• Aucun résultat trouvé

Evolution temporelle de la contamination en cadmium de l’estuaire de la Gironde

L’ESTUAIRE DE LA GIRONDE

III. Evolution temporelle de la contamination en cadmium de l’estuaire de la Gironde

1. Evolution historique de Cd

p

dans l’estuaire de la Gironde entre 2001

et 2015

La Figure 47 présente une synthèse des résultats issus d’études réalisées entre 1984 et 2015.

Cette synthèse permet de suivre l’évolution historique de la contamination en Cdp de l’estuaire

de la Gironde. Cette évolution s’appuie sur les études réalisées par Boutier et al. (2000), Jouanneau et al. (1990) et Kraepiel et al. (1997 ; 3 campagnes ; Figure 47), le suivi « qualité » de l’estuaire réalisé dans les années 2000 par Dabrin (2009), Masson (2007) et Strady (2010 ; 16 campagnes ; Figure 47) ainsi que le suivi « Qualité » des marais de la pointe du Médoc que j’ai réalisé avant mon doctorat (Pougnet et al., 2013) et les résultats de cette étude (11

campagnes SOGIR et MGTS ; Figure 47). Les concentrations moyennes en Cdp correspondent

à la moyenne de chaque profil longitudinal dans la phase d’équilibre thermodynamique de l’estuaire, c’est-à-dire les concentrations Cdp mesurées dans les échantillons prélevés pour 10<S<25, représentant la qualité de la masse d’eau estuarienne.

Les activités métallurgiques du bassin versant du Lot ont engendré une forte contamination de tout le système fluvio-estuarien Lot-Garonne-Gironde. Les études réalisées entre 1984 et 2009 semblaient montrer une décontamination de l’estuaire de la Gironde, en particulier depuis

1987 et l’arrêt de l’activité métallurgique, avec des concentrations moyennes en Cdp diminuant

de 0,85 à 0,25 mg/kg (Figure 47; Boutier et al., 2000; Strady, 2010) et tendant ainsi vers la valeur du bruit de fond géochimique de la vasière Atlantique Ouest Gironde (0,2 mg/kg ; Larrose, 2011). Ce constat était en accord avec le suivi de la contamination réalisé le long du

système Lot-Garonne, qui voyait ses concentrations de Cdp décroitre de 5 à 1 mg/kg au site de

surveillance La Réole, soit une dépollution d’un facteur 5 (Annexe 3).

Avant cette étude et au vu de l’évolution vers le bruit de fond géochimique estuarien (0,2 mg/kg ; Larrose, 2011) en 2009, on pouvait s’attendre à une résilience du système face à

la contamination en Cdp de l’estuaire (Strady, 2010). Cependant, les campagnes réalisées au

cours de cette étude ont montré des valeurs de Cdp supérieures à celles obtenues à la fin de

l’observation de tendance décroissante en 2009. La concentration moyenne en Cdp entre 2012

et 2015 est de 0,45 ± 0,10 mg/kg et de 0,40 ± 0,04 mg/kg en enlevant la valeur haute de 0,76 mg/kg d’une campagne SOGIR réalisée en août 2015. Ces concentrations moyennes ont été calculées pour 10<S<25, afin de représenter au mieux l’estuaire central et sont comparables

à la moyenne en Cdp de 0,45 mg/kg observée au début des années 2000 et représentative de

l’estuaire de la Gironde pour S>10 (Robert, 2003; Schäfer et al., 2002a). De plus, ces résultats sont en accord avec les profils d’addition les plus faibles enregistrés jusqu’à lors dans l’estuaire (Figure 46). En effet, la désorption incomplète de Cdd due à des variabilités de temps de résidence et des conditions hydrologiques variables, peuvent expliquer des concentrations encore fortes dans la phase particulaire.

2. Evolution historique de Cd

d

dans l’estuaire de la Gironde entre 2001

et 2015

Les trois profils en Cdd réalisés au cours de cette étude (MGTS 1, 2 et 3 ; Figure 45) montrent des différences d’amplitude d’addition du simple au double à salinité équivalente (35 ng/l –

3450 m3/s ; 71 ng/l – 248 m3/s ; S~18). Dans la Figure 48, les concentrations en Cdd acquises

au cours de profils longitudinaux des 3 campagnes océanographiques MGTS sont comparées à celles obtenues lors des 17 missions océanographiques réalisées sur la Gironde depuis 2001 par

l’équipe TGM (Dabrin et al., 2009; Strady, 2010). Afin de mettre en évidence l’importance des conditions hydrologiques sur la désorption de Cdd, déjà observée pour les profils MGTS précédents, toutes les missions effectuées entre 2001 et 2015 sont représentées sur la Figure 48 selon le gradient de salinité et séparées en trois grandes conditions hydriques rencontrées lors des prélèvements. Rappelons que le débit de la Gironde est représenté par la somme des débits Garonne + Dordogne + Isle, enregistrés par la DREAL Aquitaine/HYDRO-MEDDE/DE (Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement) et qu’un débit

moyen sur la Gironde est d’environ 900 à 1000 m3/s (DREAL Midi-Pyrénées). Ainsi depuis

2001, les profils considérés en période d’étiage présentent des débits compris entre 163 et

320 m3/s, ceux considérés en débit moyen ont des débits compris entre 508 et 730 m3/s et les

profils considérés réalisés en période de crue voient leurs débits compris entre 1203 et 3450 m3/s (signets rouges, verts et bleus respectivement ; Figure 48). De plus, une valeur discrète de débit correspondant à la valeur enregistrée le jour du prélèvement de l’échantillon le long du gradient de salinité ne reflète pas complètement la condition hydrologique générale

de l’estuaire. Ainsi, la valeur de 1203 m3/s correspondant au débit de l’estuaire au cours de la

campagne MGTS 1 est classée dans les profils réalisés en période de crue. En effet, les jours

précédents la mission MGTS 1 les débits ont variés entre 2000 et 3000 m3/s (i.e. mars 2014 ;

Annexe 6).

De manière générale, les distributions des concentrations en Cdd dans l’estuaire de la Gironde montrent parfaitement le comportement non conservatif additif de Cd le long du gradient salin (Figure 48 ; d’après Strady, 2010, modifié). De plus, plus les débits hydriques diminuent (crue à étiage), plus l’amplitude des profils et leurs maxima de concentration sont forts, comme nous l’avons déjà constaté avec les campagnes MGTS (Figure 45). Le premier constat global est donc une dépendance addition-débit mais également l’influence du temps de résidence des eaux, plus faible en période de forts que de bas débits, qui contrôle les cinétiques de désorption (Masson, 2007; Strady, 2010). Néanmoins, pour la dernière campagne MGTS 3, le profil de concentration ne vient pas se superposer aux autres profils passés puisqu’il est plutôt sur les profils de débits moyens voire de crue (points verts et bleus ; Figure 48). Ainsi, son

Figure 48 : Distribution des concentrations en cadmium dissous (Cdd) en ng/l, le long du gradient de salinité de l’estuaire de la Gironde pour les missions de mars 2001 à octobre 2015 (Dabrin et al., 2009; Strady, 2010). Les points rouges, verts et bleus représentent les conditions hydriques d’étiage, de débit moyen et de crue, respectivement. Les losanges et triangles bleus sont les profils de MGTS 1 et 2 réalisés en période de crue et les carrés rouges représentent le profil de MGTS 3 réalisé en période d’étiage. * Les conditions hydriques des campagnes de l’estuaire sont inférieures à 730 m3/s.

La campagne MGTS 2 est une mission exceptionnelle puisque aucun prélèvement n’avait encore été réalisé pour un débit aussi fort (3450 m3/s). Cependant, son profil de Cdd est semblable à celui de MGTS 1, ce qui reste en-dessous des concentrations que les études ont enregistrées jusqu’à présent (Figure 48).

Les trois campagnes MGTS réalisées au cours de cette étude montrent les plus faibles additions jamais observées en Gironde depuis 2001 et ce quelle que soit la gamme de débit concernée. Les hypothèses les plus probables liées à ce résultat seraient un changement de régime hydrodynamique de l’estuaire avec des temps de résidence des eaux et des particules plus courts limitant les processus d’addition et/ou une augmentation de la dilution et/ou un changement de nature des particules estuariennes pouvant provenir de différents affluents dans le bassin versant. En effet, des variations temporaires pourraient être reliées aux distributions régionales des précipitations atmosphériques, érodant/mobilisant des particules provenant, soit des bassins versants du Massif Central, chargées en métaux désorbables (Audry et al., 2004a, 2004b; Coynel et al., 2007), soit provenant des versants pyrénéens, moins chargées mais plus

0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 0 5 10 15 20 25 30 35

Cd

d

(n

g

/l

)

mi

ss

io

n

s

2

0

0

1-2015

Salinité

MGTS 1 - 1203 m3/s MGTS 2 - 3450 m3/s MGTS 3 - 248 m3/s

abondantes. Les apports de particules issues du bassin versant moins contaminé et/ou la remise

en suspension de particules sédimentées ayant des concentrations en Cdp se rapprochant de leur

limite de désorption intra-estuarienne pourraient expliquer les faibles additions de Cdd en 2014

et 2015.

D’un point de vue réglementaire, le suivi des concentrations en Cdd dans l’estuaire a toujours montré des valeurs en-dessous de la Norme de Qualité Environnement Moyenne Annuelle (NQE-MA) des eaux de surfaces côtières fixée à 200 ng/l (Directive 2013/39/UE). En

2014-2015, l’évolution décroissante de l’amplitude de l’addition de Cdd atteint des concentrations

en-dessous de la NQE-MA de 90 ng/l (Directive 2013/39/UE) utilisée pour les eaux continentales de surface, en amont de l’estuaire (e.g. La Réole ; Annexe 4 ; Bossy et al., 2013; Coynel et al., 2016). Ces résultats nous amènent à penser que l’estuaire aurait atteint ses limites de résilience face à la contamination en Cd. Ce constat serait une excellente nouvelle pour les organismes aquatiques tels que les huîtres qui voient la fraction en Cd la plus potentiellement biodisponible

diminuer. Néanmoins, malgré des concentrations de Cdd historiquement en-dessous de la

NQE-MA marine, les teneurs élevées des huîtres sauvages de l’estuaire de la Gironde au site La Fosse les rendent toujours impropres à la consommation (>5 mg/kg p.s. ; CE No.466/2001). Nous pouvons alors nous questionner sur la fiabilité des teneurs des normes mises en place par les directives européennes. La mise en garde de l’Ifremer des NQE marines concernant Cd semble

donc des plus pertinentes (Marchand et James, 2006). De plus, les concentrations de Cdp n’ont

pas évolué vers cette résilience ce qui suggère que cette diminution des concentrations en Cdd

est potentiellement due à des variations temporaires de régimes hydrologiques et/ou d’équilibres thermodynamiques dans l’estuaire entre les phases particulaires et dissoutes.

IV. Les facteurs contrôlant les distributions de Cd

d

et Cd

p

de l’estuaire