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CHAPITRE 2 - TECHNIQUES EXPERIMENTALES A HAUTE

II. La spectroscopie d’absorption des rayons X

II.1. EXAFS - principe et formalisme

Dans le processus d’absorption des rayons X en géométrie de transmission, on considère un faisceau de photons monocinétiques d’énergie hν et d’intensité I0 qui interagit avec un échantillon d’épaisseur x. Pendant la traversée de l’échantillon, une partie des photons est absorbée (I < I0, voir figure II.11). L’intensité transmise (I) est reliée à I0 par la loi de Beer-Lambert :

Equation (10)

Figure II.11 : Schéma d’une expérience d’absorption en transmission

La décroissance de l’intensité des rayons X durant la traversée de la matière s’exprime par un coefficient d’absorption µ, en fonction de l’énergie h des photons incidents. Ce coefficient traduit l’existence de transitions électroniques à partir d’un état fondamental vers un état excité. L’absorption de la lumière par la matière est un processus photoélectrique au cours duquel les électrons de l’état fondamental sont envoyés vers les niveaux vides de la bande de conduction et dans le continuum (voir figure II.12 (a)). Après absorption du photon incident, un « photoélectron » est émis et peut être représenté par une onde sphérique qui est rétrodiffusée par les atomes environnants (représentée dans la figure II.12 (b)). L’état final résultant correspond alors à la superposition des ondes sortantes (les cercles) et rétrodiffusées (les arcs de cercles) qui, du fait de leur différence de phase peuvent interférer de manière constructive ou destructive, produisant ainsi les oscillations EXAFS.

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(a)

(b)

Figures II.12 : Schémas illustrant le phénomène d'excitation, d'émission d'onde et sa rétrodiffusion

dans le cadre de l'EXAFS

Les oscillations EXAFS sont observées dans la zone post-seuil du signal d'absorption. L’analyse par transformée de Fourier de ces oscillations s’étendant jusqu’à 1000 eV ou plus après seuil, donne la probabilité de distribution des atomes voisins autour de l’atome absorbeur en fonction de leur distance. Un exemple de spectre d’absorption de rayons X obtenu au seuil K du Zr est donné dans la figure II.13. Il s’agit de l’évolution du coefficient d’absorption µ en fonction de l’énergie du faisceau incident (E en eV).

Figure II.13 : Spectre d'absorption des rayons X au seuil K du Zr dans ZrF4 : saut de seuil, région XANES et oscillations EXAFS

Au voisinage immédiat du seuil (≈ 50 eV), on observe d’autres structures ou résonances (région dite XANES) qui proviennent de transitions entre orbitales au sein de l’atome absorbeur. Elles reflètent la symétrie du site et l’état électronique de l’élément excité. L’interprétation de cette région est assez complexe car elle nécessite des calculs de structure électronique faisant intervenir tous les atomes du solide.

Expérimentalement, pour un élément et un seuil d’absorption donnés, le signal EXAFS normalisé est calculé à partir des coefficients d’absorption après seuil par la relation :

0.06 0.07 0.08 0.09 0.10 0.11 0.12 0.13 0.14 17800 18000 18200 18400 18600 18800 19000 X μ( E) Energie (eV) Xμ(E) XANES µ(E) Rayon EXAFS

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Equation (11)

Le terme µ(E) désigne le coefficient d’absorption et µ0(E) le coefficient d’absorption atomique. Dans le cas des systèmes désordonnés tels que les fluorures fondus, l’expression théorique du signal EXAFS (k) obtenu au seuil K généralisé fait intervenir explicitement la fonction de distribution radiale g(r).

Equation (12)

Où k est le vecteur d’onde donné par :

Equation (13)

E0 étant l’énergie du seuil, m la masse d’un électron et h la constante de Planck.

Le spectre d'oscillations EXAFS obtenu correspond donc à l'évolution de (K) en fonction du vecteur d'onde k. Généralement, ce signal est pondéré par un facteur kn afin de donner plus de poids aux valeurs à grand k en augmentant le rapport signal sur bruit. L'exemple de la figure II.14 présente des oscillations EXAFS « k2χ(k) ».

Figure II.14 : Spectre d'oscillations EXAFS au seuil K du Zr dans ZrF4 à température ambiante

Pour obtenir des informations quantitatives, il est nécessaire de faire un affinement des spectres expérimentaux à partir de la formule analytique de (équation (17)). Elle comprend des paramètres structuraux tels que le nombre de voisins N, des paramètres électroniques tels que le facteur de rétrodiffusion F, le déphasage atomique ϕ et le libre parcours moyen du photoélectron λ dans le matériau. Ces paramètres sont liés à la nature chimique autour de l’atome absorbeur. La généralisation de la formule EXAFS fait intervenir explicitement la

-2.5 -2 -1.5 -1 -0.5 0 0.5 1 1.5 2 0 2 4 6 8 10 12 14 χ(k) k (Å-1)

Ch.2 - Techniques expérimentales à HT et modélisation atomique par DM Page | 60 fonction de distribution radiale g(r) (densité volumique des particules voisines à une distance r d’un atome donné).

Pour des systèmes ordonnés ou peu désordonnés, on utilise généralement une gaussienne pour décrire g(r). On obtient alors, par intégration, la formule classique standard de l’EXAFS développée par Sayers et al. [25,26]. En revanche, pour des systèmes très désordonnés tels que les liquides, cette distribution devient très asymétrique. Il existe plusieurs méthodes utilisées pour rendre compte de cette asymétrie. La méthode des cumulants [27] utilise un artifice mathématique qui consiste à rajouter des termes d’ordre 3 et 4 dans la fonction exponentielle et le sinus. Les méthodes Yang [28] et GNXAS [29] (du nom du logiciel qui permet d’affiner les données EXAFS), utilisent une g(r) plus réaliste qui a été établie à partir de données de diffusion de rayons X ou neutrons et de calculs de dynamique moléculaire sur des liquides. En plus de R (distance avec le premier voisin) et σ (facteur de Debye Waller), elle fait intervenir un paramètre supplémentaire β, le skewness qui rend compte de l’asymétrie de la distribution. Pour notre étude, nous avons choisi d’utiliser la méthode proposée par P.A. Madden et mise en œuvre par Okamoto [30] et plus récemment par Pauvert et al. [31,32] qui consiste à s’affranchir complètement de la fonction g(r) en déterminant directement par des calculs de dynamique moléculaire, la position des atomes pour une configuration donnée à une température donnée, puis d’injecter ces positions dans le code de calcul Feff pour générer des oscillations EXAFS « théoriques ». En réitérant cette opération pour plusieurs milliers de configurations atomiques, il est ainsi possible de reproduire de façon satisfaisante un spectre EXAFS expérimental obtenu à une température donnée. Cette méthode a été employée avec succès sur du platine solide et des sels fondus tels que RbBr, SrCl2 et ZrF4-AF (A=Li, Na et K).

Dans ce travail, la procédure de réitération a été répétée environ 25 000 fois afin d’obtenir un signal théorique comparable au signal expérimental obtenu à la même température (850 °C). Cette procédure permet, lorsque le potentiel d’interaction atomique (dans le cas d’un calcul classique) qui décrit le système étudié, est correct, de s’assurer de sa validité et d’obtenir des informations structurales (coordinences, distances, g(r) pour chaque paire) directement à partir des fichiers de trajectoires atomiques générés par les calculs de dynamique moléculaire grâce à l’analyse statistique de ces trajectoires.

Pour déterminer les coordinences d’un cation et la distance avec ses plus proches voisins, il suffit de compter directement combien d’ions sont présents et à quelle distance autour de chaque cation tout au long de la simulation. Ceci nécessite le choix d’un rayon de coupure correspondant à la première sphère de solvatation. Nous avons choisi les distances correspondant aux premiers minima des fonctions de distribution radiale.

L’observation de la position du premier pic de la g(r) d’une paire donnée ainsi que l’utilisation de critère géométrique permet de nous renseigner sur l’existence de fluors pontants, c’est-à-dire d’ions fluors F- communs qui viennent connecter deux cations Zr4+ et La3+, pour former un réseau d’ions. Suivant le nombre de fluors en commun, il est possible de déterminer le type de connexions entre les différents polyèdres anioniques du réseau ainsi formé. L’apport de la dynamique moléculaire permet d’aller plus loin dans l’analyse des données en étudiant par

Ch.2 - Techniques expérimentales à HT et modélisation atomique par DM Page | 61 exemple la dynamique de la première sphère de solvatation d’un cation. Pour cela, nous avons utilisé une fonction d’autocorrélation de cage, dont le formalisme a été développé par Rabani et

al.[33]. Elle permet de corréler l’existence ou non d’une liaison pour chaque paire atomique en fonction du temps. Cette fonction étant décroissante de façon exponentielle avec le temps, il est possible de lui associer un temps de relaxation unique τ au bout duquel la fonction de corrélation de cage prend la valeur 1/e. L’étude de l’influence de la composition du système LiF-ZrF4-LaF3 sur ce temps de relaxation permet de rendre compte efficacement de la dynamique d’échange entre la sphère de solvatation d’un cation donné et le reste du système.

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