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EXHAUSTIVITE DE L’INFORMATION

EXHAUSTIVITE DE L’INFORMATION

29. Aspects extra-médicaux. L’information que le chirurgien esthétique doit fournir

au patient doit être une information exhaustive. Elle dépasse ainsi le cadre strictement médical et chirurgical, pour englober également des aspects extra-médicaux. Cette exhaustivité est devenue obligatoire en vertu de l’arrêté du 17 octobre 1996 relatif à la publicité des prix des actes médicaux et chirurgicaux à visée esthétique, suivi par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

L’article 1er de l’arrêté susmentionné initié par le Conseil national de la consommation, et modifié par l’arrêté du 11 septembre 2001, dispose que : « pour toute

prestation à visée esthétique, dont le montant estimé est supérieur ou égal à 300 euros ou comportant une anesthésie générale, le praticien remet un devis détaillé. Les autres prestations à visée esthétique doivent également donner lieu à un devis détaillé lorsque la personne examinée le demande »80. Le contenu de ce devis, à savoir le contenu de l’information, est précisé par l’article 2 dudit arrêté.

La loi du 4 mars 2002 a énoncé dans l’article 11 les dispositions spéciales concernant l’information du patient en chirurgie esthétique en apportant des modifications au Code de la Santé Publique (CSP). A cet effet, l’article L.6322-2 CSP modifié par la loi susmentionnée indique que « pour toute prestation de chirurgie

esthétique, la personne concernée, et, s’il y a lieu, son représentant légal, doivent être informés par le praticien responsable des conditions de l’intervention, des risques et des éventuelles conséquences et complications. Cette information est accompagnée de la remise d’un devis détaillé ».

Ainsi, le chirurgien esthétique est tenu d’une obligation spéciale d’information délivrée au patient en vertu d’un devis écrit préalablement à l’opération esthétique. Le devis est également lié à un délai de réflexion qui permet au patient de prendre sa décision en toute connaissance de cause. Ce délai obligatoire est fixé, en vertu de l’article D. 6322-30 du Code de la Santé Publique, à 15 jours. Par conséquent, outre les

55 mentions d’ordre médical, l’information délivrée par le chirurgien esthétique doit contenir également des mentions d’ordre extra-médical. L’information exhaustive comprend ainsi des mentions d’ordre administratif (section I) et technique (section II).

SECTION I

EXAUSTIVITE SUR LE PLAN ADMINISTRATIF

30. Chirurgien et établissement. Sur le plan administratif, l’exhaustivité concerne,

d’une part, les informations personnelles relatives au chirurgien esthétique en sa qualité professionnelle, et d’autre part l’établissement où l’intervention aura lieu. Ainsi, selon l’article 2, alinéas 1 et 3, de l’arrêté du 17 octobre 1996, le devis obligatoire doit comporter « le nom, l’adresse, le numéro d’inscription au Conseil départemental de

l’ordre des médecins, la qualification dans une spécialité (y compris la médecine générale) et/ou la compétence exclusive en chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique délivrée par le Conseil national de l’ordre des médecins et l’existence ou non d’une assurance en responsabilité civile professionnelle du praticien, le garantissant de l’acte prévu… le lieu d’exécution de la prestation en précisant pour les établissements de santé privés, le numéro d’agrément délivré par la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales ». La mention de la police d’assurance doit indiquer les références relatives au numéro de la police et de la compagnie d’assurance81. Cette exigence a été affirmée de même par le Conseil d’Etat qui estime que l’obligation de renseignement doit porter sur les données administratives et hospitalières82.

81 Projet de rapport par les collèges des consommateurs et des professionnels du CNC sur l’information

du consommateur dans le secteur de l’esthétique médicochirurgicale, JO 29 oct. 1996, p. 15790.

82CE sect., 11 janv. 1991, Biancale, n° 93348, http://www.legifrance.gouv.fr, mis à jour le 02/04/2012,

consulté le 02/04/2012 : « Considérant que le transfert de Mme Marie-Thérèse X... dans une unité de long

séjour avait pour conséquence une augmentation très importante des dépenses d’hospitalisation qui devaient en tout état de cause rester à sa charge; qu’il résulte de l’instruction que Mme X... n’a pas été informée de ces conséquences, alors qu’aucune circonstance particulière ne faisait obstacle à cette information ; que cette carence, ainsi que le fait pour l’administration hospitalière d’avoir tardé jusqu’au 5 mai 1983 à mettre en recouvrement les sommes dues en raison du séjour de Mme X... au centre

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31. Nécessité d’une autorisation. Tenant compte de la spécificité de l’intervention

chirurgicale esthétique et l’exigence que le plasticien jouisse de la compétence requise pour pratiquer cette discipline, mais surtout tenant compte de la nécessité de protéger les patients subissant une opération à visée esthétique, le législateur français a élaboré le décret no 2005-776 du 11 juillet 2005 relatif aux conditions d’autorisation des installations de chirurgie esthétique et modifiant le Code de la Santé Publique. En vertu de ce décret, l’autorisation mentionnée à l’article L. 6322-1 est accordée ou renouvelée par le Préfet du département où se situent les installations de chirurgie esthétique. En effet, l’article L. 6322-1 du Code de la Santé Publique prévoit qu’une « intervention de

chirurgie esthétique, y compris dans les établissements de santé, ne peut être pratiquée que dans des installations satisfaisant à des conditions techniques de fonctionnement… ». De même, l’article R. 740-3 précise que les demandes

d’autorisation et de renouvellement d’autorisation sont adressées au Préfet, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, par la ou les personnes physiques ou morales qui sollicitent pour leur propre compte la délivrance de l’autorisation. Ce décret fait soumettre la demande d’autorisation et ses conditions à des dispositions strictement lourdes.

Ainsi les demandes d’autorisation et de renouvellement d’autorisation doivent être accompagnées d’un premier dossier administratif, d’un deuxième dossier relatif aux personnels, faisant apparaître les engagements du demandeur relatifs aux effectifs et à la qualification des personnels, notamment médicaux, pharmaceutiques et non médicaux, nécessaires à la mise en œuvre du projet et à la pratique de la chirurgie esthétique, d’un troisième dossier relatif aux informations d’ordre technique et financier, et enfin un quatrième dossier relatif à l’évaluation. Les dispositions de ce décret ont également fait l’objet d’une circulaire du 23 décembre 2005, en vertu de laquelle « les installations,

même lorsqu’elles sont exploitées dans ou par un établissement de santé, sont soumises à une autorisation du Préfet du département où elles se situent ».

Le titulaire de l’autorisation peut être une personne morale, c’est le cas quand il s’agit d’un établissement de santé, ou une personne physique, comme dans le cas de certaines installations privées. Cette autorisation est obligatoire et préalable. L’exercice sans autorisation est sanctionné par l’article L. 6324-2. L’autorisation accordée est alors

hospitalier Dupuytren sont constitutifs de fautes de nature à engager la responsabilité de l’administration générale de l’Assistance publique à Paris… ».

57 valable pour une durée d’exploitation de cinq ans. La mise en service des installations autorisées ne peut avoir lieu qu’après constatation de leur conformité. Si l’autorisation n’a pas donné lieu, dans les trois ans suivant sa notification, à un commencement de fonctionnement, précédé de la visite de conformité, le Préfet en constate la caducité.

Le demandeur doit présenter un dossier complet, comme précédemment mentionné, comportant notamment ses engagements quant aux caractéristiques des installations, aux compétences des personnels, à l’évaluation régulière de son activité et de ses pratiques, et à la certification par la Haute Autorité de Santé. La partie de ce dossier relative à l’évaluation (art. R. 6322-4) pourra être établie par le demandeur en s’appuyant sur les données acquises de l’art et sur les recommandations diffusées par les sociétés savantes dans le domaine de la chirurgie esthétique.

Au terme de cette durée de cinq ans, l’autorisation doit faire l’objet d’un renouvellement explicite pour la poursuite de l’exploitation. Le renouvellement implicite prévu à l’article L. 6122-10 du Code de la Santé Publique n’est pas applicable aux installations de chirurgie esthétique. Ainsi, les établissements de santé qui seront titulaires de l’autorisation spécifique relative à la chirurgie esthétique devront, le moment venu, présenter le dossier complet de demande de renouvellement prévu à l’article R. 6322-4. Le délai de dépôt de cette demande est fixé, par un compte à rebours, de telle sorte que la décision soit notifiée au plus tard quatre mois avant la fin de la durée de validité en cours83.

83 Cass. civ., 30 sept. 2010, n°08-18159 ; Cass. civ., 12 janv. 2012, n° 10-24036. L’annexe 3 présente des

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SECTION II

EXHAUSIVITE SUR LE PLAN TECHNIQUE

32. Choix entre deux possibilités. En l’absence de tout état d’urgence, le chirurgien

esthétique est tenu de fournir une information permettant au patient de faire un libre choix entre deux options : accepter l’intervention ou bien la refuser et garder son imperfection. Ainsi, le patient participe avec le chirurgien esthétique à la prise de décision. À cet effet, l’obligation du praticien en général, mais du chirurgien esthétique en particulier, comporte également des informations d’ordre technique84. Il doit donc indiquer les alternatives thérapeutiques propres au cas du patient, ainsi que les avantages et les inconvénients que peut présenter chacune d’elles. Dans ce sens, la Cour de cassation a condamné par un arrêt rendu le 28 janvier 1942 (arrêt Teyssier) un médecin pour n’avoir pas informé le patient de l’existence d’une alternative thérapeutique85.

33. Matériels et produits utilisés. Sur le même plan, le praticien doit fournir des

informations sur le caractère dangereux du matériel utilisé, même si ce dernier est sans défaut et que son caractère dangereux ne peut résulter d’un usage normal86.

84 CA Lyon, 25 juin 1980, Gaz. Pal. 1980, p. 36 : « Sans doute le patient avait d’abord refusé la mise en

place d’un dentier mobile, préférant une prothèse fixe et par conséquent inamovible, mais il n’est pas établi et il est tout à fait invraisemblable qu’un chirurgien-dentiste ne lui ait pas expliqué, sur sa demande, les caractéristiques techniques essentielles de la prothèse, en lui précisant que sa mise en place comportant une partie fixe nécessitant l’implantation de piliers et par conséquent le meulage des dents subsistantes. Pas davantage n’est caractérisé le grief de défaut d’information préalable quant au coût de l’intervention, en effet, l’importance même de la prothèse conseillée, la nature des matériaux employés et la longueur des travaux de mise en place étaient de nature à éclairer le patient sur le montant des honoraires qui lui seraient réclamés, il n’est en tout cas pas établi que le patient n’ait pas été renseigné préalablement sur le coût approximatif de l’opération… ».

85 Cass. civ., 28 janv. 1942, D. 1942, p. 63. Selon cet arrêt, un médecin « est tenu, sauf cas de force

majeure, d’obtenir le consentement du malade avant de pratiquer une opération [....] en violant cette obligation, imposée par le respect de la personne humaine, il commet une atteinte grave aux droits du malade... » et qu’il engage sa responsabilité vis-à-vis de son patient dès lors qu’il ne l’a averti « ni de la nature exacte de l’opération qu’il allait subir et de ses conséquences possibles, ni du choix qu’il avait entre deux méthodes curatives ».

86 Cass. civ. 1, 22 nov. 1994, Bull. civ. I, n°340 : Selon cet arrêt, « L’appareil, par sa conception,

présentait un danger certain que connaissait le praticien en sa qualité de spécialiste puisqu’il n’ignorait pas l’existence des graves accidents survenus en Allemagne et aux Etats-Unis […] en ne signalant pas aux parents le danger inhérent à l’appareil, ce qui aurait pu les conduire à refuser le traitement, le

59 L’information technique comporte en outre le type des produits utilisés ainsi que la durée de garantie des matériels par les laboratoires et leur autorisation de mise sur le marché.

L’information transmise sur le plan technique a fait l’objet d’un certain nombre de décisions rendues par les tribunaux français. Ainsi, par un arrêt rendu le 14 janvier 1992, la Cour de cassation a condamné un chirurgien esthétique pour avoir modifié une stratégie sans raisons valables ni consentement de l’intéressée ; il avait prélevé un lambeau cutané sur un endroit du corps qui n’avait pas été celui convenu avec la patiente87. Par ailleurs, pour ce qui est de la pose d’une prothèse, il incombe également au chirurgien esthétique l’obligation d’informer le patient non seulement des conséquences du geste chirurgical permettant l’implantation, mais aussi « il doit

remplacer le fabricant pour expliquer au patient les précautions à prendre suite à la pose de la prothèse » 88. La jurisprudence exige en outre le respect des engagements contractuels en matière de chirurgie esthétique. A cet effet, la découverte d’une affection non diagnostiquée avant l’intervention impose au chirurgien esthétique plus qu’à tout autre praticien l’obligation de retarder l’opération quelle que soit sa gravité. Il est tenu ainsi de révéler au patient les suites que celle-ci peut provoquer.

L’étendue en largeur de l’information, c’est-à-dire son exhaustivité, en chirurgie esthétique constitue alors le premier aspect de la spécificité de cette obligation incombant au chirurgien esthétique. Une autre étendue, celle-ci en profondeur, révèle le second aspect de cette spécificité ; il s’agit de la subtilité de l’information.

praticien avait manqué à son obligation de renseigner ». L’arrêt ajoute que « la Cour d’appel a énoncé à

bon droit que, procédant à un acte de fourniture d’un appareil, le chirurgien-dentiste orthodontiste est tenu à une obligation de résultat concernant la sécurité tenant à la conception de l’appareil qu’à ses conditions d’utilisation… ».

87 Cass. civ., 14 janv. 1992, JCP 1993, I, 21996, note DORSNER-DOLIVET : La Cour de cassation

rejette le pourvoi formé : la Cour d’appel avait retenu que la patiente n’a pas été exactement informée des modalités et des zones de prélèvement des lambeaux cutanés. L’intervention ayant causé une longue cicatrice verticale qui est apparue sur la face interne de la totalité de la cuisse ainsi qu’une déformation, et s’agissant d’une intervention qui n’était pas imposée par un caractère d’urgence ou par un danger immédiat, la patiente n’a pas bénéficié de la totale information. Elle était donc en droit d’exiger et que son consentement n’a pas été éclairé.

88 ROUGE D., ARBUS L., COSTAGLIOLA M., Responsabilité médicale de la chirurgie à l’esthétique,

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