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II. Quels futurs possibles pour la biodiversité en milieu agricole ?

2. Que nous apprennent les scénarios agricoles existants ?

2.1 Evaluation de l’impact de scénarios de la PAC sur l’indicateur des oiseaux agricoles à

oiseaux agricoles à l’horizon 2020

A la veille d’une nouvelle réforme de la PAC et du budget agricole (PAC 2013-2020), il nous a donc semblé intéressant d’apporter de nouveaux éléments de discussion sur les effets de la PAC à l’horizon 2020. Pour cela, nous avons analysé les impacts potentiels de quatre scénarios de changements d’usage des terres agricoles sur l’abondance des 20 espèces d’oiseaux agricoles qui composent l’indicateur FBI pour la France (Manuscrit 3). Les quatre scénarios décrivent les changements les plus probables d’assolements (i.e. de diversité et de proportions de cultures) engendrés par: (1) la proposition de la réforme de la PAC pour augmenter la proportion de végétation semi-naturelle telle que les prairies, les bandes enherbées et les jachères dans les zones agricoles (‘CAP greening’), (2) un scénario de la PAC visant à abolir les soutiens de marché

sur les biocarburants (‘Biofuel’). A l’échelle de la France, ces scénarios ont été comparés à un scénario de référence (4) correspondant à la poursuite de la politique agricole actuelle (‘Baseline’). Compte tenu des remarques sur la méthode de Scholefield et al (Scholefield et al., 2011) exposées ci-dessus, dans cette étude, le FBI a été recalculé à partir des indices d’abondance de chaque espèce, déterminés à partir des abondances prédites en réponse aux différents scénarios (Voir détails des calculs dans le Manuscrit 3). Par ailleurs, nous avons analysé les variations régionales, pour tester si les projections nationales ne cachaient pas de différences de projection de FBI à des échelles spatiales plus fines.

Les projections de changements d'usage des terres agricoles correspondent à des changements d’utilisation de la surface agricole utile (SAU), et sont issues du modèle agricole CAPRI, mis à disposition par le Joint Research Center de la Commission Européenne, basé à Ispra en Italie. Les différents types de cultures (assolements) fournis par la base de données initiale CAPRI, ont été assemblés en 5 catégories : les céréales (blé dur et tendre, orge et avoine), les autres productions annuelles (betterave à sucre et de pomme de terre), la production de maïs (fourrage et grain), les prairies (productions de pâturages extensif et intensif) et jachères, et la production de graines oléagineuses (colza et tournesol). La Table 5 présente les changements de proportions de surface des assolements selon les quatre scénarios PAC et par rapport à 2007, année prise comme référence. L’impact des différents scénarios sur les abondances des oiseaux a été évalué, et projeté à partir des changements de proportions de SAU occupées par ces groupes de cultures selon chaque scénario.

Table 5. Changements de proportions de surface des cinq catégories d’assolements et de la surface agricole utile (SAU) à l’échelle des 15 régions étudiées et à l’échelle nationale (sur l’ensemble des régions françaises), en fonction des différents scénarios PAC de changements d’usage des sols à l’horizon 2020.

Les prédictions des modèles montrent un déclin généralisé de l’abondance nationale des oiseaux spécialistes des milieux agricoles entre 2007 et 2020, et ce, quel que soit le scénario de PAC envisagé. Les espèces sont surtout sensibles à la perte de SAU, et très peu à la composition des cultures, bien que les deux soient liés dans les scénarios agricoles. Nous notons que la valeur nationale du FBI en 2020 présente une baisse plus importante avec le scénario ‘No pillar one’ (FBI = 0,82 (0,01)), tandis que les différences entre les 3 autres scénarios sont beaucoup moins marquées (Figure 20), avec un faible déclin proche de celui observé ces 10 dernières années (Jiguet, 2012).

Figure 20. Estimation du FBI (et de la variance) pour l'année 2020 en France sous les quatre scénarios de changements d’usage des sols dérivés des résultats du modèle CAPRI. Le scénario « Baseline » est le scénario de référence. L'année de référence pour le calcul du FBI 2020 est 2007 (FBI = 1). Pour chacune des 20 espèces du FBI national, l’abondance relative régionale a été modélisée à partir d’un modèle mixte, suivant une loi de Poisson, dans lequel les proportions d’assolements et la SAU ont été intégrées en effets fixes, de même que le nombre de points STOC et la structure spatiale du jeu de données. L’année a été traitée en effet aléatoire (2001-2007). Les indices d’abondance, utilisés pour calculer le FBI, sont issus des sorties du modèle de calibration (i.e. des pentes de la relation entre l'abondance relative et les variables agricoles pour une espèce donnée à l’échelle régionale). Les données et les méthodes sont détaillées dans

Par ailleurs, les prédictions de FBI à l’horizon 2020 à l’échelle régionale nous permettent de mettre en évidence que pour un même scénario, il existe des différences importantes dans les variations du FBI (Table 6). Par exemple, dans le cas de scénario ‘CAP greening’, le FBI varie entre 0,81 (Rhône-Alpes) et 1,12 (Bretagne). En outre, le scénario le plus performant, i.e. celui permettant d’augmenter les populations d’oiseaux agricoles, diffère selon les régions (Table 6). Le scenario de référence (‘Baseline’) est le plus performant dans 5 régions par rapport aux trois autres scenarios alors que le scénario ‘CAP greening’ est le plus efficace dans 3 autres régions (par rapport à 2007). Ce dernier scenario est d’ailleurs majoritairement plus performant dans les régions arables, cultivées en céréales de façon intensive, telles que la Champagne-Ardenne, l’Ile-de-France et la Picardie. La Table 12 montre par ailleurs que le scénario ‘No pillar one’ n'est jamais la meilleure option quelle que soit la région pour maintenir le FBI.

Table 6. Estimation du FBI par région pour l'année 2020 en France en fonction des quatre scénarios PAC testés. Le scénario ‘Baseline’ est le scénario de référence. L'année de référence pour le calcul du FBI 2020 est 2007 (FBI = 1). Pour chaque région est indiqué en gras le scénario qui permet le meilleur maintien des populations d’oiseaux, ou selon les cas, qui entraine la plus faible baisse (Manuscrit 3).

Parmi les 20 espèces du FBI français, les exigences écologiques des espèces varient suivant le type de milieu agricole. Certaines sont capables de s’adapter à des niveaux d’intensification agricole relativement élevée (la Bergeronnette printanière, l’Alouette des champs et la Perdrix grise nichent en plein champ dans des paysages très ouverts et se sont relativement bien adaptées aux paysages agricoles intensifs des régions céréalières. D’autres espèces, en revanche, se retrouvent dans des habitats moins perturbés par l’agriculture comme le Tarier des prés, la Pie-grièche écorcheur ou l'Alouette lulu où les paysages présentent encore des habitats semi-naturels en bordure de parcelles. Ces espèces sont souvent associées aux milieux herbacés agricoles (prairies, jachères, bandes enherbées). L’hypothèse est faite que les oiseaux agricoles répondent différemment à l'utilisation des sols en fonction de leur niveau de spécialisation aux différents types de milieux ouverts, soit de type ‘ terres arables’ (ou terres cultivées), soit de type ’prairial’. Pour évaluer l'efficacité des politiques qui visent à accroître les prairies et des terres mises en jachère ou à promouvoir le développement des terres arables, nous avons utilisé un indice de spécialisation des espèces ‘prairiales’. Cet indice est calculé de manière similaire à l’indice de spécialisation à l’habitat développé par Julliard et al. (2006) (voir Encart 3). Sur la base de la méthodologie de Julliard et al. (2006), Teillard et al. (submitted) ont calculé un indice du niveau de spécialisation des espèces d’oiseaux agricoles, pour les habitats de terres arables ou les prairies. Cette mesure permet de classer les espèces agricoles, des ‘spécialistes’ des cultures (présent majoritairement dans les plaines de céréales, oléagineux, milieux agricoles ouverts,...) aux espèces ‘prairiales’ (rencontrées principalement dans les paysages de pâturages et bocages) et entre les deux se situent les espèces présentes préférentiellement dans les systèmes agricoles mixtes.

De manière inattendue, l’indicateur des espèces agricoles (abondance relative 2020/2007) dans le scénario ‘CAP greening’ n’est pas corrélé à l’indice de spécialisation aux habitats prairiaux. L’index spécifique dans le scénario 'Baseline' de référence est cependant négativement corrélé avec l'abondance relative des espèces spécialistes des prairies et des habitats mixtes comme la Huppe, la Pie-grièche écorcheur, l'Alouette lulu et le Tarier pâtre (Figure 21). Ce qui signifie que les changements d’usage des sols dans ce scénario, plus que dans les trois autres, sont plus néfastes pour les espèces associées aux milieux de type prairial que pour les espèces agricoles spécialistes des milieux ouverts telles que la Perdrix grise ou l’Alouette des champs.

Figure 21. Corrélation entre les indices spécifiques (ratio d’abondance relative 2020/2007), calculés pour le scénario de référence de changements d’assolements ‘Baseline ‘, et la spécialisation des espèces aux habitats de type prairial (SSIg). Les données et les méthodes sont détaillées dans le Manuscrit 3.