantillon. Dans le dernier mélange, Fo :Ni (10:90), il n’y a pas de croissance de la forsterite alors que celle du nickel semble très irrégulière. En analysant la distribution de taille de grain normalisée pour cet échantillon, celle-ci évolue dans le temps et atteint même des valeurs de (d/dm)~10, caractéristique d’une croissance anormale (AGG). En revanche, pour

les trois autres échantillons Fo+Ni (95:5, 80:20 et 30:70), les distributions de taille de grains de chaque phase ont les caractéristiques d’une croissance normale (NGG), ce qui permet d’utiliser la loi classique décrivant la croissance cristalline : dnd0n =kt. L’exposant de

croissance n varie entre 3.56 et 5.6 et il n’y a pas de corrélation entre n et la proportion en Fo, respectivement Ni dans l’échantillon. Ces valeurs sont typiques d’échantillons biphasés et on ne peut raisonnablement distinguer un exposant 4 d’un exposant 5. Concernant le taux de croissance k, celui-ci dépend de la proportion de la phase concerné dans l’échantillon : il augmente de 3 ordres de grandeur quand la proportion de Ni passe de 5 à 70 % par exemple.

133

L’identification des mécanismes de croissance passe par l’analyse de la distribution de taille des grains normalisée à la taille moyenne (NGSD). Ces distributions sont en générales mieux représentées par une distribution log-normale que par une distribution de type Rayleigh. De manière générale, les NGSD présentent des pics de fréquence pour des valeurs d/dm=0.4-1.2 et des valeurs (d/dm)min et (d/dm)max respectives de 0.1-0.2 et 2-4.5. La forme de

ces distributions varie assez fortement selon les phases et même pour une même phase en fonction de sa proportion dans l’échantillon. Pour la forsterite dans tous les échantillons et pour le nickel dans Fo :Ni (30:70), les NGSD montrent une croissance par migration des joints de grains alors que les NGSD du nickel dans Fo :Ni (95:5 et 80:20) ont des caractéristiques typiques d’une croissance par coalescence. Enfin, vu que les exposants de croissance sont sensiblement les mêmes entre Fo et Ni dans un même échantillon, on peut supposer raisonnablement que la croissance de chaque phase est limitée par celle de l’autre.

Ces données expérimentales ont été comparées à d’autres lois de croissances de l’olivine et du nickel en les extrapolant dans le temps. Pour la forsterite, il s’avère que nos données sont les plus proches de celles de Nichols et Mackwell (1991) faites sur le système olivine + pores. Dans les autres cas, la croissance est très rapide, notamment pour Karato

(1986) et ces expériences sur olivine pure avec n=2-3. Pour le Nickel, aucune loi préexistante

sur le système pure ne coïncide avec nos données et notamment l’exposant n qui varie respectivement de 2 à 4-5 (Yoshino et Watson, 2005).

Des évolutions texturales ont été observées pour les phases riches en fer des chondrites ordinaires de type H. Les résultats du chapitre 1 montrent des caractéristiques semblables à celles observées dans les échantillons synthétiques : les distributions de tailles de grains montrent des évidences de croissance normale et les NGSD ont des formes typiques de croissance par coalescence.

134

Finalement, la caractérisation de la croissance cristalline dans les systèmes Forsterite + Nickel montrent des mécanismes différents selon les phases, mais aussi un lien étroit entre elles, puisqu’elle limite la croissance de l’une envers l’autre. De plus, plus une phase est présente plus elle croit rapidement. D’autres expériences à d’autres températures permettraient de contraindre mieux l’histoire thermique du corps parents des chondrites de type H (voir deuxième partie du chapitre, III-3).

II-2-Article 3 : Grain growth in forsterite-nickel mixtures: analogs of small parent

Documents relatifs