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température

L'évolution du complexe Ru(OCOH)2PPh3(p-cym) en fonction de la température en

présence de 3 équivalents de triphénylphosphine a été étudiée par RMN 1H et 31P dans différents solvants deutérés, en commençant par le benzène-d6, permettant ainsi de se

rapprocher des conditions réactionnelles.

1. Expériences dans le benzène-d

6

Lorsque le diformiatoruthénium est mis en solution dans le benzène-d6 en présence de

trois équivalents de PPh3, aucune réaction ne se produit à 26°C (Figure D-8a). En chauffant

progressivement le mélange réactionnel, l'analyse RMN 1H montre l'apparition d'un second heptuplet (δ = 2,73 ppm, J = 7,0 Hz) accompagné d'un doublet (δ = 1,08 ppm, J = 7,0 Hz), ces signaux étant attribués au substituant isopropyle du para-cymène libre en solution. Ce dernier est issu, comme précédemment, d'un échange de ligands arènes avec le benzène-d6 qui

devient plus important à mesure que la température augmente.

A 45°C commence à apparaître un troisième complexe de ruthénium comportant un ligand para-cymène qui se caractérise par plusieurs signaux en RMN 1H : deux doublets attribués aux protons aromatiques de l'arène complexé au métal (δ = 4,87 et 4,70 ppm, J = 6,2 Hz) ainsi qu'un heptuplet (δ = 2,40, J = 6,3 Hz) et un doublet (δ = 1,07, J = 6,3 Hz) attribués au groupement isopropyle du para-cymène (Figure D-8b). Cette nouvelle espèce semble également comporter un ligand hydrure (δ = -7,1 ppm, signal large). Il faut noter qu’à cette température, l’interprétation des spectres de RMN 31P est délicate étant donné la faible résolution des différents signaux.

Le mélange réactionnel est ensuite laissé à une température de 50°C et son évolution est suivie au cours du temps. Après 13 minutes, le complexe de départ a totalement disparu et un deuxième signal mal résolu peut être observé dans la zone des hydrures avec un déplacement chimique de -18,3 ppm (Figure D-8c) correspondant à une quatrième espèce de ruthénium ne comportant plus de ligand para-cymène. Cette dernière espèce est la seule observable après une heure à 50°C.

La température de la sonde est alors baissée à 32°C afin d’obtenir des spectres RMN mieux résolus (Figure D-8d). L'analyse RMN 1H montre la présence de para-cymène libre et la formation quantitative d'un complexe de ruthénium possédant un ligand formiate (δ = 8,06- 8,08, multiplet) et un ligand hydrure caractérisé par un quadruplet à -18,25 ppm (JH-P = 26.6 Hz). Le spectre RMN 31P indique qu’il reste une triphénylphosphine libre (δ = -5,2 ppm). Un signal intégrant pour une triphénylphosphine apparaît sous forme de triplet (δ = 78,4 ppm, JP-P = 27,7 Hz) et un doublet intégrant pour deux triphénylphosphines est également présent (δ = 43,6 ppm, JP-P = 27,7 Hz). L’espèce de ruthénium formée semble donc contenir trois triphénylphosphines dont deux sont équivalentes ainsi qu'un ligand formiate et un ligand hydrure, ce dernier couplant avec trois phosphines équivalentes.

Figure D-8 : RMN 1H du mélange réactionnel composé du complexe Ru(OCOH)2PPh3(p-cym) et de trois

équivalents de PPh3 dans C6D6 : a) à 26°C; b) à 45°C; c) après 13 minutes à 50°C; d) après une heure à 50°C et

retour à 32°C.

Le mélange réactionnel a également été analysé par RMN 13C, montrant la présence de différents carbones aromatiques et d'un autre signal à 172,8 ppm qui, par rapport à d'autres complexes formiatoruthénium décrits dans la littérature,236 correspondrait à un ligand formiate

236 a) H. Suzuki, T. Kakigano, M. Igarashi, M. Tanaka, Y. Moro-oka, J. Chem. Soc., Chem. Comm. 1991, 283-

285; b) G. Jia, D. W. Meek, Inorg. Chem. 1991, 30, 1953-1955; c) M. K. Whittlesey, R. N. Perutz, M. H. Moore,

complexé au ruthénium en η2, plutôt qu'en η1. L'intermédiaire formé à 50°C serait donc le

complexe [Ru(H)(η2-OCOH)(PPh

3)3] (Figure D-9a). Ce dernier est décrit dans la littérature

comme étant le produit de la réaction entre le complexe RuH2(PPh3)4 et le dioxyde de carbone

mais il n'a jamais été analysé par RMN.237 Cependant, les différentes analyses ne permettent pas d'exclure totalement la formation du complexe insaturé [Ru(H)(η1-OCOH)(PPh

3)3] qui

pourrait d'ailleurs être en équilibre avec le précédent (Figure D-9b).

Ru Ph3P Ph3P PPh3 H O O H Ru Ph3P Ph3P PPh3 O H O H a) b)

Figure D-9 : Structures proposées pour l'intermédiaire formé au cours de la réaction entre le complexe Ru(OCOH)2PPh3(p-cym) et la triphénylphosphine à 50°C dans C6D6

Le mécanisme suivant peut être proposé pour la formation du complexe [Ru(H)(η2-

OCOH)(PPh3)3] (Schéma D-30). En omettant l’échange entre le para-cymène et le benzène-

d6, une première étape se produirait avec la décomposition en hydrure d'un des deux ligands

formiates du complexe Ru(OCOH)2PPh3(arène) via une β-élimination.238 La deuxième étape

serait un échange de ligands où l'arène serait remplacé par des triphénylphosphines conduisant au complexe [Ru(H)(η2-OCOH)(PPh

3)3]. Ru Ph3P O O O H O H Ru Ph3P O H O H Ru Ph3P Ph3P PPh3 O H O H benzène-d6 50°C R R PPh3 3 éq. + PPh3

Schéma D-30 : Formation du complexe [Ru(H)(η2-OCOH)(PPh3)3] dans C6D6

A partir de cet intermédiaire, deux mécanismes peuvent être envisagés pour expliquer la formation du Ru(0) qui est l'espèce active dans la réaction de Murai.160 Dans un premier cas,

le complexe [Ru(H)(η2-OCOH)(PPh

3)3] pourrait, par une élimination réductrice, conduire au

Ru(0) et à un équivalent d’acide formique. Une deuxième possibilité serait d’effectuer une décarboxylation du second ligand formiate pour obtenir un dihydrure de ruthénium. Le dihydrure de ruthénium réagirait ensuite avec l’oléfine mise en jeu dans la réaction de Murai pour conduire au Ru(0), comme cela avait été postulé par Murai.160

1882-1888; e) T. Gandhi, M. Nethaji, B. R. Jagirdar, Inorg. Chem. 2003, 42, 667-669; f) S. Burling, G. Kociok- Köhn, M. F. Mahon, M. K. Whittlesey, J. M. J. Williams, Organometallics 2005, 24, 5868-5878.

237 a) S. Komiya, A. Yamamoto, J. Organomet. Chem. 1972, 46, C58-C60; b) I. S. Kolomnikov, A. I. Gusev, G.

G. Aleksandrov, T. S. Lobeeva, Yu. T. Struchkov, M. E. Vol'pin, J. Organomet. Chem. 1973, 59, 349-351; c) S. Komiya, A. Yamamoto, Bull. Chem. Soc. Jpn. 1976, 49, 784-787.

238 Décarboxylation de ligands formiate sur des complexes de ruthénium : a) Y. Gao, J. Kuncheria, G. P. A. Yap,

R. J. Puddephatt, Chem. Commun. 1998, 2365-2366; b) S. Ogo, T. Abura, Y. Watanabe, Organometallics 2002,

21, 2964-2969; c) S. H. Liu, S. M. Ng, T. B. Wen, Z. Y. Zhou, Z. Lin, C. P. Lau, G. Jia, Organometallics 2002, 21, 4281-4292.

Le suivi RMN a donc été répété en chauffant le mélange réactionnel à 50°C pendant une heure. Une fois le complexe [Ru(H)(η2-OCOH)(PPh

3)3] formé, la température a été

progressivement augmentée jusqu'à 70°C. A cette température, le complexe se décompose immédiatement et un signal mal résolu est observé à -10,2 ppm. Ce dernier pourrait être attribué au complexe RuH2(PPh3)4 dont les hydrures apparaissent sous la forme d'un multiplet

à -10,1 ppm dans le benzène-d6.239 La formation du complexe RuH2(PPh3)4 a, par ailleurs, été

décrite dans une réaction entre le complexe [Ru(H)(η2-OCOH)(PPh

3)3] et la

triphénylphosphine.237 Cependant, il semble que le complexe RuH2(PPh3)4 soit instable dans

le milieu réactionnel à 70°C puisque la quantité d'hydrure diminue très rapidement. En revenant à température ambiante après trente minutes à 70°C, les signaux correspondant aux hydrures ont totalement disparu et, d'après l'analyse du spectre RMN 31P, seule la triphénylphosphine libre est présente dans le mélange. Il est probable que le dihydrure de ruthénium se soit dégradé en ruthénium métallique comme le montre la présence d'un précipité noir dans le tube RMN.

Dans le benzène-d6, le complexe Ru(OCOH)2PPh3(p-cym) évoluerait donc en plusieurs

étapes (Schéma D-31). Chauffé à 50°C, le diformiatoruthénium subirait une première β- élimination ainsi qu'un échange entre le ligand para-cymène et les triphénylphosphines présentes dans le milieu pour conduire au complexe [Ru(H)(η2-OCOH)(PPh

3)3] qui est

relativement stable. A 70°C, une deuxième β-élimination se produirait rapidement pour former un dihydrure de ruthénium. Ce dernier paraît plutôt instable dans les conditions de l'expérience et il se dégrade en noir de ruthénium.

Ru Ph3P O O O H O H Ru Ph3P Ph3P PPh3 O H O H benzène-d6 50°C 70°C [RuH2(PPh3)4] PPh3 3 éq.

Schéma D-31 : Evolution de Ru(OCOH)2PPh3(p-cym) dans le benzène-d6

Afin de confirmer ces premières observations, il a été envisagé d'effectuer ces expériences dans d'autres solvants deutérés et d'essayer d'isoler le dihydrure de ruthénium. Parmi les différents solvants testés, l'isopropanol-d8 conduit à des résultats intéressants.

2. Expériences dans l’isopropanol-d

8

Lorsqu'une solution du complexe Ru(OCOH)2PPh3(p-cym) et de trois équivalents de

PPh3 dans l'isopropanol deutéré est chauffée à 50°C pendant une heure, l'interprétation des

spectres RMN est délicate car la résolution diminue fortement. Ce problème de résolution est, en fait, dû à l'apparition d'un précipité dans la solution d'isopropanol-d8. Le précipité obtenu

est filtré et son analyse par RMN 1H dans le benzène-d6 montre la présence d'un multiplet

entre -9,91 et -10,34 ppm, intégrant pour deux protons. Ce multiplet semble en fait constitué d'un doublet de triplet superposé à un signal de bruit de fond plus large (δ = -10,16 ppm, JH-P

= 35,0 et 40,8 Hz). Ce type de signal est décrit dans la littérature pour des complexes de type RuH2(PR3)4 où les deux hydrures sont en position cis.240 En RMN 31P, deux multiplets,

239 E. Gómez-Bengoa, J. M. Cuerva, C. Mateo, A. M. Echavarren, J. Am. Chem. Soc. 1996, 118, 8553-8565. 240 P. Meakin, E. L. Muetterties, J. P. Jesson, J. Am. Chem. Soc. 1973, 95, 75-88.

intégrant chacun pour deux triphénylphosphines, sont observés (δ = 49,1-49,5 et 41,0-41,4 ppm), confirmant la formation du complexe RuH2(PPh3)4 (Schéma D-32).239 Il faut noter que

le complexe semble relativement stable à température ambiante ce qui n'était pas le cas dans les conditions précédentes.

Ru Ph3P O O O H O H iPrOH-d 8 50°C [RuH2(PPh3)4] PPh3 3 éq.

Schéma D-32 : Evolution de Ru(OCOH)2(PPh3)(p-cym) dans l'isopropanol-d8

La formation du complexe RuH2(PPh3)4 est beaucoup plus rapide dans l'isopropanol que

dans le benzène et le complexe intermédiaire [Ru(H)(η2-OCOH)(PPh

3)3] n'est pas observé. Le

mécanisme parait être différent et il semble impliquer la décarboxylation rapide des deux formiates. Il est possible d'envisager un mécanisme similaire à celui observé précédemment dans le benzène, avec la formation intermédiaire d'un formiatohydridoruthénium qui se décomposerait beaucoup plus rapidement dans l'isopropanol. Sur le complexe saturé [Ru(H)(η2-OCOH)(PPh

3)3] la β-élimination du ligand formiate ne peut pas être effectuée. En

revanche, elle devient possible dans le cas du complexe insaturé [Ru(H)(η1-OCOH)(PPh 3)3]

dont la formation est sans doute influencée par la nature du solvant utilisé et par la température, ce qui explique les différences observées au cours des deux expériences.

Ces différentes études concernant l'évolution du système catalytique in situ ont confirmé la formation d'un dihydrure de ruthénium via la formation d'un complexe diformiatoruthénium. Comme les étapes conduisant au dihydrure de ruthénium semblent favorisées par l'utilisation de solvants protiques, nous avons envisagé d'étudier l'activité du système catalytique dans la réaction d'hydroarylation des vinylsilanes dans les solvants alcooliques.

VI. Activation de liaisons C-H dans les

solvants alcooliques

Les résultats des suivis RMN ont montré que la formation du complexe diformiatoruthénium était favorisée dans un solvant protique, et que celui-ci se décarboxylait plus facilement dans l'isopropanol que dans le benzène. L'espèce active de ruthénium étant formée à plus basse température dans un solvant alcoolique, nous avons évalué l'activité du système catalytique généré in situ dans l'hydroarylation du triéthoxyvinylsilane en milieu protique et à plus basse température.