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(46)e-g sont des locutions verbales. En (46)h-i [X] ˹

EN HARZ

˺

[da NY]

et ˹

ÀR[Aposs(X)]DISPIGN

˺ sont

des locutions prépositionnelles avec emploi adverbial. Et enfin, ˹

AZE EMA TOULL AR BILLIG

˺ et

˹‘D EO KET DEC’H ‘H OA BET LAKAET HALEN E BEG

˺

[X]

en (46)j-k sont des locutions clausales.

2.1.3.2.2 Les phrasèmes compositionnels

Les phrasèmes compositionnels peuvent être classés en deux sous-classes, les collocations et les

clichés, selon le niveau où s’exerce la contrainte sur la sélection des composantes.

2.1.3.2.2.1 Les collocations

Une collocation est un phrasème compositionnel dont une des composantes est sélectionnée

librement par le locuteur, l’autre lui étant imposée par la langue. Autrement dit, il s’agit d’un

syntagme compositionnel semi-contraint. Par exemple, en (47), seule la composante skuizh

‘fatigué’

de l’expression skuizh-brein

lit. ‘fatigué-pourri’ = ‘très fatigué’

est sélectionnée par le locuteur, brein

‘pourri’

étant imposé par la langue pour exprimer le sens ‘intensément’.

(47) Skuizh-­‐‑brein  on.  lit.  ‘Fatigué-­‐‑pourri  suis.’  =  ‘Je  suis  extrêmement  fatigué.’  

Dire que la sélection de brein pour exprimer le sens ‘intense, très’ est imposée par la langue ne

signifie pas que ce sens ‘intensément, très’ ne peut pas, dans le cas de

SKUIZH

, être exprimé d’autres

façons, comme on le voit dans les exemples suivants :

(48) a.  Skuizh-­‐‑bras  on.  lit.  ‘Fatigué-­‐‑grand  suis.’  JMh

b.Skuizh  on  ken  ne  vlazan.  lit.  ‘Fatigué  je.suis  tellement.que  je.pue.’  JS  

Dans les deux exemples ci-dessus, le choix de l’intensifieur est toujours contraint par la langue : le

locuteur ne peut pas décider, sauf à vouloir plaisanter, de dire *Skuizh-dall on

‘Fatigué-aveugle suis’

.

Dans les exemples vus ci-dessus, la composante sélectionnée librement est appelée

mot-clé

, ou

base

, de la collocation, la composante dont la sélection est contrainte étant quant à elle appelée

collocatif

.

Certains collocatifs sont relativement « spécialisés », c’est-à-dire qu’ils se combinent avec un très

petit nombre de mots-clés – c’est le cas de dall, de brein et de ken ne vlaz vus plus haut, voire

parfois même avec un seul mot-clé comme dans le cas de evel ur broc’h

‘comme un blaireau’

qui, à ma

connaissance, n’a le sens ‘intensément’ qu’auprès de

KOUSKET ‘dormir’

.

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Mais certains autres

collocatifs peuvent avoir des mots-clés extrêmement nombreux, à tel point qu’on peut croire qu’ils

sont choisis librement. C’est le cas de bout

2‘avoir’

dans bout sec’hed

‘avoir soif’

<aon

‘peur’

, c’hoant

‘envie de’

, ...> (voir II-2.1.3.1.1.1).

Nous avons deux autres exemples de collocations dans les exemples suivants :

(49) a.  Ar  sizhun  baset.  lit.  ‘la  semaine  passé.’  =  ‘la  semaine  dernière.’   b.???Ar  sizhun  ziwezhañ.  lit.  ‘la  semaine  dernier.’

c.Disul  diwezhañ.  ‘dimanche  dernier.’ d.???Disul  paset.  ‘dimanche  passé.’  

Le caractère contraint des deux syntagmes (49)a-b apparaît plus nettement quand on les compare

l’un à l’autre. Le sens ‘qui était avant maintenant’ est lexicalisé en paset

‘passé’

quand il cooccurre

avec sizhun

‘semaine’

et en ‘diwezhañ’

‘dernier’

quand le mot-clé est disul

‘dimanche’

.

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La transition

RSém ó RSyntP est donc contrainte mais ces syntagmes sont compositionnels.

Il n’est pas toujours facile de distinguer une locution d’une collocation, principalement en ce qui

concerne les

locutions faibles

, dont le sens contient le sens de ses composantes. C’est le cas de la

locution sevel e zorn

lit. ‘lever sa main’ = ‘saluer de la main’

: ce syntagme est contraint car on ne peut pas

dire (50)a, par exemple, pour exprimer le sens ‘saluer quelqu’un de la main’ ; la phrase (50)a sera

comprise de façon littérale et (50)b ne veut rien dire :

(50) a.  Savet  en  deus  e  zorn  dehoù  pad  on  paset.  lit.  ‘Levé  il.a  sa.à.lui  main  droit  quand  je.suis  passé.  =  ‘Il  a   levé  la  main  droite  quand  je  suis  passé.’

b.

*

Savet  en  deus  e  zaouarn  din  pad  on  paset.  lit.   ‘Levé   il.a   ses.à.lui   deux.mains   à.moi   quand   je.suis   passé.’  

Pour distinguer locution de collocation, nous avons parfois besoin de la notion de

pivot sémantique

.

Le pivot sémantique d’un phrasème est grosso modo « ce dont il est question » dans ce phrasème.

Par exemple, dans Pier en deus serret anoued

‘Pierre a attrapé froid’

, il est question de anoued

‘froid’

, et

non de serriñ

‘attraper’

. De façon plus formelle, on dira que le pivot sémantique de l’expression AB

de sens ‘AB’ divisible en deux parties est l’argument du

prédicat sémantique

de ce sens (Mel’čuk

2007 : 5). Pour reprendre l’exemple de Pier en deus serret anoued, son sens est ‘anoued Pier en

deus komañset’

‘le froid de Pierre a commencé’

dont la SSém est donnée ci-dessous en Figure 56 :

Figure 56. SSém (partielle) de la phrase Pier en deus serret anoued

‘Pierre a attrapé froid’

Le sens ‘anoued’ est l’argument du sens ‘komañs’, qui en est le gouverneur sémantique ; ‘anoued’

est donc le pivot sémantique du sens du phrasème serriñ anoued.

komañs’ ‘commencer’

anoued’ ‘froid’

1 1

Pier’

2.1.3.2.2.2 Les clichés

Les

clichés

sont des expressions totalement contraintes, aussi bien dans leur sémantisme que dans

leur formulation. Autrement dit, les contraintes sur le choix des éléments d’un cliché s’exercent à

deux niveaux : à celui de la transition

RConcept

ó RSém et à celui à celui de la transition RSém

ó RSyntP). Selon qu’en plus, l’expression est contrainte ou non par la situation extralinguistique,

on a deux types de clichés : les clichés pragmatiques, ou

pragmatèmes

, dont il sera question plus

bas en II-2.1.3.2.2.3, et les clichés proprement dits dont je vais parler maintenant.

Beaucoup de proverbes, dictons, etc. sont des clichés :

(51) a.  Guel  é  devéhat  eit  jamés.  ‘Mieux  est  tard  que  jamais.’  (Le  Goff  1912(1984)  :  15) b.Keuz  diwezhat  ne  talv  ket  (netra).  ‘Regret  tardif  ne  vaut  pas  (rien).’  LC

c.Graet  ‘zo  graet  !  lit.  ‘Fait  est  fait.’  =  ‘Ce  qui  est  fait  est  fait.’  JS

d.Brum  àr  an  nevez,  Glav  kent  tri  deiz.  lit.  ‘Brume  sur  le  nouveau,  Pluie  avant  trois  jours.’  =  ‘Brume  à   la  nouvelle  lune,  Pluie  avant  trois  jours.’  LS  

Tous ces proverbes sont compositionnels : ces syntagmes – étendus à toute une phrase – disent

exactement se que veulent dire leurs composantes prises une à une. Tous les clichés ne sont pas des

proverbes ou dictons, il peut s’agir également d’autres types d’expressions toutes faites. Je vais en

donner deux exemples ci-dessous.

Un exemple simple en est l’expression gwenn ha du

lit. ‘blanc et noir’ = ‘noir et blanc’

. En breton, la

RSém (partielle) correspondant à la RConcept (52)a est donnée en (52)b :

(52)

a. «(quelque chose) dont les couleurs sont le noir et le blanc»

 

b. ‘du

‘noir’←ha ‘et’→gwenn’ ‘blanc’  

c. *‘du

‘noir’←ha ‘et’→gwenn’ ‘blanc’  

Cette RSém (52)b est contrainte, car un locuteur du breton ne peut pas construire la RSém donnée

en (52)c. En effet, c’est la dominance communicative (indiquée dans la RSém par le soulignement)

qui détermine la tête syntaxique de l'expression correspondante au niveau SyntP ; et la RSyntP

(partielle) correspondant à l’expression gwenn ha du

lit. ‘noir et blanc’

est telle qu’en (53)a et non en

(53)b :

(53) a.  GWENN―ATTR→HA―II→DU   b.#

DU―ATTR→HA―II→GWENN  

À la SSyntP (53)a correspond l’expression idiomatique gwenn ha du

lit. ‘blanc et noir’

; la RSyntP

(53)b n’est pas correcte parce qu’il n’est pas idiomatique – mais pas agrammatical non plus – de

dire

#

du ha gwenn

‘noir et blanc’

. On peut noter que cette même RConcept (52)a correspond en

français à la RSém ‘noir←et→blanc’ et à la RSyntP

NOIR―ATTR→ET―II→BLANC

: en effet, il n’est pas

idiomatique de dire en français

#

une photo en blanc et noir. Voici un autre exemple :

(54) a.  Pet  eur  eo  ?  lit.  ‘Quelle  heure  est  ?’  =  ‘Quelle  heure  est-­‐‑il  ?’     b.Pe  termen  eo  ?  lit.  ‘Quel  moment  est  ?’  =  ‘Quelle  heure  est-­‐‑il  ?’  

Un bretonnant hors région de Pontivy n’a pas le choix d’un autre sens que ‘je veux savoir l’heure’

correspondant à (54)a pour exprimer le message, ou la RConcept, suivant : «Je veux savoir quelle

est la valeur du paramètre TEMPS HORAIRE(journée)». Cette contrainte apparaît plus clairement

quand on compare l’expression en (54)a à celle qui est employée dans la région de Pontivy, donnée

en (54)b ; de la même façon donc, un Pontivien n’a pas le choix d’exprimer ce message par un sens

autre que ‘je veux savoir quel est le moment de la journée’, correspondant à la phrase (54)b.

2.1.3.2.2.3 Les pragmatèmes

La situation extralinguistique dans laquelle se trouve le locuteur peut le contraindre à sélectionner