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CHAPITRE I : CONTEXTE SCIENTIFIQUE DE L’ETUDE

II. Le cadmium en milieu aquatique 1. Présentation du cadmium

3. Comportement du cadmium en milieu estuarien

a. Influence de la salinité

Dans les estuaires, le mélange physique des eaux fluviales et des eaux côtières et océaniques gouverne la distribution des ETM. En absence de tout processus biogéochimique et/ou sources, dans l’estuaire, ce mélange des eaux conduit à une relation linéaire entre la concentration de l’élément et la salinité. Les diagrammes de mélange (Figure 2) représentent les concentrations en métaux dissous en fonction de la salinité des échantillons et caractérisent ainsi le comportement des métaux le long d’un gradient de salinité estuarien (Boyle et al., 1974). Les comportements sont dits conservatifs lorsque les concentrations suivent la droite de dilution théorique et non conservatifs lorsque les concentrations sont supérieures ou inférieures à la droite de dilution théorique (Figure 2). En cas de comportements non conservatifs, l’addition correspond au passage des ETM de la phase particulaire vers la phase dissoute et inversement la soustraction correspond au passage des ETM de la phase dissoute vers la phase particulaire (Figure 2).

Figure 2 : Diagrammes de mélange : comportements des métaux en milieu estuarien. (a) courbe de mélange pour un élément A dont la concentration est plus élevée dans l’eau de mer que dans la rivière, et (b) courbe de mélange pour un élément B dont la concentration est plus élevée dans la rivière que dans l’eau de mer (Dabrin, 2009).

En milieu estuarien, la concentration en Cdd dans l'eau est le résultat d'un équilibre entre la phase dissoute et la phase particulaire. Celui-ci implique des processus physico-chimiques variés et fait intervenir différents paramètres tels que la salinité, le débit, la turbidité et la

comportement non conservatif additif de la distribution des concentrations en Cdd le long du gradient salin (Figure 3), avec un maximum de concentrations atteint pour des salinités moyennes (e.g. estuaires de la Gironde, Boutier et al., 2000; Dabrin et al., 2009; Edmond et al., 1985; Jouanneau et al., 1990; Kraepiel et al., 1997; Michel et al., 2000; Robert, 2003; Strady, 2010 ; de la Loire, Boutier et al., 1993, de la Seine, Chiffoleau et al., 1994, 2001, de l’Amazone, Boyle et al., 1982 ; de Chang-Jiang, Edmond et al., 1985).

Quel que soit le débit hydrique lors du prélèvement et le niveau de concentrations en Cdp, le

profil des concentrations en Cdd le long du gradient salin décrit une forme de cloche,

c'est-à-dire une addition suivie d'une dilution (Figure 3). Néanmoins, les maxima de Cdd atteint pour

10<S<25 dans les trois estuaires semblent en lien avec la teneur en Cdp arrivant dans le gradient de salinité. Dans la zone de faible salinité (inférieure à 15), une addition se produit depuis la

phase particulaire. L’augmentation de Cdd avec la salinité est due à l’affinité de Cd avec le

chlore (Cl). Cette affinité en milieu salé se traduit par un processus de désorption de Cd des particules vers la phase dissoute créant des chlorocomplexes stables et solubles (Bourg, 1987; Elbaz-Poulichet et al., 1987; Kraepiel et al., 1997; Turner, 1996; Turner et al., 1993; Waeles et al., 2005), les sources intra-estuariennes d’origine anthropique ayant été estimées absentes (Jouanneau et al., 1990). Cette addition peut être observée pour différentes périodes de l’année et pour différents débits hydriques comme pour l’estuaire de la Gironde (Boutier et al., 1989; Dabrin et al., 2009; Elbaz-Poulichet et al., 1987). La diminution des concentrations pour les plus fortes salinités (supérieures à 15) montre un comportement conservatif issu de la dilution avec l’eau de mer.

Figure 3 : Concentration en cadmium dissous (CdD) et particulaire (CdP) le long des gradients de salinité des estuaires de la Seine (a,d), de la Loire (b,e) et de la Gironde (c,f). Les flèches rouges et bleues représentent les processus d’additions et de dilutions de CdD respectivement. Modifiée d’après et les flèches bleues Gonzalez et al. (2006).

b. Influence de la turbidité

La concentration en MES peut être un facteur important dans les processus de surface et semble jouer un rôle très fort dans certains processus de sorption des ETM sur les particules (Hatje et al., 2003). Dans les zones fortement turbides et anoxiques (colonne sédimentaire, zone de turbidité maximale), Cd peut précipiter sous forme de sulfures particulaires. Néanmoins, la présence de ligands dissous ayant de fortes capacités complexantes pourrait favoriser une solubilisation non négligeable dans ces milieux appauvris en oxygène, notamment lors de remise ne suspension du sédiment (Gonzalez and Chiffoleau, 1999).

c. Influence du pH

La répartition entre les différentes phases des ETM, c’est-à-dire les processus de sorption (adsorption et désorption), comme ceux contrôlant le comportement de Cd, peuvent être contrôlés par les paramètres physicochimiques tel que le pH. L’effet du pH sur la mobilisation des ETM se fait surtout sentir au niveau des sites miniers où se trouvent généralement de grandes quantités de sulfures (Bourg, 1983). Ces bassins miniers sont caractérisés par des eaux interstitielles généralement acides (e.g. Elbaz-Poulichet et al., 1999; Monterroso et Macıas, 1998) qui vont conduire à la solubilisation de nombreux ETM (e.g. Audry et al., 2005; Vigneault et al., 2001). Dans les eaux de rivières (7<pH<8), les processus de sorption sont très limités pour Mn, Co, Cd, Zn, Cr et Fe (e.g. expérimentations en laboratoire ; Hatje et al., 2003). Dans les estuaires, le pH est relativement stable (pH ≈ 8) par le fort pouvoir tampon des eaux, dû aux espèces carbonatées. Ainsi, dans les eaux douces ou estuariennes, l’effet du pH sur le comportement des ETM semble limité en comparaison avec d’autres processus présentés comme l’influence de la salinité.

d. Influence de l’oxygène

Des expériences ont été réalisés par Atkinson et al. (2007) sur les processus de libération et séquestration des ETM dans les sédiments marins avec des concentrations de métaux dans les sédiments atteignant jusqu'à 86, 240, 700 et 3000 mg/kg pour le Cd, Cu, Pb et Zn, respectivement. Les résultats ont montré que les taux de libération et de séquestration des métaux ont été beaucoup plus influencés par les variations du pH de l'eau sus-jacente (5,5-8,0)

également avérée produire des métaux plus rapidement que les perturbations biologiques (bioturbation).

e. Influence de la matière organique

La matière organique (MO) présente une aptitude particulière pour se complexer avec les ETM (Davis, 1984; Masson, 2007; Wells et al., 1998). Ainsi, les processus de dégradation et floculation dans l’estuaire affectent qualitativement la MO (Abril et al., 2002; Lemaire et al., 2002; Masson, 2007; Point, 2004; Sholkovitz et al., 1978; Wen et al., 1997) et peuvent directement influencer la spéciation des ETM (Mantoura, 1981; Mantoura et al., 1978). De plus, la dégradation de la MO peut aussi influencer localement les conditions physico-chimiques comme le potentiel redox ou le pH, et ainsi indirectement induire des redistributions entre les différentes phases des ETM. Néanmoins, des études en milieu marin et fluvial ont montré que l’affinité des métaux avec les colloïdes est déterminée par l'affinité des métaux pour des ligands organiques spécifiques et peut être décrite par la série d’Irving-Williams (Hg > Cu > Zn, Ni > Co > Fe > Mn, Cd > Mg ; Guo et al., 2000; Lemaire et al., 2006). Cette séquence suggère que Cd a une faible affinité pour la MO.

f. Processus redox

De façon générale, dans les sédiments et dans les zones à fortes concentrations en matières en suspension (MES), la dégradation de la MO par les bactéries entraîne une diminution du potentiel redox et une augmentation des conditions réductrices. La minéralisation de la MO est décrite par des réactions dites de « diagenèse », mettant en jeu une succession d’accepteurs d’électrons : oxygène, nitrate, oxydes de Mn, oxydes de Fe, sulfates (Froelich et al., 1979). La réduction de ces différents composés permet la mise en solution des ETM qui leurs sont associés (Audry et al., 2006; Gonzalez, 1992; Morford et Emerson, 1999; Robert et al., 2004a; Shaw et al., 1990). Dans les estuaires, la mise en suspension des sédiments de fonds lors des cycles de dépôt/érosion peut être responsable de l’introduction dans la colonne d’eau des ETM (dans les phases dissoute et/ou particulaire) dont la spéciation a pu être modifiée lors des réactions de diagenèse (Audry et al., 2006, 2006; Chiffoleau et al., 1994; Gonzalez, 1992; Martino et al., 2002; Robert et al., 2004b). Ces phénomènes redox sont donc très importants dans les bilans