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II.1. Essais de tolérance en milieu gélosé

II.2.1. Etude préliminaire avec Absidia cylindrospora

II.2.1.1. Evolution de la biomasse et du pH

La figure 26 montre la production de biomasse pour chaque essai, exprimée en pourcentage, selon (1), par rapport au témoin correspondant. Les valeurs moyennes de production de biomasse sont mentionnées dans le tableau 33 de l'annexe V (page 243). Le tableau 34 de l'annexe V détaille les résultats de biosorption (page 243).

Figure 26 : évaluation de la biomasse fongique d'A. cylindrospora après exposition aux métaux en milieu liquide. Les pourcentages représentent la masse de mycélium produite par l'isolat par rapport au témoin (sans métal) dans les mêmes conditions.

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Le tableau 20 présente les valeurs de pH du milieu de culture mesurées au début et à la fin de l'expérience. Deux témoins sans métaux ont été réalisés. Le premier contient seulement le milieu de culture et montre la stabilité du pH du milieu de culture tout au long de l'expérience (pH = 5,4). Le second contient le milieu de culture et le mycélium d'Absidia cylindrospora (mais pas de métal) et montre une baisse de pH après 3 et 7 jours de culture. Cette baisse de pH est attendue et attribuée au métabolisme des sucres qui acidifie le milieu de culture (Gadd 2004 ; chapitre 1 paragraphe IV.4, page 63). Le pH du milieu varie ainsi de 5,4 à 4,0 après 3 jours et à 3,6 après 7 jours de culture. Trois autres témoins contenant chacun le milieu de culture et un des 3 sels métalliques utilisés (à la dose de 100 mg.L-1) ont aussi été réalisés et montrent l'influence de ces sels métalliques sur le pH du milieu de culture : leur présence induit une légère baisse de pH après 3 jours, mais cette influence n'évolue pas à 7 jours. En effet, après 7 jours, les pH sont respectivement les mêmes qu'à 3 jours. Ainsi, CdSO4 diminue le pH de 0,2 unités après 3 jours (qui passe alors de 5,4 à 5,2) ; CuSO4 diminue le pH de 5,4 à 4,4 et enfin PbNO3 diminue le pH de 5,4 à 4,9. On peut donc s'attendre à une baisse de pH au cours des essais, due à l'action combinée du métabolisme fongique et des sels utilisés.

Tableau 20 : moyennes des valeurs de pH au cours de l'expérience en milieu liquide (3 réplicats). Les écart-types sont donnés entre parenthèse.

Condition pH0 pH2

3 jours 7 jours

Milieu de culture seul

(témoin) 5,4 (0,0) 5,4 (0,0) 5,4 (0,0) Témoin Sans métal Avec mycelium 5,4 (0,0) 4,0 (0,1) 3,6 (0,3) Témoin Avec métal (100 mg.L-1) Sans mycélium 5,4 (0,0) Cd 5,2 (0,0) Cd 5,2 (0,0) Cu 4,4 (0,0) Cu 4,4 (0,0) Pb 4,9 (0,1) Pb 4,9 (0,1) Cd 50 mg L-1 5,4 (0,0) 4,2 (0,1) 1,8 (0,0) Cd 100 mg L-1 4,1 (0,1) 1,5 (0,0) Cu 50 mg L-1 5,4 (0,0) 3,7 (0,0) 3,8 (0,1) Cu 100 mg L-1 3,6 (0,1) 3,8 (0,1) Pb 50 mg L-1 5,4 (0,0) 2,0 (0,0) 2,1 (0,1) Pb 100 mg L-1 1,8 (0,1) 1,7 (0,1)

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Cas du cadmium

En présence de Cd, à 50 et 100 mg.L-1, après 3 jours de croissance, la biomasse produite par

Absidia cylindrospora n'est pas statistiquement différente de celle du témoin (p = 0,3939). Les

biomasses obtenues aux 2 doses après 7 jours sont comparables entre elles mais significativement inférieures au témoin (p = 0,022). Elles ne représentent alors que 65% du témoin, le défaut de production de biomasse suggère alors la toxicité du Cd dans ces conditions (figure 26). On peut supposer qu'une lyse cellulaire (due à la toxicité du Cd) se manifeste au-delà d'un certain temps. Cette lyse cellulaire pourrait expliquer qu'après 7 jours, la production de biomasse est inférieure à celle produite après 3 jours d'exposition (à la même dose).

Après 3 jours aux 2 doses d'exposition, le pH du milieu de culture (respectivement 4,2 et 4,1) n'est pas statistiquement différent de celui du témoin avec mycélium mais sans métal (4,0 ; p = 0,2424). En revanche, après 7 jours, une baisse importante et statistiquement significative à 1,8 et 1,5 est notée respectivement pour les deux doses (p = 0,0022), comparées aux valeurs obtenues après 3 jours. Cette diminution n'est pas due au développement mycélien puisque le témoin sans métal a un pH deux fois plus élevé (3,6) après 7 jours de culture. Cette diminution significative du pH est probablement due à la sécrétion d'acides organiques par le mycélium. En effet, de nombreux auteurs ont montré que ces sécrétions jouent un rôle important dans la détoxication des métaux, en les complexant (chapitre 1, paragraphe IV.4, page 63). L'acide oxalique est souvent cité comme un di-acide organique majeur de la détoxication des métaux par les champignons (Glasauer et al. 2013; Gadd et al. 2014). Phanerochaete

chrysosporium est une espèce modèle souvent étudiée vis-à-vis de la biosorption des métaux et de la

bioremédiation en général. Chen et al. (2015) ont étudié le profil de sécrétion extra cellulaire (notamment production d'acide oxalique, activité enzymatique des lignine peroxydases et manganèse peroxydases dans le milieu de culture) de cette espèce. Ils ont montré l'induction de la sécrétion d'acide oxalique lors d'un stress par le Cd, confirmant ainsi son rôle dans la stratégie de détoxication de ce champignon.

Pour les 2 doses, le temps d'exposition plus long semble favoriser l'expression de la toxicité du Cd et a la plus forte influence sur le pH et la production de biomasse.

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Cas du cuivre

Après exposition à Cu, les biomasses ne sont pas statistiquement différentes et représentent 100% de la biomasse du témoin quelles que soient les durées ou les doses d’expositions (p = 0,2403 après 3 jours et p = 0,3939 après 7 jours). Cu ne semble pas influencer l’évolution du pH dans nos conditions de culture. Selon ces paramètres, Cu ne semble pas exprimer de toxicité vis-à-vis du développement du mycélium d'Absidia cylindrospora. Ces résultats sont assez contrastés avec ceux de l'essai de tolérance en milieu gélosé. En effet, lors de ce précédent essai, A. cylindrospora tolérait mieux Cd que Cu (chapitre 3, paragraphe II.1, page 104). Or, ici, les résultats semblent suggérer que Cu est mieux toléré que Cd en milieu liquide.

Les résultats suggèrent que Cu n'altère pas la production de biomasse et n'induit pas de production d'acides en milieu liquide, dans les conditions expérimentales utilisées. On pourrait aussi supposer qu'un mécanisme de défense efficace puisse s'exprimer en milieu liquide mais pas en milieu gélosé (ou ne pouvant diffuser suffisamment dans le milieu gélosé pour capter Cu et bloquer son action toxique).

Cas du plomb

Dans toutes les conditions testées, Pb altère la production de biomasse de manière équivalente (p = 0,937 après 3 jours et p = 0,9372 après 7 jours). La biomasse représente alors 65 % de la biomasse du témoin. Ces 2 doses perturbent donc le développement fongique aux 2 temps d'exposition de façon similaire.

Concernant le pH, Pb semble aussi avoir une influence importante et rapide puisque quels que soient la dose et le temps d'exposition, une forte baisse, jusqu'à un pH de 2, est enregistrée.

Ces résultats suggèrent donc que Pb altère la production de biomasse et induit la production d'acides dans toutes les conditions de l'expérience.

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II.2.1.2. Conclusion

Ces résultats suggèrent qu'un temps plus long d'exposition permet l'expression de la toxicité du Cd qui se traduit par une production de biomasse plus faible par rapport au témoin et une influence sur le pH plus forte après 7 jours d'exposition. Les conditions de culture en milieu liquide ne permettent pas l'expression de la toxicité de Cu, qui est pourtant un antifongique reconnu. Enfin, Pb semble être l’élément le plus perturbateur puisqu'une influence importante sur la production de biomasse et le pH est notée même à la dose la plus faible et après le temps d'exposition le plus court. Finalement, dans ces conditions, Pb est le métal le plus perturbateur, suivi de Cd, puis de Cu. Ces résultats contrastent avec l’essai de tolérance en milieu gélosé à la fin duquel Cu était le moins toléré, suivi de Pb et de Cd. Une biodisponibilité différente des sels métalliques, ou une efficacité différente des mécanismes de défense (lié à la diffusion des molécules sécrétées) dans ces deux types de milieu (solide et liquide) est peut-être à l'origine de ces différences.

On note donc le rôle important des conditions expérimentales appliquées qui semblent influencer la réponse au stress induit par les métaux chez les champignons. On note également que les nitrates ne semblent pas réduire la toxicité du Pb vis-à-vis de la production de biomasse comme évoqué au chapitre 3, paragraphe II.1.2 (page 117).