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3. Le Transfert de Gène Horizontal chez les mycoplasmes

3.2. Evidence in silico de transferts chromosomiques chez les mycoplasmes

Le séquençage et la comparaison des génomes ont permis de détecter des échanges chromosomiques chez les mycoplasmes, alors que leur évolution était vue comme uniquement régressive (Sirand-Pugnet et al. 2007a; Citti et al. 2018). Ces échanges chromosomiques horizontaux ont été détectés in silico entre des espèces de mycoplasmes éloignées phylogénétiquement mais partageant la même niche écologique. Les transferts de gènes ont été détectés essentiellement par la recherche des BBH "Best Blast Hit", c’est-à-dire des gènes ayant la plus forte homologie chez d’autres organismes, et par reconstructions phylogénétiques à partir de certains gènes des mycoplasmes. Des échanges important ont eu lieu entre M. agalactiae et des mycoplasmes du cluster Mycoides, tous deux pathogènes de ruminants. D'autres événements de transferts de moindre ampleur ont été détectés entre

M. hominis et U. parvum, tous deux retrouvés chez l’Homme, et entre M. synoviae et M. gallisepticum, deux pathogènes de volaille (Figure 2).

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3.2.1. Entre pathogènes de ruminants

Le génome du pathogène de petit ruminant M. agalactiae (souche PG2, clone 55-5) a été entièrement séquencé en 2007 (Sirand-Pugnet et al. 2007b). Une comparaison avec les autres génomes de mycoplasmes disponibles a montré que 134 gènes proviennent potentiellement d’échanges avec des mycoplasmes du cluster Mycoides éloigné phylogénétiquement, dont font partie M. capricolum subsp. capricolum et M. mycoides subsp. capri. Le cluster Mycoides rassemble des pathogènes de ruminants mais il est appartient au groupe phylogénétique des Spiroplasma alors que M. agalactiae fait partie du groupe Hominis (Figure 2). Ces échanges de gènes représentent 18 % du génome de M. agalactiae, ils sont regroupés au niveau de 11 régions réparties tout le long du génome, qui présentent une synténie conservée chez les mycoplasmes du cluster Mycoides (Figure 12). Parmi les séquences codantes échangées on retrouve des HP (50), des HP associées à la membrane (24) des transporteurs (18), des enzymes impliquées dans le métabolisme (19), des pseudogènes (21), une protéine de phage (1) et une transposase (1). Sur les 134 gènes associés à des échanges, un grand nombre code pour des protéines membranaires, ce qui suggère leur implication dans la colonisation des petits ruminants.

Figure 12 : Régions échangées entre M. agalactiae et le cluster Mycoides.

Les positions des 11 régions échangées sont indiquées en jaune sur le génome circulaire de la souche PG2 de M.

agalactiae. La position des ADNr 16S-23S est indiquée par une étoile et celle de l’ADNr 5S par un point. Le vestige

d’ICE de PG2 est lui indiqué par une croix noire. Les gènes qui présentent la même organisation chez les deux partenaires sont indiqués par un trait rouge horizontal. Les pseudogènes sont marqués d’une croix rouge. HP : protéines hypothétiques ; CHP : protéine hypothétique conservée ; Lipo : lipoprotéines ; TMB : protéine prédite comme étant transmembranaire. (Sirand-Pugnet et al. 2007b).

46 Un exemple de gènes transférés est le locus du transporteur ABC d’oligopeptides (opp), retrouvé en deux copies chez M. agalactiae. Une copie est semblable à celle du cluster Mycoides alors que l’autre copie est proche de M. pulmonis, un membre du groupe Hominis. Quatre séquences codantes sont suspectées de provenir d’un transfert horizontal entre

M. agalactiae et des mycoplasmes du groupe Pneumoniae, et 10 CDS avec des bactéries ne

faisant pas partie des Mollicutes.

3.2.2. Entre pathogènes humains

La souche PG21 de M. hominis a été séquencée en 2009 et comparée avec les génomes d’autres mycoplasmes humains, M. genitalium G37 et U. parvum serovar 3 (Pereyre et al. 2009). Lors de cette étude, un échange de gènes entre M. hominis et U. parvum a été mis en évidence, il correspond à 23 gènes, répartis sur 5 loci et représente 5 % du génome de

M. hominis. Ces deux mycoplasmes sont retrouvés dans le tractus urogenital de l’Homme mais M. hominis fait partie du groupe phylogénétique Hominis et U. parvum du groupe

Pneumoniae. Les CDS transférées correspondent à des systèmes de restriction/modification de type I (8) et de type III (3), à des HP conservées (7), à des pseudogènes d'une IS (2), à une ATPases (2) et à une intégrase/recombinase (1). Également une CDS codant pour une cytosine DNA méthyltransferase possède un homologue uniquement chez M. mycoides subsp.

mycoides, et 5 CDS trouvent leurs plus proches homologues chez des bactéries autres que les Mollicutes (Listeria, Streptococcus et Helicobacter).

3.2.3. Entre pathogènes de volailles

Lors du séquençage de M. synoviae (souche 53) en 2005, l’analyse comparative avec les génomes déjà séquencés a mis en évidence des échanges chromosomiques de gènes entre

M. synoviae et M. gallisepticum (Vasconcelos et al. 2005). Ces résultats ont été confirmés par

une seconde étude en 2007 (Sirand-Pugnet et al. 2007b). Ces deux mycoplasmes sont des pathogènes des volailles mais appartiennent à des groupes phylogénétiques distincts : Hominis pour M. synoviae et Pneumoniae pour M. gallisepticum (Figure 2). Les échanges chromosomiques sont regroupés au niveau de 14 régions, la plus grande faisant 5,9 Kb et représentant 3 % du génome de M. synoviae. La plupart des gènes transférés n’ont pas d’homologie avec d’autres gènes de fonction connue et sont annotés comme protéines hypothétiques (HP). Parmi les autres gènes sont retrouvés : un ABC transporteur, une

47 peptidase signal de type I, un facteur d’élongation (EF-G) et des transposases. De plus des gènes liés à la pathogénicité ont été transférés entre ces deux espèces de mycoplasmes, il s’agit de sialidases, précédemment identifiées comme facteur de virulence chez M. alligatoris (Brown et al. 2004). Egalement, un locus comprenant plusieurs hémagglutinines pouvant jouer un rôle dans l’interaction de ces mycoplasmes avec leurs hôtes a été échangé (Noormohammadi et al. 1998). Six de ces gènes sont présents uniquement chez M. synoviae et

M. gallisepticum (Sirand-Pugnet et al. 2007a), ce qui renforce l'hypothèse qu’ils aient un rôle

dans l’adaptation à leurs hôtes, les volailles.

3.2.4. Entre pathogènes de plantes

Des échanges de gènes ont également été mis en évidence entre spiroplasmes, des Mollicutes infectant les plantes et leurs insectes vecteurs. Alors que la plupart des spiroplasmes du clade Mirum, sont associés aux insectes, S. eriocheris est un pathogène de crustacé, isolé chez le crabe (Wang et al. 2011). L’analyse de son génome suggère que 7 % de ses gènes ont été acquis par HGT avec des bactéries n’appartenant pas aux spiroplasmes (Lo et al. 2015). La comparaison avec le génome de S. atrichopogonis, une espèce très proche de S. eriocheris qui infecte les insectes a montré que ces échanges ont eu lieu au niveau de leur ancêtre commun. Chez S. atrichopogonis les gènes acquis par HGT sont devenue des pseudogènes, suggérant que leur acquisition n’a entrainé aucun bénéfice (Lo et al. 2015) (Figure 13). Ceci vient renforcer l'hypothèse que ces gènes échangés, qui sont principalement des transporteurs et des enzymes métaboliques ont joué un rôle dans le changement d'hôte de S. eriocheris.

Figure 13 : HGT et évolution du clade Mirum des Spiroplasmes.

Les cercles représentent les chromosomes de chaque spiroplasme et de leur ancêtre. Les organismes hôtes sont représentés à droite. L’étape 1 correspond à l’acquisition de gènes et l’étape 2 à l’acquisition d’EGM et à la formation de nombreux pseudogènes (adaptée de Lo et al. 2015).

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