• Aucun résultat trouvé

Evolution des sex-ratios dans les conditions expérimentales

1.6. Cas de L’Anguille

1.6.2.2. Evolution des sex-ratios dans les conditions expérimentales

Salinité

Les fortes proportions de mâles observées en zone estuarienne ont suggéré que la concentration en sel favorisait la production de mâles. Cependant l’effet du sel per se n’a pas permis de mettre en évidence une production différentielle de mâle ou de femelle (Egusa et Hirose, 1973, cité dans Tesh 2003, p46).

Photopériode

A partir d’anguilles élevées depuis le stade civelle en cycle diurne complet, 20.7% de femelles ont été obtenues comparativement aux 17% de femelles produites en cycle nocturne complet (Appelbaum et Kugler, 1990), ce qui n’a donc pas permis de détecter de différences liées à la photopériode.

Température

Les premières expériences semblaient montrer que la production de mâles était plus importante dans les piscicultures d’eau chaude (D’Ancona, 1960). Plus tard, les études menées par Holmgren (1996) ont démontré que la proportion de femelles augmentait (de 7 à 14 %) avec la température (de 17 à 26°C). Cependant les fortes mortalités rencontrées dans la condition 26°C, jettent le doute sur l’effet de la température dans la mesure où les petits individus morts n’ont pas pu être sexés (Holmgren, 1996).

Densité

Egusa (1979) fut l’un des premiers auteurs à constater que les fortes densités en conditions d’aquaculture sont associées à un déséquilibre du sex-ratio qui penche en faveur des mâles chez A. japonica et A. anguilla. Plus tard Roncarati (1997) a confirmé l’effet de l’augmentation de la densité sur la production de mâles en conditions expérimentales.

Han et Tzeng (2006) constatent que le sex-ratio est biaisé en faveur des femelles (85%) dans des conditions de très faibles densités (0.01 ind/m2). Degani et Kushnirov (1992), ont démontré que le fait d’être en groupe chez des individus de 34-41 cm (13 individus) favorise

Age (années)

C

ro

is

s

a

n

c

e

Age (années)

C

ro

is

s

a

n

c

e

Fig. 12. Représentation de la croissance des individus en eau douce en fonction du temps à partir des prédictions de Helfman et al. (1987). Les flèches représentent l’âge moyen à la métamorphose en anguilles argentées et les traits pleins représentent la croissance moyenne au cours du temps. D’après Davey et Jellyman (2005).

la production de mâles (77%) et a contrario que le fait d’être isolé favorise le développement de femelles (60 % femelles). Cependant, cette dernière expérience soulève de nombreuses interrogations dans la mesure où la différenciation du sexe interviendrait bien plus tôt, entre 15 et 27 cm (Colombo et Grandi, 1996 ; Holmgren et al. 1997 ; Oliveira et McCleave, 2000 ; Melia et al. 2006).

Une étude récente a néanmoins contredit tous les résultats précédents. Elle constate que les fortes densités produisent une majorité de femelles (Huertas et Cerdà, 2006). Il convient cependant de noter que de très fortes mortalités (83,3%) sont relevées dans des conditions de plus forte densité, ce qui empêche de conclure sur l’effet de la densité sensu stricto dans le cas d’une mortalité sélective liée au sexe.

Chu et al. (2006) proposent que les fortes densités conduisent à une diminution de la nourriture (via la compétition), qui se traduit par une surproduction de mâles, plus petits.

Croissance

Exception faite de la photopériode, toutes les variables évoquées précédemment peuvent avoir un rôle non négligeable sur la croissance des individus, ce qui rend difficile l’évaluation du rôle de chaque facteur. En effet de fortes densités d’anguilles peuvent limiter la quantité de nourriture et/ou l’accès à la nourriture empêchant ainsi certains individus d’avoir une croissance optimale (Jellyman, 1997).

Sur la base de leurs tailles finales, Vladykov (1966) propose que les petites anguilles deviennent des mâles et que les plus grosses deviennent des femelles. Les nombreuses études qui ont suivi, ont donné des résultats contradictoires sur le sujet. Helfman et al. (1987) ont proposé que les mâles se reproduisent plus tôt et à une taille inférieure aux femelles, utilisant une stratégie dite « time-minimizing », qui les conduit à croître rapidement durant les premières années. Les femelles qui partent plus tard, utilisent une stratégie dite « size-maximizing », pour laquelle la taille finale des anguilles est déterminante quant à leur future valeur sélective (Fig. 12).

Ces prédictions ont été vérifiées par de nombreuses études expérimentales (Vøllestad et Jonsson, 1986 ; Holmgren et Mosegaard, 1996 ; Holmgren et al. 1997). Néanmoins, d’autres études ont montré des résultats radicalement opposés, où les femelles ont une croissance supérieure aux mâles (Vøllestad et Jonsson, 1986; Poole et Reynolds, 1996 ; Roncarati et al. 1997 ; Oliveira et al. 1999 ; Huertas et Cerda 2006 ; Daverat et al 2012). Il faut cependant noter que toutes ces expériences ont été réalisées sur des anguilles dont le sexe

Fig. 13. Courbe de croissance établie à partir du profil individuel de croissance des anguilles en forte densité (South Branch 250 kg /ha) et en faible densité (Main Drain =135 kg / ha). Trait plein : croissance réelle à partir du données de capture-recapture et pointillées : rétro-calcul de l’âge à partir de lecture d’otolithes. D’après Burnet (1969).

était déjà différencié. Les mesures de croissance ont été prises à l’échelle du groupe, ou tardivement mais individuellement, à l’aide d’un rétro-calcul basé sur les incrémentations annuelles des otolithes (et donc sujet à interprétation).

Burnett (1969) est le seul auteur à avoir suivi la croissance d’anguilles (A. Dieffenbachii) dans des conditions naturelles à l’aide d’un marquage individuel. Ces résultats indiquent que la population avec la plus faible densité (Main Drain =135 kg / ha vs South Branch 250 kg /ha), est celle présentant la meilleure croissance et qui produit le plus de femelles (20 % vs 2 %) (Fig. 13). L’auteur suggère également que la compétition induisant une relative malnutrition, conduit au développement de mâles.

Il convient de noter qu’il n’existe pas de suivi individuel permettant d’appréhender, par des mesures directes, la croissance des anguilles durant leurs premiers mois de vie en eau douce en rapport avec leur futur sexe. Or, il apparait que les facteurs environnementaux agissent sur le sexe des anguilles pendant ces premiers mois de croissance (Colombo et Grandi, 1996).

1.7. Problématique et présentation des travaux de thèse

Ces travaux de thèse s’inscrivent dans le cadre de la nouvelle directive du Conseil de l’Union Européenne (n°11000/2007) établissant que 60 % des anguillettes pêchés de moins de 12 cm doivent être dédiées au repeuplement en juin 2013. Le Groupement de recherche sur les migrateurs amphihalins (GRISAM) propose que ces repeuplements aient lieu dans des zones humides, des marais côtiers, des lagunes, des estuaires et des petits fleuves côtiers. Il souligne aussi que l’introduction massive de jeunes anguilles peut avoir des conséquences

majeures sur le sex-ratio dans ces lieux de repeuplement (Briand et al. 2008) dans la mesure

où la densité est un facteur prépondérant, influençant le déterminisme du sexe des individus. La compétition entre anguillettes nouvellement implantées et anguilles occupant déjà la niche écologique peut conduire à des changements démographiques drastiques. En effet, le repeuplement de jeunes anguillettes dans une zone lacustre du nord de l’Irlande a conduit à une migration massive de mâles adultes vers les zones en aval (Parsons et al. 1977). De plus, le sex-ratio peut être bouleversé suite à ces introductions. Verreault et al. (2009) ont constaté un changement rapide du sex-ratio après l’introduction de 40000 civelles dans un lac ne produisant que des femelles (Castonguay et al. 1994, Verreault et al. 2009).

Chapitres :

M&M

Civelles migrantes et non migrantes Mesure du Métabolisme des Civelles Comportements

Suivi croissance, sexe et métabolisme des anguilles adultes

Documents relatifs