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Exemples de valorisation de fonds d’archives d’artistes et d’érudits

Photographie positive, sans titre, non datée,

« Outre la fonction de témoignage, c’est-à-dire « la valeur qui permet aux documents d’archives de servir de preuve et de renseigner sur leur créateur, de témoigner de son existence, de son fonctionnement et de ses réalisations » et la fonction d’information, « qui permet aux documents de renseigner sur des sujets autres que leur créateur », les archives remplissent également une fonction d’évocation qui permet aux documents d’émouvoir, de toucher, à la sensibilité. En d’autres termes, informer, témoigner et évoquer seraient les fonctions propres à l’archive mais la place accordée à chacune d’entre elles varierait selon les

conditions d’utilisation. Généralement plus forte dans le contexte artistique, l’évocation et l’émotion qu’elle produit le sera moins dans d’autres types d’utilisation au profit du

témoignage ou de l’information » (Lemay, 2010).

1. Justification des fonds d’archives sélectionnés pour ce travail

comparatif

Dans un premier temps, j’ai choisi d’opérer une sélection sur des fonds similaires à celui étudié dans mon rapport de stage à savoir des fonds d’archives privées de photographes.

Concernant les archives photographiques de Robert Doisneau chez les Joliot- Curie, j’ai choisi de prendre cet exemple dans cette étude comparative car le travail effectué sur les archives de cet artiste me semble recouvrir nombre de similarités avec le fonds Louis Cros et se révèle un bon exemple de l’intérêt de la valorisation d’archives privées pour éclairer une œuvre artistique et son producteur. Il en est de même pour le fonds Jean Dieuzaide. Ce photographe d’origine toulousaine, spécialiste de l’architecture a également été illustrateur et plasticien. Son exemple m’a semblé intéressant car il s’agit d’un artiste local muti-facettes à l’instar de Louis Cros.

Ceux deux photographes sont considérés comme des Humanistes et le rapprochement entre leurs travaux a même été l’objet d’une exposition organisée à la Galerie du

Château d’eau de Toulouse20. Autre exemple de fonds d’archives de photographe, celui du fonds Eugène Trutat également lié fortement à l’histoire locale et dont la conservation partagée entre plusieurs structures a permis un important travail de valorisation.

Puisqu’il s’agit d’une réflexion théorique, j’ai souhaité élargir les perspectives et ne pas me limiter à des fonds de photographes, j’ai donc intégré des fonds d’archives d’artistes, d’érudits ou intellectuels pour lesquels les archives personnelles ont été mobilisées dans un processus de valorisation : j’ai ainsi retenu dans un premier temps le fonds du musée Rodin. Autre caractéristique qui a influé sur cette sélection : le rapport de cet artiste à la photographie, puisqu’en tant que collectionneur Rodin a assemblé un fonds de plus de 7000 tirages où se côtoient vues d’architectures, de paysages ou encore de nus académiques. Ces documents photographiques sont un témoignage de son travail artistique, puisque comme nombre d’artistes de son époque il s’en inspirait pour partie dans le cadre de l’élaboration de ses propres compositions. Laissées de côté à la mort de l’artiste, ses collections et archives photographiques ont été mises à l’étude et valorisées par le musée Rodin vers la fin des années 1980, elles comportent plus de 25 000 photographies.

Je me suis également interrogé sur l’amplitude recouverte par cette notion d’archives personnelles car en observant différents cas je me suis aperçu que les documents constituant ces fonds pouvaient être plus ou moins variables et disparates. Dès lors, dans un second temps, il m’a semblé pertinent dans cette étude d’intégrer à la comparaison des fonds d’artistes que l’on nomme comme « fonds total » tels les fonds Picasso du musée Picasso ou encore le fonds de la psychanalyste Françoise Dolto.

20 Cette exposition intitulée « Doisneau-Dieuzaide, une amitié heureuse » s’est tenue du 11 septembre au 02 novembre 2014.

2. Des artistes engagés dans un processus d’« ego-documentation » :

La valorisation des fonds d’artistes est souvent rendue possible par le processus d’ego-documentation conduit par les producteurs eux-mêmes. En voici plusieurs exemples permettant d’en rendre compte.

Concernant le fonds photographique Doisneau, cette valorisation est pour partie liée au travail minutieux réalisé par l’artiste au préalable. Bien qu’il ne se soit pas engagé dans un travail d’auto-archivage à proprement parler (très peu d’écrits subsistent) il a conservé pratiquement toutes ses images. Tout au long des reportages qu’il a mené, il a réalisé des sélections et des classements constituant ainsi une archive photographique continue retraçant l’ensemble de sa carrière. Comme j’ai pu le constater dans le cas du fonds Louis Cros, cet artiste a organisé l’ensemble de ses archives par thèmes et sujets. Les informations complémentaires portées par Doisneau ou par Cros au dos de certaines prises de vue représentent des informations complémentaires importantes (commentaires, dates, identification de personnes) qui peuvent être exploitées par l’archiviste en tant que métadonnées.

Autre exemple, le sculpteur Rodin qui est l’exemple même de l’artiste collectionneur, se révélant à la fois archiviste et documentaliste de ses propres œuvres. Cette démarche semble avoir été engagé non pas nécessairement dans une logique réflexive mais davantage intuitive : « il a senti combien ce qui constituait son univers quotidien était important pour la compréhension de son œuvre » (citation extraite du site du musée Rodin21). Il a par ailleurs effectué une donation à l’État en 1916 permettant ainsi la création de ce musée dont il est à l’origine.

Ce travail d’auto-archivage a permis de rassembler plusieurs milliers de documents manuscrits et imprimés. Dans le fonds historique, on compte plus de 60 000 manuscrits

issus de plus de 8000 scripteurs, ces documents rendent compte du quotidien de l’artiste, de sa vie et de ses œuvres permettant de l’appréhender en tant qu’individu dans sa globalité.

Leur confrontation avec les collections et sculptures de l’artiste est un témoignage non pas simplement de l’œuvre de Rodin mais bel et bien de l’ensemble de sa vie avec ses aspects privés, sociaux et artistiques offrant au public une immersion possible au cœur de la création.

L’ego documentation a pu pousser certains artistes ou érudits à constituer ce que l’on nomme un « fonds total », rendant compte chez l’individu d’un processus d’accumulation. En atteste par exemple les archives du fonds Françoise Dolto classées par l’historien et archiviste Yann Potin. Ce fonds se compose aussi bien de papiers personnels, gribouillis, d’une valise en métal comprenant des objets liés à la mémoire familiale… Une diversité importante qui est également caractéristique des archives Picasso comprenant entre autres papiers et objets divers, fournitures, cravates, boîtes d’allumettes… Ces fonds dits « fonds total » ne font pourtant pas l’unanimité et connaissent des détracteurs qui leur reproche entre autres leur caractère trop englobant22.

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Les archives personnelles comme éclairage d’une œuvre et de la