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3. Le Transfert de Gène Horizontal chez les mycoplasmes

3.4. Démonstration in vitro de HGT par conjugaison chez M agalactiae

3.4.1. Transfert des ICE de mycoplasmes

Le transfert horizontal des ICE n'a été à ce jour exploré que chez M. agalactiae. Le premier transfert a été démontré entre la souche 5632, qui possède 3 copies d’ICE et la souche PG2, dépourvue d'ICE (Dordet Frisoni et al. 2013). Des expériences d’accouplement (appelé mating) ont été réalisées avec la souche 5632 portant un marqueur de résistance inséré dans l’ICE et la

61 souche PG2 portant un autre marqueur de résistance inséré dans le chromosome (Figure 20). Les phénomènes de transfert conjugatif observés se produisent à une fréquence très faible, de l'ordre de 1.10-8 transconjugants/CFU donneur, et l’intégration des ICE se fait de façon aléatoire dans le génome. L’acquisition d’un ICE confère des capacités de conjugaison à la cellule receveuse. En effet, la souche PG2 qui a acquis un ICE peut ensuite la transférer à d’autres souches (Figure 20).

Figure 20: Transfert de l'ICE chez M. agalactiae.

Expériences de mating réalisées avec les souches 5632 et PG2. Les petits ronds indiquent les marqueurs de résistance à la gentamicine (G) à l'enrofloxacine (E) et à la tétracycline (T). Les ICE sont représentés en noir (adaptée de Dordet Frisoni et al. 2013).

Les ICE s’excisent et se circularisent par recombinaison au niveau de DR de 8 pb, formant ainsi une jonction de 6 pb. L'excision et la recombinaison des ICE se font grâce à la CDS22, une recombinase de type DDE, faisant partie de la famille des "Mutator like" (Guérillot et al. 2014). Ce type de transposase est principalement retrouvée associée à des transposons chez les autres bactéries. Une DDE transposase est également impliquée dans le transfert de certaines ICE chez Streptococcus mais dans ce cas leur intégration s'effectue au niveau de régions promotrices, et non aléatoirement comme chez les mycoplasmes (Brochet et al. 2009). Un locus de 7 protéines comportant des domaines transmembranaires (CDS5-CDS19) est porté par l'ICE, il contient les CDS5 et CDS17 (Figure 21). CDS5 est une protéine de couplage et CDS17 une ATPase permettant le transport d'ADN. Ce locus pourrait constituer le pore de conjugaison par lequel l'ADN est transféré.

62 Des expériences de mutagénèse par transposition ont permis d'identifier de nombreuses CDS essentielles au transfert de l'ICE (CDS1, A, C, 5, 7, 15, 16, 17, 19, 14, 30, G, 22) (Figure 21). La CDS14 est une lipoprotéine exprimée à la surface et requise pour le transfert. Son inactivation peut être complémentée par un vecteur contenant le gène sauvage qu'il soit chez la donneuse ou chez la receveuse. Son rôle supposé est d'établir un contact entre les cellules afin d'initier le processus de transfert (Dordet Frisoni et al. 2013; Baranowski et al. 2018). Lorsque plusieurs copies d'ICE sont présentes, comme c'est le cas chez la souche 5632, un phénomène de trans- complémentation entre les différentes copies d'ICE a lieu pour la CDS14, mais pas pour d’autres CDS essentielles au transfert, comme les CDS5 et CDS22 (Baranowski et al. 2018).

Figure 21 : Organisation et fonctions des CDS des ICE de la souche 5632.

(A) Le nombre ou la lettre correspondant à chaque CDS est indiqué dessous. Les CDS grises contiennent des domaines transmembranaires. La lipoprotéine, CDS14 est représentée en noir. (B) Schéma représentant le modèle actuel du transfert des ICE chez les mycoplasmes (adaptée de Baranowski et al. 2018).

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3.4.2. Transfert chromosomique

Au cours des études sur le transfert d’ICE chez M. agalactiae, certains résultats ont suggéré un transfert d'ADN chromosomique, appelé MCT (Mycoplasma Chromosomal Transfer) mais dans le sens opposé au transfert d’ICE : de la souche PG2 (ICE négative) vers la souche 5632 (ICE positive) (Dordet-Frisoni et al. 2014). Des expériences de mating entre les souches PG2 et 5632, portant un marqueur de sélection à l’extérieur des ICE, ont permis d’obtenir des doubles résistants à une fréquence de 1.10-8 transconjugants/CFU donneur. Le MCT est résistant à l'ajout de DNase dans le milieu, ce qui indique qu'il se produit par conjugaison. Il a lieu en même temps que le transfert de l'ICE au sein de la même population et à la même fréquence, mais l'ADN transféré n'est pas directement associé aux ICE. Le MCT consiste au remplacement de larges régions chromosomiques (pouvant atteindre 80 Kb) par son équivalent chez la donneuse (PG2) par recombinaison homologue, comme observé lors d'un crossing over. L'analyse par séquençage d'un pool de transconjugants a révélé que n'importe quelle région du génome de 5632 pouvait être remplacée par sa contrepartie PG2 (Dordet-Frisoni et al. 2014) (Figure 22).

Figure 22 : Tout le génome de PG2 peut être transféré chez 5632.

A l’issue de mating entre la donneuse PG2 et la receveuse 5632, un pool de 200 transconjugants a été séquencé. Les

reads correspondant à la souche PG2, donc aux fragments échangés, alignés sur le génome de PG2 sont visualisés

avec IGV. Dix PG2 marquées par la gentamicine (G) et une 5632 marquée à la tétracycline (position relative indiquée par la flèche) ont été utilisées comme souches parentales (adaptée de Dordet-Frisoni et al. 2014).

Afin d'étudier les évènements de recombinaison indépendamment des étapes de conjugaison et de transfert, des expériences de fusion membranaire à l'aide de PEG (polyéthylène glycol) ont été réalisée. Dans ces conditions, la souche 5632 reste toujours receveuse et la PG2

64 donneuse. L'ajout de PEG permet également d'obtenir des échanges d'ADN entre deux souches PG2, soit en l’absence d’ICE fonctionnel. Ceci suggère fortement que la recombinaison génomique n'est pas liée à la présence d'ICE. L'implication des ICE dans le MCT serait d'établir un contact cellulaire pour initier le transfert (Dordet-Frisoni et al. 2014).

Des mécanismes de transfert chromosomique ont été mis en évidence chez d'autres bactéries, comme par exemple le transfert High frequency recombination (Hfr ou oriT) identifié au départ chez E. coli. Dans le transfert Hfr, le plasmide conjugatif F peut s'intégrer au chromosome. Dans ce cas, une portion du plasmide, débutant à l’oriT accompagnée de régions chromosomiques est transférée (Lloyd et Buckman 1995). Ces régions chromosomiques suivent un gradient : plus elles sont proche de l’oriT, plus elles ont de chance d’être transférées. En général, le plasmide F n’est pas transmis dans sa totalité, la cellule receveuse n'acquiert donc pas de capacité de transfert. Le MCT de M. agalactiae reste atypique car il n'est pas physiquement associé à un EGM et toutes les régions sont transférables avec la même fréquence.

Chez M. pulmonis, une étude a montré le transfert d'un transposon par conjugaison (résistant à l'ajout de DNase) avec ou sans PEG (Teachman et al. 2002). Récemment, des transferts chromosomiques on été mis en évidence chez un autre mycoplasme, M. genitalium (Torres- Puig et al. 2018) mais uniquement en condition de surexpression du facteur de transcription alternatif sigma (σ20) et en présence de recA, impliqués dans la recombinaison. Aucun ICE n'a été détecté à ce jour chez M. pulmonis ou M. genitalium (Citti et al. 2018).

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