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Deux exemples d’applications haut-débit

3.2.1 Concevoir un tensiomètre sur puce

Un dispositif microfluidique est aujourd’hui capable de mesurer efficacement,

rapidement, et de façon économique par la miniaturisation des volumes, certaines

observables physiques de façon très sensible, tel un viscosimètre [34], déjà évoqué

au-paravant, un manomètre différentiel résolu en temps [74], ou un tensiomètre [75, 76]

par exemple. Développons de manière plus approfondie le principe de mesure d’un

tensiomètre sur puce.

(a) (b)

x

Figure 1.19: (a) La constriction du canal induit un écoulement élongationnel,

res-ponsable de la déformation momentanée des gouttes. Figure adaptée de [76]. (b)

L’analyse du taux de déformation permet de remonter à la tension de surface.

Fi-gure tirée de [75].

Lafigure 1.19 (a) représente la géométrie utilisée, caractérisée par la présence d’une

constriction. Celle-ci est responsable d’un écoulement élongationnel dans la direction

perpendiculaire à la direction principale du canal, conduisant à déformer

momenta-nément la goutte. Celle-ci relaxe ensuite vers sa forme sphérique initiale, l’analyse de

cette relaxation permettant de remonter à la connaissance de la tension de surfaceγ

entre les deux phases. De façon plus précise, le taux de déformationD de la goutte

est classiquement défini comme [77] :

D= a−b

a+b, (1.39)

avecaetbles rayons principaux de la goutte dans le plan horizontal. Pour une goutte

sphérique, de rayon notéa

0

, il vient doncD=0. En présence d’un taux d’élongation

˙

ε =∂v/∂x non nul, exprimant la diminution locale de la vitesse v avec la position

x au sein de l’élargissement du canal, la variation du taux de déformation D peut

se mettre sous la forme :

DD

Dt =

D

steady

−D

τ , (1.40)

avec :

τ = αη

c

a

0

γ et D

steady

=βτε˙, (1.41)

Les résultats expérimentaux de lafigure 1.19 (b) sont en excellent accord avec cette

dernière relation : la tension de surface s’obtient alors directement par la mesure de

la pente des droites d’ajustement tracés.

3.2.2 Suivre une cinétique de réaction chimique

X=vt

v

Figure 1.20: À gauche : montage expérimental permettant de suivre l’évolution

d’une réaction chimique par spectrophotométrie, chaque gouttelette faisant office

de micro-tube à essai. À droite : pour une longueur d’onde donnée, l’évolution de

l’absorbance avec X, ou de façon équivalente t, permet de suivre la cinétique de la

réaction entre les ions iodure et les ions peroxodisulfate. Figure adaptée de [78].

Un intérêt majeur de la microfluidique digitale réside dans l’équivalence

temps-espace [79] : du fait de la conservation des débits, les objets monodisperses se

dé-placent à une vitesse v constante dans le temps. Il existe donc une relation directe

entre le temps de résidence t de l’objet dans le canal et sa position X : X = vt.

De fait, comparer l’aspect des objets en différentes positions du canal à un instant

donné se ramène à étudier l’évolution temporelle d’un objet unique, ce concept se

CHAPITRE 1. LA MICROFLUIDIQUE : FONDEMENTS ET CONTEXTE

GÉNÉRAUX

prêtant particulièrement bien à des applications en chimie [80, 53, 78] : suivis de

réactions, mesures de champs de concentration, estimations de cinétiques chimiques

(Fig. 1.20). L’avantage de cette méthode par rapport à l’utilisation de tubes à essai

classiques est double.

– Comme déjà discuté précédemment, le volume d’un tube à essai est tout au

moins de l’ordre du microlitre, celui d’un microréacteur en goutte est de l’ordre

du nanolitre en microfluidique [80]. Le procédé apparaît donc nettement moins

coûteux en réactifs.

– Un tube à essai ne permet généralement de sonder qu’un échantillon à la fois.

À l’inverse, les microréacteurs sont formés tous à la fois sans interagir entre

eux ou se disperser, du fait de l’immiscibilité des deux phases mises en jeu.

Nous en proposons ici un exemple détaillé [53] (Fig. 1.20), par l’analyse de la réaction

académique d’oxydo-réduction entre les ions iodure I

et les ions peroxodisulfate

S

2

O

2− 8

:

2I

− (aq)

+S

2

O

2− 8 (aq)

I

2(aq)

+ 2SO

2− 4 (aq)

Cette réaction, conduisant à la formation de diiode I

2

et d’ions sulfate SO

2−

4

, possède

une cinétique lente (de quelques minutes à quelques dizaines de minutes), elle est

donc adaptée aux échelles de temps de la millifluidique tubulaire, pour laquelle le

temps de résidence d’une goutte est considérablement plus grand qu’en microfl

ui-dique

24

. Le diiode formé réagit ensuite rapidement avec les ions iodure, réactif en

excès dans la solution, selon la réaction de complexation suivante :

I

2(aq)

+I

(aq)

→I

3 (aq)

Les ions triiodure I

3

sont à l’origine de la couleur jaune de la solution. Ainsi, suivre

l’évolution de l’absorbance au cours du temps permet de remonter à des informations

portant sur la cinétique de la réaction d’oxydo-réduction entre les ions iodure et les

ions peroxodisulfate. La vitesse V de cette dernière peut s’écrire, d’après la loi de

Van’t Hoff

25

:

V =k

0

[I

]

2

[S

2

O

2− 8

] =−d[S

2

O

2− 8

]

dt . (1.43)

Les ions iodure étant en excès par rapport aux ions peroxodisulfate, nous pouvons

poser[I

]�c

0

, oùc

0

ne dépend pas du temps, et nous notons la constante apparente

de la réaction k =k

0

c

02

dans la suite. L’intégration de l’équation différentielle 1.43

donne donc :

[S

2

O

2−

8

](t) =c

1

exp (−kt), (1.44)

avec la condition initiale [S

2

O

2−

8

](t = 0)=c

1

. En revenant à la concentration en

complexe [I

3

], la stœchimétrie des deux réactions permet d’écrire :

d[I

− 3

]

dt =d[S

2

O

2− 8

]

dt =kc

1

exp (−kt), (1.45)

24. À vitesse identique, on pourrait penser qu’il suffit de rallonger les canaux microfluidiques pour

augmenter le temps de résidence. Cependant, à débit fixé, l’augmentation de longueur entraîne

l’augmentation de la perte de charge à appliquer, pouvant à l’extrême provoquer des fuites au

niveau des entrées desfluides.

25. La réaction étant une réaction élémentaire, la loi de Van’t Hoff implique que les ordres

partiels intervenant comme exposants dans la loi de vitesse sont directement égaux aux coefficients

stœchimétriques pour chacun des réactifs.

La variation temporelle de l’absorbance, analogue à l’évolution de la tension d’un

condensateur en charge, est très bien vérifiée expérimentalement.

4 Une opération élémentaire d’intérêt : la

fragmen-tation