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CHAPITRE II : Impact de l'enfrichement sur la dynamique de population

2.1 Relation entre évolution de l'enfrichement et dynamique de la population de Craves sur

2.1.2 Evaluation de l'impact des pratiques pastorales passées sur la population de Craves .65

2.1.2.1 Impact potentiel du pâturage côtier sur le succès reproducteur

En 1950, l'intégralité de la frange littorale est pâturée intensivement (fig II-2). Ces pâtures constituent un habitat, que nous avons considéré comme favorable pour le Crave. En utilisant la distribution des pâtures sur l'île en 1952 et la relation établie entre les surfaces d'habitats favorables à proximité du nid et la production des femelles (chapitre 1.2.2), on obtient pour cette période une productivité moyenne des couples de 3,1 jeunes/couple. Cette évaluation apparaissant peu réaliste, notamment au vu de la littérature (cf. tableau 2, Chapitre modèle biologique), nous avons retenu une valeur plus réaliste de 2 jeunes/couple correspondant à celle observée à Islay, une île présentant une assez forte pression de pâturage (Reid et al 2003a). 2.1.2.2 Constitution du modèle

Pour dépasser ce simple constat de similitude entre pression de pâturage et dynamique de population, nous avons construit un modèle démographique dont le but est :

- d’évaluer l'impact probablement positif qu'a dû avoir le pâturage côtier.

- d’envisager des hypothèses d'évolution de la population dans un contexte d'enfrichement - d’apporter des éléments de réflexion pour l'élaboration de mesures de gestion.

Deux versions du modèle de dynamique des populations on été déclinées:

- Un modèle déterministe matriciel structuré en âge (Caswell 2001) (MDM, Logiciel ULM Legendre & Clobert 1995) pour étudier les propriétés de la population à l'équilibre sans régulation, ni stochasticité démographique ou environnementale (Cycle de vie Fig II-3).

- Un Modèle Individu Centré (MIC) basé sur un cycle de vie femelle, pour étudier les effets de la stochasticité liés aux faibles effectifs reproducteurs, les effets de la limitation du nombre de sites de reproduction et de la stochasticité environnementale. Ce type de modèle permet une description complète de tous les individus [sexe, âge, statut reproducteur (Fig. II-3,tab. I-1 ; [Article n° 7].

Figure II-3 : Cycle de vie modélisé. Fécondité : Fi = Pi x αi où Pi correspond au succès reproducteur moyen des femelles d'âge i et αi au sexe ratio primaire (αi = 0,5) . Survie : Si qui correspond à la probabilité de survie entre l’âge i et i+1

Tableau II-1 : Paramétrage du modèle

Paramètre Estimation Référence

Survie des oiseaux de 1ère année S01

ou SS0 = 0,32 0 = 0,4 Cette étude Reids et al. 2003a Survie des oiseaux de 2 ans (S1) S1 = 0,82 Cette étude3 Survie des oiseaux de 3 à 13 ans (S2 à S12) S2 à S12 = 0,82 Reids et al. 2003b4 Survie des oiseaux de plus de 13 ans (Sv) Sv = 0,27 Reids et al. 2003b Nombre moyen de jeunes à l'envol/couple Variable selon les scénarios Cette étude, Reids

et al. 2003a Taille de la population initiale (après

reproduction) 55 Cette étude

Nombre maximum de sites de reproduction

13 Cette étude

Structure initiale de la population Obtenue à l'aide du modèle matriciel : classe d'âge à l'équilibre, en utilisant le même cycle de vie et mêmes paramètres

Cette étude

Cinq scénarios ont été simulés (2500 simulations) sur une période de 50 ans.

● Scénario A : La production de jeunes (nombre de jeunes à l'envol) dépend des habitats tels qu'ils sont répartis actuellement. Aucune dynamique de végétation n'est considérée (survie 1ère année S0 = 0,32 et nombre moyen de jeunes à l'envol par couple F = 1,6).

● Scénario B : Le littoral est pâturé intensivement et la production est de 3,1 jeunes/couples, conformément à ce qui a été calculé précédemment (2.1.2.1). Deux variantes sont considérées :

● B1, la survie des oiseaux de première année est de 0,32 comme actuellement,

● B2, la survie serait de 0,40 comme à Islay (Reid et al. 2003a) selon l'hypothèse par exemple que les habitats favorables supplémentaires favoriseraient également la survie des jeunes oiseaux.

● Scénario C : Identique au précédent, exceptée la production de jeunes pour laquelle la valeur plus réaliste de 2 jeunes/couples est retenue. Deux variantes sont également considérées

● C1, la survie des oiseaux de première année est de 0,32, ● C2, la survie serait de 0,40.

1 Dans la modélisation matricielle, la valeur S0 est fixe (S0 = 0,32); dans le Modèle Individus Centré, S0 ne peut être inférieur à 0,1 (valeur minimale déjà observée) en partant de l'hypothèse qu'il reste toujours quelques petites zones sans dérangement touristique comme l'île Keller.

3 Cette valeur concorde avec les premières approximations des survies d'oiseaux de 2 ans à Ouessant et correspond à celle des oiseaux de 3 à 12 ans. Il n'y a donc pas eu de différence entre les oiseaux de 2 ans et ceux de 3 à 12 ans contrairement à l'étude de Reid et al. (2003b).

4 Dans l'étude de Reid et al. (2003a), la survie des oiseaux âgés de 3 à 12 ans varie de 0,63 à 0,95 avec une moyenne de 0,80 ± 0,01. Nous avons retenu la valeur 0,82 identique à celle des oiseaux de 2 ans.

Tableau II-2 : Taux d'accroissement de la population à l'équilibre (λ calculé à partir du modèle matriciel), effectif de la population et probabilité d'extinction (calculés à partir du modèle individus centré) selon les différents scénarios

Scénario S0 F λ Taille de population

moyenne à 50 ans1, pour les

trajectoires non-éteintes

Taux d’extinction cumulé sur 50 ans

(Ex) A 0,32 1,6 1,012 56,3 Ex = 0,0001 B1 0,32 3,1 1,165 109,7 Ex < 0,0001 B2 0,4 3,1 1,230 127,3 Ex < 0,0001 C1 0,32 2 1,058 70,4 Ex = 0,0001 C2 0,4 2 1,109 83,1 Ex < 0,0001

Le modèle matriciel estime pour le scénario A un taux d'accroissement annuel faible de 1% alors que le Modèle Individu Centré prédit une stabilité dès le départ (effectif de 55 individus à l'initialisation et 56 individus, 50 ans après : tableau II-2). Cette légère différence entre les deux modèles est attendue compte tenu de la variabilité qu'implique le modèle MIC, surtout pour d'aussi petits effectifs. La prédiction d'une population relativement stable correspond assez bien à la situation actuelle (stabilité sur les 15 dernières années).

Dans les deux scénarios (B & C) qui tentent de modéliser la situation en 1950, avec des habitats favorables en abondance et donc une productivité forte, la différence entre les deux modèles est plus élevée : Le modèle matriciel (qui n'intègre pas de limitation de sites) prévoit un fort taux d'accroissement annuel (jusqu'à 23 %) alors qu'avec le modèle MIC, la limitation des sites implique une stabilisation de la population respectivement à 110, 127, 70 et 83 individus pour les scénarios B1, B2 C1 et C2 (tableau II-2). Le scénario C qui considère une fécondité plus réaliste (2 jeunes/couple) prédit une taille de population en accord avec les observations réalisées à cette époque [Article n°1 & 2].

Le Modèle Individu Centré construit à l'aide d'hypothèses fortes, telles la limitation des sites de reproduction et une relation entre succès reproducteur et habitat (décrite dans le chapitre I), semble prédire assez bien les observations réalisées dans le contexte actuel ou passé. Le pâturage côtier a ainsi par le passé fortement contribué à maintenir une population à un niveau très élevé, population comportant alors une part importante de non reproducteurs.

L'apparente concordance entre les observations et les sorties de ce modèle nous permettent d'envisager ce modèle pour explorer le devenir de cette population dans un contexte de dynamique d'enfrichement susceptible de se poursuivre.

2.2 Dynamique actuelle d'enfrichement et devenir de la population