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Dalles orthotropes : généralités, pathologies, influence du revêtement

1. Dalles orthotropes : généralités, pathologies, influence du revêtement revêtement

1.1.3. Evolution de la conception

Certaines configurations des tabliers à dalle orthotrope se sont révélées plus défavorables du point de vue de la fatigue. Afin de les rendre moins vulnérables à ce phénomène, plusieurs modifications dans la structure en acier ont été proposées et testées.

1.1.3.1. Augets ouverts / Augets fermés

Les calculs et l’expérience montrent que les augets (raidisseurs fermés) s’opposent plus efficacement aux déformations transversales de la tôle de platelage et représentent pour la structure une réduction du nombre des soudures par rapport à la solution avec raidisseurs ouverts. La forme trapézoïdale en U ou V assure à ces raidisseurs une grande rigidité en torsion. En revanche, la plus grande rigidité transversale apportée par les augets crée des points durs au niveau des encastrements auget – tôle de platelage, rendant la structure plus sensible à la fatigue. Malgré cela, les augets sont très majoritairement employés dans la conception des tabliers à dalle orthotrope [203].

1.1.3.2. Augets continus / Augets discontinus

Les retours d’expérience des ponts construits dans les années 1960 en Europe ont démontré que l’utilisation des augets discontinus est inappropriée [199]. Sur deux ponts allemands comportant des augets discontinus, un sur le Haseltal (1960) et l’autre sur le Sinntal (1968), des fissures sont apparues à la soudure entre auget et pièce de pont. Certaines de ces fissures se sont ensuite propagées jusqu'aux soudures auget – tôle de platelage adjacentes aux pièces de pont (Figure 1.5 – 1). En effet, des efforts importants sont engendrés

dans les soudures auget – pièce de pont par le retrait gêné des augets sur les pièces de pont. Les fissures de ces deux ouvrages sont vraisemblablement apparues immédiatement après soudage, à la racine du cordon. La soudure était manuelle et de mauvaise qualité, mais cela ne suffit pas à expliquer les désordres puisque, sur des ouvrages allemands de la même époque conçus avec des augets continus et le même type de soudure, aucun désordre n'a été constaté.

Récemment en France, sur le Pont de la RD201 (1969) sur le canal de Huningue à Illzach, plusieurs fissures longitudinales (244 fissures nettes), à la liaison entre auget et pièce de pont, ont été détectées (Figure 1.5 – 2). Ces fissures sont localisées en pied de cordon de soudure dans l’âme de la pièce de pont et parfois dans la tôle de platelage. Ce pont a été conçu avec des augets discontinus au droit des pièces de pont, mode constructif qui a certainement contribué à la fissuration, ainsi que la mauvaise qualité des soudures. Les augets et pièces de pont ne sont pas interpénétrés par les soudures d’angle qui n’assurent pas de continuité mécanique directe des efforts [101].

Figure 1.5. 1) Fissure dans le cordon d’attache d’un auget discontinu [127] ; 2) Pont de la RD201

1.1.3.3. Soudures

La résistance en fatigue des tabliers à dalle orthotrope est directement liée à la qualité des soudures. Le défaut ou manque de pénétration est la caractéristique de la soudure qui a le plus d’influence sur la tenue en fatigue de ce type de structure. L’évolution des procédés de soudage, passage du manuel à l’automatique (vers les années 80), les variations des positions de soudage, les méthodes de préparation des aciers de base, ont permis d’assurer une meilleure pénétration des soudures (Figure 1.6).

Figure 1.6. Influence de la préparation de bord de la tôle de l’auget [15]

Par exemple, au niveau de la liaison auget – tôle de platelage, le défaut de pénétration (Figure 1.7) a été réduit de 4 mm, pour les éprouvettes testées par Thonnard (1985) et Janss (1988), à 1 mm pour les éprouvettes des essais de Dijkstra en 2000, comme indiqué dans la thèse de Kolstein [103]. Actuellement les recommandations en vigueur en Europe (NF EN 1993-2) préconisent une valeur inférieure à 2 mm pour ce paramètre, pour considérer la procédure de soudage comme convenable [136].

Figure 1.7. Paramètres géométriques de la soudure du détail auget – tôle de platelage

Un dispositif constructif qui a été employé dans les ponts des années 1960, notamment sur le franchissement de la Severn (Angleterre – 1966) [199], très préjudiciable pour la fatigue, est le biseautage de l'auget. Il rendait l’âme parallèle à la sous face du platelage et ne permettait aucune pénétration de la soudure (Figure 1.8).

Figure 1.8. Auget biseauté utilisé sur le pont de la Severn [199]

Le deuxième paramètre géométrique de la soudure qui peut varier est le défaut d’accostage. D’après les conclusion des essais de fatigue CECA sur éléments de dalle orthotrope [15], il n’existe pas de différence significative du comportement en fatigue entre les assemblages soudés avec un défaut d’accostage de l’ordre de 2 mm ou un accostage parfait. L’Eurocode 3 partie 2 [136] requiert en toute état de cause une distance d’accostage inférieure à 2 mm.

Les essais de fatigue CECA sont les résultats d’une collaboration entre IRSID et le LCPC en 1990. Les deux principaux objectifs ont été d’optimiser la procédure de soudage et d’établir des courbes S-N pour un assemblage avec un défaut d’accostage de l’auget sur la tôle de platelage de 2 mm, et un assemblage sans défaut d’accostage. Dans les sections 1.3.3 et 1.3.4, nous abordons plus en détail ces essais et les principaux résultats.

1.1.3.4. Découpe additionnelle

Le franchissement de la Severn en Angleterre (1966) est constitué de quatre ouvrages : un viaduc d'accès de type bipoutre mixte et trois ouvrages à dalle orthotrope avec une tôle de platelage de 11 mm, des augets trapézoïdaux de 8 mm d'épaisseur, discontinus au passage des diaphragmes et soudés sur ceux-ci. Des fissures ont été constatées à la soudure auget – diaphragme (section 2.1.3.2), ainsi que des fissures longitudinales dans le platelage au droit des soudures avec les augets (section 2.1.3.3). En outre, des fissures encore plus importantes ont été observées en sous face des augets trapézoïdaux [199]. Dans cette configuration, les diaphragmes empêchent en effet la flexion des augets sous trafic, entraînant des concentrations de contraintes très importantes et des perturbations dans les flux de contraintes en pied d'auget, d'où des fissures longitudinales et transversales. Cet exemple illustre l'importance de la découpe additionnelle sur les pièces de pont pour libérer le plus possible les déformations des augets.

Sur les viaducs métalliques démontables (VMD) en France, des découpes sont également opérées entre les poutres principales et les pièces de pont, ainsi qu’au niveau de la liaison auget – tôle de platelage au droit de la pièce de pont (Figure 1.9) afin de libérer les régions de concentration de contraintes. Toutefois, la tôle du

Figure 1.9. Localisation des découpes du VMD mis à disposition par le CNPS [208]

1.1.3.5. Hauteur des augets

Le viaduc de Richemont, construit entre 1964 et 1966 sur la Moselle pour porter l'A31, est un pont bipoutre à dalle orthotrope. Sa conception a été malheureusement inspirée de celle du franchissement de la Severn. Le tablier présentait l'originalité pour la France d'avoir des augets discontinus au passage des pièces de pont. Les augets de cette dalle présentaient de plus une hauteur très faible de 185 mm, à comparer aux 300 à 350 mm préconisés aujourd'hui (les autres paramètres géométriques du viaduc de Richemont sont : espacement entre les augets 600 mm, épaisseur tôle de platelage 12 mm et épaisseur auget 6 mm). Ces deux facteurs combinés ont entraîné le développement de fissures sur les soudures de la jonction auget – pièce de pont (80 fissures constatées en 1986) et sur les soudures de la liaison auget – tôle de platelage (12 fissures en 1986). Chaque année, six mètres de fissures nouvelles étaient enregistrés [37]. Les projets de réparation (reprise des soudures, tentative de recréer la continuité des augets en découpant les pièces de pont et en soudant bout à bout les augets) n'ont malheureusement pas été concluants. La conception désastreuse du viaduc de Richemont a très vite été identifiée comme telle et, dès la construction du viaduc d'Autreville [163], sur la même autoroute A31 en 1972, des améliorations ont été apportées aux dispositions constructives : augets continus, découpe additionnelle et hauteur d'augets augmentée à 240 mm.

1.1.3.6. Dimensionnement de la tôle de platelage

Un exemple de dalle orthotrope avec un platelage sous-dimensionné à la fatigue est donné par les VMD (Figure 1.9) ou Autoponts du CNPS (Centre National des Ponts de Secours). Ces VMD sont constitués de deux poutres métalliques de 900 mm de hauteur d'âme et écartées de 2,85 m d'axe en axe. Le système bipoutre portant un tablier à dalle orthotrope, constitué d'une tôle de platelage de 10 mm soutenue par

quatre augets trapézoïdaux de 6 mm d'épaisseur, s'appuie sur des entretoises de 50 cm de hauteur d'âme et espacées de 3,00 m. Le tablier possède un revêtement routier ultramince.

Ces viaducs ont été mis en service dans les années 1970 à certains points noirs routiers, initialement de manière provisoire. Lors de leur conception, ils ont donc été assimilés à des ouvrages à caractère temporaire et il a été choisi de réduire le coefficient de majoration dynamique et donc de minimiser les contraintes de calcul pour leur dimensionnement. L'épaisseur minimale de la tôle de platelage s'est retrouvée réduite entraînant une fragilisation de la couverture des éléments de tablier, d'autant que ces ouvrages avaient pour obligation d'être légers et étaient donc très sensibles aux actions dynamiques. De plus, la fatigue n'a pas été prise en compte lors de la conception de ces ouvrages, puisque les textes réglementaires étaient inexistants en 1969 (Autoponts de 1ère génération) et 1972 (2ème génération).

Les pathologies rencontrées sont nombreuses sur ces ouvrages, qui ont finalement été exploités beaucoup plus longtemps que prévu initialement, sans entretien régulier, tout en étant régulièrement soumis à des charges de trafic très lourdes [192] :

 le complexe étanchéité–roulement a présenté des défauts d'adhérence à l'interface acier-résine, conduisant à des ruptures susceptibles d'entraîner des départs en plaques et des arrachements. La planéité du revêtement est très variable selon les éléments de tablier ;

 des fissures de fatigue ont été remarquées sur les cordons de soudure périphériques d'attache des nervures discontinues soudés bout à bout à l'âme des pièces de pont et sur les cordons de soudure longitudinaux d'attache et de raboutage des nervures sous la tôle de platelage ;

 des fissures longitudinales sont visibles au droit de la liaison auget–tôle de platelage, situées dans les zones de passage des roues des véhicules. Il s'agit d'un phénomène de fatigue dont l'initiation s’opère par effet d'entaille à la racine du cordon de soudure qui présente un manque de pénétration. Dans ces conditions, les fissures sont indécelables tant qu'elles n'ont pas débouché en face supérieure de la tôle de platelage et que le complexe étanchéité–roulement n'a pas été retiré.

Ces fissures sont ainsi la conséquence combinée de défauts de soudure, mais aussi du net sous dimensionnement de la tôle de platelage, en présence d'un revêtement ultra-mince qui n'a aucune contribution à la résistance en fatigue. A titre d'exemple, le pont levant de Rouen, récemment construit, a reçu également un revêtement ultra mince (8 mm) mais a été dimensionné avec une tôle de 14 mm, au lieu des 10 mm des VMD.