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1.4.2. Méthodes de réparation avec modification du revêtement

1.5.1.4. Comportement en traction

Le comportement en traction d’un BFUP est caractérisé par deux domaines :

 un domaine élastique jusqu’à une limite « ftj », avec un module d’Young identique à celui observé en compression ;

 un domaine post-fissuration, où l’effort est principalement pris par les fibres. Celles-ci transmettent l’effort par adhérence à la matrice cimentaire. Les caractéristiques mécaniques et géométriques des fibres sont choisies de telle sorte que celles-ci se déchaussent avant de rompre (rapport diamètre/longueur suffisamment grand, et contrainte élastique suffisamment élevée, de l’ordre de 2000 MPa). Le glissement progressif des fibres provoque un accroissement de l’ouverture de fissure, en même temps qu’une décroissance de l’effort repris par les fibres (longueur d’adhérence plus faible).

On distingue deux types possibles de comportement post-fissuration [9] :

 Comportement adoucissant (Figure 1.67 – 1) : lorsque la résistance élastique « ftj » est supérieure à la résistance post-fissuration apportée par les fibres, on a apparition d’une seule fissure en traction directe. On parle de localisation. On raisonne alors en loi « σ-w », contrainte ouverture de fissure [3] ;

 Comportement écrouissant (Figure 1.67 – 2) : lorsque la résistance élastique « ftj » est inférieure à la résistance post-fissuration apportée par les fibres, on assiste à la formation d’une multitude de fines fissures très resserrées en traction directe, équivalentes à une déformation de traction quasi-uniforme. On parle alors de multi-fissuration et on raisonne en loi « σ-ε ». Une fois la résistance maximum post-fissuration atteinte, une fissure localise, on peut alors repasser en loi « σ-w » [97].

Le caractère adoucissant ou écrouissant dépend de la quantité de fibres et de leur efficacité selon l’effet de la mise en œuvre dans la structure. Les BFUP commerciaux tels que BSI/CERACEM® et Ductal® peuvent avoir un comportement écrouissant ou adoucissant selon l’orientation des fibres.

Les recommandations de l’AFGC [3] distinguent deux familles de structures, suivant le rapport entre l’épaisseur « e » de la structure et la longueur des fibres « Lf » : les structures dites « minces » (e<3*Lf) ou « épaisses » (e>3*Lf). Cette distinction est importante du point de vue de l’orientation plus ou moins privilégiée des fibres par l’effet des parois d’un coffrage ou des surfaces libres. L’orientation des fibres doit être maîtrisée pendant la mise en œuvre du BFUP, le principe général est de couler les pièces en mettant le béton directement « dans sa position finale », afin de limiter autant que possible les écoulements et les fronts de bétonnage sans fibres transversales [159] [168].

Par simplification, les recommandations de l’AFGC considèrent un comportement adoucissant pour les éléments épais. On raisonne donc en loi « σ-w » localement, mais à l’échelle de la structure on considère une déformation équivalente égale à ε = ε élastique+ w/Lc. « Lc » est la hauteur caractéristique égale à deux tiers de la hauteur « h » de la structure considérée.

Dans cette thèse de doctorat nous nous intéresserons uniquement aux éléments minces.

Dans les éléments minces, les fibres ont une orientation quasi-2D et sont donc plus efficaces que dans les éléments épais. Par conséquent, on considère que les éléments minces auront généralement un comportement écrouissant, donc multi-fissurant. On raisonne alors en loi « σ – ε » et on utilise une procédure de caractérisation adaptée [3] [9].

Les essais utilisés pour caractériser en traction un BFUP sont les suivants : essai de flexion 4 points sur prismes non entaillés, essai de flexion 3 points sur prismes entaillés et essai de traction directe sur éprouvette entaillée ou non.

Dans la plupart des situations pratiques hors laboratoire, la réalisation d’essais de traction directe est délicate, et on détermine « ftj » avec un essai de flexion 4 points non entaillé. La loi post-fissuration est obtenue dans le cas adoucissant grâce à un essai de flexion 3 points entaillé puis analyse inverse. Dans le cas d’une loi écrouissante, la loi post-fissuration est issue d’un essai de flexion 4 points non entaillé puis analyse inverse [83].

1.5.1.5. Comportement en fatigue

Les trois types d’essai utilisés pour caractériser le comportement en fatigue des BFUP sont : compression uniaxiale [115] ou triaxiale [86], traction uniaxiale et flexion [75] [130] [144] [185]. Ce dernier type

d’essais est utilisé lorsqu’on s’intéresse à la fatigue oligocyclique (séisme) ou à la fatigue élastique (sous chargement de service).

Parant [144] dans ses études sur le CEMTECmultiscale ®

(dallettes en BFUP sollicitées en flexion 4 points) a déterminé trois phases du processus de ruine par fatigue :

 la micro-fissuration de la matrice cimentaire ;

 le phénomène de pontage : de plus en plus de fibres participent à la reprise des efforts, les fissures se stabilisent. Cette étape est celle qui comprend le plus grand nombre de cycles ;

 l’accélération de l’endommagement jusqu’à la rupture : les fibres se déchaussent, le matériau n’est plus cohérent.

D’autres conclusions du travail de Parant sont également intéressantes à souligner :

 définition d’un seuil de déformation critique en dessous duquel la dallette en matériau CEMTECmultiscale

®

ne se rompt pas (1,27.10-3) ;

 définition d’une limite d’endurance à deux millions de cycles supérieure à la limite élastique en traction ;

 identification d’un gain de résistance d'environ 7 % en flexion statique entre les dallettes ayant subi le chargement de fatigue et celles initialement vierges de tout endommagement.

La courbe de Wöhler reconstituée à partir des essais de Parant est présentée dans la Figure 1.68 ci-après.

Figure 1.68. Courbe de Wöhler reconstituée – essai de traction par flexion [144]

Dans le cadre du projet Orthoplus, la caractérisation du comportement en fatigue du matériau BFUP (dans ce cas d’étude le BSI/CERACEM®) a été faite à travers des essais de traction compression d’éprouvettes cylindriques (7 cm de diamètre par 14 cm de hauteur) entaillées (entaille : hauteur moyenne de 3,2 mm et

profondeur moyenne de 8,1 mm) [5]. Les essais ont été réalisés à 10 Hz avec un niveau de sollicitation de ±3 MPa. (30% de la résistance maximale en traction du BSI/CERACEM®).

Des essais ont été réalisés pour ajuster le niveau de sollicitation de l’essai, il ressort qu’une charge de presque 6 MPa est trop importante. Il ne serait donc pas recommandable d’utiliser le BSI/CERACEM® si la structure risque d’être exposée à ce niveau de sollicitation en traction directe.

Ces premiers essais ont permis de tracer une première ébauche de la courbe S-N (ou courbe de Wöhler) avec les points obtenus (Figure 1.69). Les résultats doivent toutefois être nuancés car l’entaille joue un rôle extrêmement pénalisant pour la tenue en fatigue du matériau.

Figure 1.69. Courbe de Wöhler du BSI/CERACEM® [5]

D’autres résultats de fatigue en traction par flexion tendent à faire état d’une pente plus faible de la courbe S-N pour des nombres élevés de cycles (plus d’un million), ce qui conforte les recommandations AFGC [3] dans la limitation des contraintes de service en référence aux limites mesurées en quasi statique [130] [185].

1.5.1.6. Retrait et fluage

Le rapport E/L très faible des BFUP provoque un retrait endogène très important de l’ordre de 550 µm/m et un retrait de dessiccation très réduit de l’ordre de 150 µm/m pour les BFUP sans traitement thermique (retrait nul après le traitement thermique).

Malgré la très forte valeur de retrait, il demeure possible de couler une fine couche de BFUP sur une structure existante massive sans observer de désordres. Nous pouvons citer le renforcement d’un parking à Perpignan [178], 25 mm de BFUP coulés au tour d’un poteau de 1,0 m x 0,40 m, ou le renforcement des piles du Viaduc de Valabres [129] avec 10 cm de BFUP sur le pourtour (protection contre l’abrasion), et

Le coefficient de fluage des BFUP non traités thermiquement est comparable au coefficient obtenu pour des BHP avec fumée de silice, soit entre 0,8 et 1,0. Avec un traitement thermique, ce coefficient de fluage diminue entre 0,2 et 0,5.

1.5.1.7. Indicateurs de durabilité

Les résultats présentés dans le Tableau 1.5 confirment la plus grande durabilité des BFUP par rapport aux autres types de bétons. Pour l’ensemble des indicateurs de durabilité classiques, les valeurs obtenues pour les BFUP vont dans le sens d’une nette amélioration de la durabilité.

D’autres phénomènes potentiels de dégradation intrinsèques à la composition des BFUP ont été étudiés : corrosion des fibres métalliques, risque de RSI lié au traitement thermique de certains BFUP, réhydratation éventuelle. Les différentes études menées sur ces pathologies ont démontré un bon comportement des BFUP. Ainsi, par exemple, vis-à-vis de l’éventuelle cicatrisation, le clinker résiduel dû à la limitation des réactions d’hydratation par la faible teneur en eau de ces matériaux constitue plutôt un avantage. Il augmente le module d’Young moyen de la pâte de ciment, cicatrise les microfissures par condensation capillaire et formation d’hydrates et lutte contre les agressions chimiques en maintenant le niveau de pH alcalin et de concentrations ioniques nécessaires à la stabilité des hydrates [31].

BO BHP BTHP BFUP

Porosité à l'eau

(%) 14 à 20 10 à 13 6 à 9 1,5 à 5,0

Perméabilité à l'oxygène

(m2) 1,0E-16 1,0E-17 1,0E-18 1,0E-19

Coefficient de diffusion

des ions chlore (m2/s) 2,10E-11 2,10E-12 2,10E-13 2,10E-14 Teneur en portlandite

(kg/m3) 76 86 66 0

Tableau 1.5. Indicateurs de durabilité des BFUP comparés à d’autres familles de bétons [31]

Les BFUP sont donc des matériaux à fort potentiel au sens des performances mécaniques et de la durabilité, mais également vis-à-vis des critères du développement durable.

A masse équivalente le matériau BFUP présente une empreinte environnementale en CO2 et en énergie environ deux fois plus grande qu’un béton ordinaire. Toutefois ses très bonnes caractéristiques mécaniques autorisent une réduction importante des quantités permettant ainsi d’améliorer le bilan environnemental. En outre, des gains significatifs sont possibles en termes de durabilité et légèreté. Il est donc important d’intégrer une anticipation du gain de durabilité permis par les solutions BFUP, particulièrement pertinentes lorsqu’on recherche des structures « inusables » ou évolutives, compte tenu des coûts économiques, d’image, de niveau de service opérationnel et des coûts environnementaux des opérations d’entretien et

maintenance requis par les solutions traditionnelles [155]. Particulièrement en terme de bilan environnemental, toutes les comparaisons entre des conceptions alternatives d’un même ouvrage doivent être établies à l’échelle de l’ouvrage et sur l’ensemble de son cycle de vie.

Les performances mécaniques des BFUP, leur durabilité, l’étanchéité, et le fait de pouvoir travailler avec des éléments très minces (de l’ordre de 20 mm) ont rendu ce matériau très approprié pour la réparation des tabliers de ponts. Deux exemples ont été présentés dans cette section : le pont Kaag [87] [99] [196] et le pont Log Cezsoski [160].

Cette démarche peut s’appliquer aux tabliers à dalle orthotrope (construction ou réparation). Dans le cas spécifique de ces ouvrages, les deux principaux objectifs visés avec l’utilisation du BFUP sont le renforcement de la structure et le gain de poids : évoluer d’un système de revêtement « traditionnel » recommandé par l’Eurocode 3 partie 2, soit environ 70 mm de béton bitumineux, vers un système de revêtement en BFUP d’épaisseur deux fois plus faible (35 mm). Grâce aux propriétés mécaniques du BFUP, on peut envisager de réduire également l’épaisseur de la tôle de platelage en acier sans diminuer la rigidité globale de la structure, ce qui est très important pour la tenue en fatigue de ce type d’ouvrage. Le BFUP pourrait remplir aussi la fonction de protection anticorrosion de la tôle de platelage en acier.

1.6. Perspectives d’un revêtement BFUP pour améliorer le comportement