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CHAPITRE IV : CRISTALLISATION DE LA FRACTION LIPIDIQUE

A. Evolution des propriétés physico-chimiques du produit au cours du stockage

2. Evaluation de la réaction de Maillard

La réaction de Maillard, ou autrement appelée « réaction de brunissement non-enzymatique », est une réaction complexe et toujours à l’étude. Un schéma général présentant les étapes impliquées dans cette réaction est présenté sur la figure V-9. Elle peut être décrite en trois étapes principales. Une première étape consiste à la condensation entre un sucre réducteur (i.e. glucide avec un groupe aldéhyde libre ou potentiellement libre) et le groupe amine d'un acide aminé. La seconde étape correspond à la dégradation des produits des réarrangements d'Amadori et de Heyns. Elle conduit, notamment, à la formation de composés hétérocycliques responsables des odeurs. Dans les aliments, cette étape est responsable de la formation de nombreux composés. Certains deviennent des molécules aromatiques et d'autres sont potentiellement toxiques. Enfin, l'étape finale conduit à la polymérisation en mélanoïdines (13,14)

Figure V-9. Schéma général des réactions impliquées dans le brunissement non enzymatique [Extrait de Bouquelet (2016)

(15)].

Pour suivre l’avancée de cette réaction, on retrouve l’utilisation d’une grande diversité de marqueurs. L’établissement d’un profil en acides aminés est régulièrement associé aux mesures de la quantité de

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marqueurs de la réaction de Maillard. Dans le cas de produits à base d’arachide ou de produits laitiers, on retrouve les marqueurs tels que la furosine, la pyrraline ou l’hydroxyméthyl furfural (HMF). La lysine apparaît comme étant l’un des acides aminés essentiels les plus réactifs dans la réaction de Maillard. La furosine est un marqueur représentatif des produits Amadori dès le stade précoce de la réaction de Maillard (16–18). En plus d’impliquer une modification de goût et de qualité nutritionnelle, la réaction de Maillard génère, comme son nom l’indique un brunissement du produit du fait de la formation de pigments bruns, appelés mélanoïdines. C’est pourquoi, elle peut également être suivie par une analyse de couleur.

L’évolution de la réaction Maillard dépend beaucoup de l’activité de l’eau de l’échantillon. L’eau est un solvant nécessaire. La réaction de brunissement non enzymatique se développe de façon intense lorsque la teneur en eau est faible avec un maximum pour des activités de l’eau comprises entre 0,55 et 0,75. En effet, aux fortes teneurs en eau, les réactions de déshydratation sont impossibles car la dilution des réactants est trop importante. Aux faibles teneurs en eau, les milieux réactionnels sont pâteux et la solubilité des réactants est réduite (19,20).

Les sucres réducteurs ne sont pas les seuls composés à pouvoir réagir avec les acides aminés libres ou au sein de protéines ; la vitamine C et les lipides sont des substrats encore plus réactifs à partir du moment où ils ont subi une première étape d’oxydation (21). Les produits d'oxydation lipidique influencent la réaction de Maillard et inversement. Il existe des produits intermédiaires et des mécanismes de polymérisation communs entre les deux réactions (22).

Dans notre cas, l’état d’avancement de la réaction a été suivi en analysant la quantité de furosine à échéances régulières pour les échantillons ayant suivi le parcours de refroidissement « V2 » (i.e. 7 jours de stockage à 30°C en sortie de production). Les résultats sont présentés sur figure V-10.

Figure V-10. Evolution de la quantité de furosine (mg/kg) au cours du stockage des produits ayant suivi un parcours de

refroidissement « V2 », en fonction la température de stockage : (■) 5°C, (●) 30°C et (▲) 40°C ;et de l'échelle de fabrication (haut) échelle pilote et (bas) échelle industrielle. Des tendances linéaires en lignes pointillées ont été ajoutées comme

guides de lecture.

Le graphique du haut sur la figure V-10 présente la quantité de furosine mesurée dans des échantillons mis en œuvre à l’échelle pilote, ayant suivi un parcours de refroidissement « V2 », stockés aux

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températures de 5°C, 30°C et 40°C, au cours des mois de stockage. Le graphique du bas présente la quantité de furosine mesurée dans des échantillons mis en œuvre à l’échelle industrielle, ayant subi un parcours de refroidissement « V2 » et stockés à la température de 30°C. Pour chaque type d’échantillon est indiquée la différence « Δ » de quantité de furosine entre 0 mois et 26 mois de stockage des produits.

La quantité mesurée à t0 n’est pas nulle. La quantité de furosine mesurée est de ≈ 1100 mg/kg. Cela s’explique par trois points :

1) Le processus de fabrication utilisée pour la production des poudres laitières peut générer la formation de furosine.

2) Les poudres laitières ajoutées dans le produit présentent un historique de stockage de quelques semaines, la réaction de Maillard a pu s’initier pendant cette période.

3) Les poudres sont ajoutées au cours de la dernière étape de fabrication du produit à une température de l’ordre de 60°C.

Ces trois étapes conduisent automatiquement à la formation de produits de la réaction de Maillard. La quantité de furosine mesurée au cours du temps semble augmenter progressivement. Cette évolution n’est pas franche étant donné la dispersion des données. Comme la reproductibilité n’a pu être effectuée, seules des tendances peuvent être proposées. Dans notre cas, nous avons opté pour des comportements linéaires.

Après 26 mois, les échantillons produits à l’échelle pilote contiennent une quantité de furosine égale à :

- 2054 ± 164 mg/kg lors d’un stockage à 40°C, soit une augmentation de ≈ 910 mg/kg. - 1725 ± 138 mg/kg lors d’un stockage à 30°C, soit une augmentation de ≈ 580 mg/kg.

- 1368 ± 109 mg/kg lors d’un stockage à 5°C, soit une augmentation de ≈ 220 mg/kg voire quasi nulle en considérant les écarts-types.

Les échantillons stockés à 30°C et mis en œuvre à l’échelle industrielle présentent, après 26 mois de stockage, une quantité de furosine égale à 2115 ± 264 mg/kg, soit une augmentation de ≈ 1080 mg/kg. Pour les mêmes conditions de stockage, un échantillon produit à l’échelle pilote présente des valeurs inférieures.

Le taux d’avancement de la réaction de Maillard au cours des 26 mois de stockage dans les produits Plumpy’Nut® est relativement limité mais non nul aux températures de 30°C et 40°C. Dans le cas d’un stockage à 5°C, la quantité de furosine mesurée n’évolue pas au cours du stockage. La température est trop basse pour permettre d’initier la réaction. Les valeurs d’aw des échantillons limitent le développement de la réaction de brunissement non enzymatique. Une mesure de ce paramètre donne des valeurs égales à :

- aw(5°C) = 0,30 ± 0,06 pour les échantillons stockés à 5°C. - aw(30°C) = 0,28 ± 0,05 pour les échantillons stockés à 30°C. - aw(40°C) = 0,27 ± 0,04 pour les échantillons stockés à 40°C.

Tous les échantillons présentent des valeurs d’aw similaires comprises entre 0,30 et 0,27. Nous nous situons donc en dessous de la gamme d’aw où la réaction est supposée être maximale.

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CHAPITRE V : CARACTERISATION DU VIEILLISSEMENT DU PRODUIT PLUMPY’NUT®

Les valeurs de furosine obtenues dans ces travaux concordent avec les résultats de Ferrer et al. (23). Deux formules de laits infantiles y sont étudiées, dont une formule dite « adaptée » (11,6% protéines (caséines/protéines de sérum 40/60), 55% glucides (lactose), 28% lipides, 6 mg de fer et 450 μg de vitamine A. Les échantillons sont stockés à 20°C et 37°C sous une humidité relative inférieure à 10%. À t0, les échantillons présentent une quantité de furosine égale à 187,3 ± 16,7 mg/kg. Après 24 mois de stockage à 20°C et 37°C, les quantités de furosine sont respectivement égales à 750,4 ± 132,3 mg/kg (soit une augmentation de ≈ 523 mg/kg) et 1000,8 ± 61,3 mg/kg (soit une augmentation de ≈ 813 mg/kg).

Une augmentation de la température de stockage favorise la réaction de Maillard et implique une augmentation de la quantité de furosine (ce qui implique notamment une perte en lysine). Cela explique l’évolution de couleur des échantillons au cours du stockage : assombrissement des échantillons à 30°C et 40°C, aucune évolution de couleur à 5°C (résultats présentés dans la partie I-A-1 de ce chapitre)

En ce qui concerne l’impact de l’échelle de fabrication, les résultats obtenus semblent indiquer qu’à température de stockage équivalente (30°C), la réaction de Maillard est favorisée dans les échantillons mis en œuvre à l’échelle industrielle. L’augmentation de furosine après 26 mois de stockage est de ≈ +1080 mg/kg contre ≈ +580 mg/kg pour un échantillon mis en œuvre à l’échelle pilote. Les lots de matières premières entre les deux types d’échantillons sont identiques (hormis les huiles), les conditions de stockage sont les mêmes, et les valeurs de furosine mesurées à t0 également. Nous n’avons à ce stade, pas d’explications pouvant justifier cette tendance.