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étude de Schomaker et Plamondon (1990) qui a montré qu’aucune relation générale, telle que la loi en puissance 1/3 pour la vitesse, n’existe entre ces paramètres gestuels (pression et angle) et la géométrie de chaque forme. De plus, comme les sujets qui ont passé le test n’avaient pas dessiné les formes eux-mêmes, ils n’ont pas pu établir de relation entre des potentiels indices acoustiques liés à ces paramètres gestuels et la géométrie, ce qui aurait pu éventuellement permettre d’augmenter encore plus le taux de reconnaissance pour les sons enregistrés.

Ce résultat soutient le fait que le profil de vitesse constitue l’information principale utilisée pour la reconnaissance de formes géométriques par le biais du son. En particulier, les événements singu-liers tels que les silences, correspondant à des vitesses nulles, ont pu être la cause des forts taux de reconnaissance. Du point de vue cognitiviste, on peut donc faire l’hypothèse que notre capacité à associer des sons à une forme géométrique se base sur un modèle interne du geste évoqué par la perception visuelle de la forme et la perception auditive des variations de timbre évoquant le profil de vitesse du geste.

Enfin, dans cette expérience, les forts taux de réussites ont été obtenus pour un corpus de formes relativement distinctes compte tenu de la présence ou non de point de rebroussement et par consé-quent du geste produit pour dessiner ces formes. Dans l’expérience suivante, notre but était d’éva-luer si les associations entre sons de frottement et formes géométriques étaient encore possible pour des formes plus proches du point de vue géométrique, et aussi du point de vue gestuel, c’est-à-dire sans la présence de points de rebroussement créant des indices acoustiques (i.e. des silences) très saillants.

2.5 Expérience 3 - Discrimination auditive de formes géométriques proches

2.5.1 Méthode

La procédure et l’analyse des données étaient les mêmes que pour l’expérience 2.

Participants

18 participants volontaires d’âge moyen de 31.56 ans (SD = 13.73) ont pris part à cette expérience (8 femmes). 11 sujets étaient naïfs aux objectifs de la recherche avant de participer à l’expérience. 7 sujets ont également participé à l’expérience 1 et 17 à l’expérience 2.

Stimuli

Formes statiques. Comme pour l’expérience précédente, des tests informels ont été réalisés afin de

choisir le corpus de formes géométriques et les sons à partir de critères perceptifs. En particulier, les formes choisies ne présentaient plus de point de rebroussement, dans l’hypothèse où elles seraient moins facilement discriminables du point de vue perceptif. En conséquence, le cercle et l’ellipse ont été conservés pour cette seconde expérience, tandis que le trait et les arches ont été remplacés par des boucles et un lemniscate, formes ne présentant aucun point de rebroussement. Les quatre formes sont présentées sur la figure 2.5(a).

Sons enregistrés. Les stimuli correspondant aux cercles et aux ellipses sont les mêmes que dans l’expérience 2. Pour les boucles et les arches, les sessions d’enregistrement se sont déroulées dans les mêmes conditions que celles de l’expérience 2. De même, les séquences correspondant à quatre périodes des sons enregistrés ont été sélectionnées sur la base des caractéristiques géométriques et temporelles du scripteur, et sont décrites dans la table 2.3. La figure 2.5(b) présente les profils de

62 Chapitre 2 : Des sons aux formes

(a) Corpus de formes choisi pour

l’ex-périence 3 (b) Profils de vitesse des formes del’expérience 3

FIGURE2.5 – Formes et profils de vitesse associés de l’expérience 3 – Figure issue de Thoret et al.

(2014c).

vitesse sur une période des quatre formes. Il est important de noter que ces quatre profils sont plus proches les uns des autres que ceux de l’expérience 2. Si notre hypothèse est vérifiée, cela devrait impliquer plus de confusions perceptives entre les sons. Seul le cercle semble avoir toujours un profil de vitesse réellement distinct des trois autres formes.

Sons de synthèse. Les sons de frottement synthétiques ont été générés à partir des profils de vitesse enregistrés à l’aide de la tablette graphique en utilisant le même modèle de synthèse que dans les expériences 1 et 2.

TABLE2.3 – Caractéristiques géométriques et temporelles des séquences choisies pour l’expérience 3

Forme Longueur théorique Longueur Durée

(cm) (cm) (secondes) Cercle 62.02 62.5 5.2 Ellipse 92.04 89.32 5.8 Lemniscate 147.48 145.46 5.6 Boucles 90.73 92.1 5.4 2.5.2 Résultats

Les résultats, présentés en table 2.4, révèlent que les sons ont été concrètement associés aux formes avec des taux de réussite significativement supérieurs à la chance à la fois pour les sons de synthèse et les sons enregistrés, exceptés dans le cas des boucles pour les sons enregistrés avec un taux de réussite de seulement 29.17% (p ă .001 pour chaque forme excepté pour les boucles, dcercle “ 6.12 ; dellipse “ 0.53 ; dlemniscate “ 1.26 ; dloops “ 0.13 pour les sons enregistrés, dcercle ą 100 ; dellipse “ 1.30 ; dlemniscate “ 2.23 ; dboucle “ 0.7 pour les sons de synthèse). Le cercle et le lemniscate présentent les plus hauts taux de réussite et aucune confusion avec les autres formes n’a été observée. A l’inverse, les ellipses et les boucles, bien que leurs taux de réussite soient au dessus de la chance statistique, ont été confondues à la fois pour les sons enregistrés (51.39% et 45.83%) et pour les sons de synthèse (45.83% et 43.06%). Ces taux d’association ne diffèrent pas significativement les uns des autres que ce soit pour les sons enregistrés, tp17q “ 0.73 ; p “ .47 et tp17q “ 1.89 et p “ .22, ou pour les sons de synthèse, tp17q “ 0.77 ; p “ .66 et tp17q “ 0 ; p “ 1.

2.5 Expérience 3 - Discrimination auditive de formes géométriques proches 63 Les résultats révèlent également que les matrices d’associations des résultats pour les sons de synthèse et des sons enregistrés sont significativement corrélées, rp4q “ .94, p ă .001. De plus, pour chaque forme les tests de Wilcoxon montrent que les taux de réussite ne diffèrent pas entre les deux types de sons (Circle : z “ ´1, p “ 1 ; Ellipse : z “ ´.99,p “ .32 ; Lemniscate : z “ ´1.348,p “ .18 ; Boucle : z “ ´1.29, p “ .20). Cela révèle, comme pour l’expérience 2, que les deux types de sons ont procuré des taux d’associations similaires.

TABLE2.4 – Matrices d’association sons/formes – Moyennes et erreurs standards en pourcentage – Expérience 3. Les taux d’association supérieurs à la chance (25%) sont notés en gras. Le niveau de significa-tivité des comparaisons à la chance est noté : *p ă .05, **p ă .01, ***p ă .001

Sons enregistrés

Forme Cercle Ellipse Lemniscate Boucles

Cercle 97.22˚˚˚ 2.78 - -SE 3.9 3.9 - -Ellipse - 41.67˚˚˚ 6.94 51.3˚˚˚ SE - 11.7 6.03 11.86 Lemniscate 2.78 9.72 68.06˚˚˚ 19.4 SE 3.9 7.03 11.07 9.39 Boucles - 45.83˚˚˚ 25 29.17 SE - 11.83 10.28 10.79 Sons synthétisés

Forme Cercle Ellipse Lemniscate Boucles

Cercle 100˚˚˚ - - -SE 0 - - -Ellipse - 50˚˚˚ 4.17 45.83˚˚˚ SE - 11.87 4.74 11.83 Lemniscate - 6.94 81.94˚˚˚ 11.1 SE - 6.03 8.55 7.46 Boucles - 43.06˚˚ 13.89 43.06˚˚ SE - 11.75 8.21 11.75 2.5.3 Discussion

Les résultats de cette expérience confirment ceux de l’expérience 2, le cercle a toujours été par-faitement associé au bon son à la fois pour les sons de synthèse et les sons enregistrés bien que les trois autres sons se discriminent moins aisément du point de vue perceptif. Cependant, les taux de réussite pour l’ellipse sont inférieurs à ceux de l’expérience 2. De plus, les résultats révèlent des confusions entre les boucles et l’ellipse. Le lemniscate a été bien identifié dans l’ensemble, malgré quelques confusions avec les boucles et l’ellipse. Ces confusions peuvent s’expliquer par la proxi-mité des profils de vitesse de ces différentes formes, voir figure 2.5(b). Finalement, aucune différence

64 Chapitre 2 : Des sons aux formes entre les résultats obtenus pour les sons enregistrés et les sons synthétisés à partir du profil de vitesse n’a été mise en évidence. Cependant, bien que les différences ne soient pas significatives, on peut no-ter que les sons de synthèse ont procuré des taux de réussite plus grands que les sons enregistrés, en particulier dans le cas de l’ellipse pour laquelle la différence entre les taux de réussite est supérieure à 10%.

Ces résultats renforcent ceux de l’expérience 2 concernant la pertinence du profil de vitesse dans l’intégration auditive du geste sous-jacent à un son de frottement. Cependant, les confusions obser-vées entre les ellipses et les boucles dans l’expérience 3 montrent que cette information n’est pas suffisante pour discriminer l’intégralité de n’importe quelle forme géométrique, et en particulier pour discriminer les formes avec des géométries proches. Cette confusion va dans le sens de la loi en puissance 1/3 qui stipule que la vitesse du geste est contrainte par la courbure de la forme dessinée. Ainsi, puisque les ellipses et les boucles ont des géométries proches et donc des courbures similaires, les profils temporels de vitesse générés en les dessinant ne se distinguent pas suffisamment pour reconnaître ces formes à travers les sons.