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Chapitre VI : Conclusions et perspectives

A. Evaluation du potentiel des prédateurs par méthodes moléculaires

1) Un potentiel limité des prédateurs étudiés ?

Le développement de la PCR diagnostique pour l’analyse des contenus stomacaux ou faeces est assez récent et son intérêt pour les chercheurs en lutte biologique par conservation a très vite été reconnu (Symondson, 2002 ; Sheppard and Harwood, 2005). En effet, elle permet de révéler les liens trophiques de manière spécifique quelle que soit l’écologie du prédateur et sans perturber les interactions proie-prédateurs par la mise en place du protocole d’échantillonnage (Symondson, 2002 ; King et al., 2008). C’est le point fort de cette méthode d’étude de la prédation qui apporte une image fidèle des liens trophiques dans le système étudié. Cette technique a donc été essentielle dans le processus d’évaluation des prédateurs ciblés en nous assurant une bonne fiabilité de nos observations.

D’une manière générale, le nombre de prédateurs détectés positifs par les PCR diagnostiques, c’est-à-dire ayant consommé des tordeuses (le carpocapse de la pomme et la tordeuse orientale) et du puceron cendré, est assez faible. En effet, nous avons relevé des pourcentages de prédateurs positifs dépassant rarement les 20%. Cependant doit-on nécessairement en conclure que les prédateurs étudiés ont un potentiel limité de régulation de ces ravageurs ? Je ne discuterai ici que les résultats obtenus pour les prédateurs de type arthropodes dont les résultats sont plus étoffés.

Cas numéro 1 : « OUI, les taux de prédation observés sont faibles car ces prédateurs sont polyphages et ne consomment pas particulièrement le ravageur. »

Le pourcentage de prédateurs positifs représente une mesure semi-quantitative de ravageurs consommés. En effet, lorsqu’un prédateur est testé positif, nous savons qu’il a consommé au moins un ravageur mais il est impossible de savoir s’il en a consommé plus. Cependant, dans le cas des prédateurs arthropodes, il est aisément envisageable que cette mesure soit en réalité quantitative c’est-à-dire que chaque prédateur détecté positif n’ait consommé qu’un seul ravageur. Cette hypothèse est plausible car les carabes et les araignées (sol et frondaison) sont connus pour consommer un faible nombre de proies par jour (Lovei and Sunderland, 1996 ; Nyffeler and Sunderland, 2003) et il est peu probable, étant donné le faible pourcentage de prédateurs positifs, que les quelques individus ayant consommé un ravageur en aient consommé un second. De plus, la

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consommation en ravageurs de ces prédateurs semble faiblement marquée par des effets de densité dépendance (effets marginaux dans mes résultats) et la relation apparait comme linéaire, c’est-à-dire de type I (cas de la mortalité doublée du carpocapse de la pomme lorsque l’abondance de carabes est doublée). Cela concorderait avec les observations de Novak (2010) qui a montré que les relations de prédation dans un système multi-prédateurs et multi-proies seraient le plus souvent linéaires dans les gammes d’abondances naturellement rencontrées. En conséquence, les prédateurs que nous avons étudiés ont une consommation limitée et peu connectée à la densité du ravageur. Ainsi, si l’on évalue le potentiel de régulation d’un prédateur au travers de son taux de prédation, nous devons conclure que le potentiel de régulation des prédateurs de cette étude est assez limité. Nos résultats viennent donc abonder dans le sens des études précédentes en vergers de pommiers.

Cas numéro 2 : « NON, les taux de prédation observés ne sont pas faibles car les prédateurs consomment les ravageurs dès leur arrivée sur la parcelle (migration ou émergence) lorsque leurs niveaux de populations sont bas.

Si l’on évalue le potentiel de régulation d’un prédateur par sa capacité à garder plus longtemps la population du ravageur sous un seuil d’abondance, nous pouvons en conclure que ces prédateurs peuvent constituer de bons agents de régulation. Nous avons pu en effet voir dans le chapitre I, que ces prédateurs assurent une sorte de veille immunitaire contre les ravageurs. En effet, ils consomment les ravageurs dès leur arrivée et peuvent ainsi retarder leur explosion démographique en attendant le relais de la réponse spécifique, notamment par les prédateurs spécialistes et les parasitoïdes.

Je reprendrai la conclusion de Snyder et Yves (2003) qui illustre parfaitement mon propos. Il existe deux types d’agents de contrôle. Les premiers ont un effet immédiat sur le ravageur mais leur impact n’évolue pas avec sa densité. Les seconds ont un effet différé sur le ravageur mais leur impact augmente avec sa densité. L’évaluation de l’efficacité de ces deux types d’agents de contrôle ne porte donc pas sur les mêmes critères et mes travaux ont pu montrer que les prédateurs ciblés peuvent être efficaces dans le premier cas de figure. Néanmoins cette conclusion peut être différente dans le cas des prédateurs vertébrés car ils ont de forts besoins énergétiques et donc un grand potentiel de consommation en ravageurs malgré leur polyphagie.

2) Perspectives d’utilisation des PCR diagnostiques

Tout d’abord, d’autres prédateurs peuvent être étudiés par l’analyse de leurs contenus stomacaux par ces PCR diagnostiques. Particulièrement, l’étude de la prédation des œufs de tordeuses par les

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forficules et les coccinelles pourrait être envisagée. De plus, ces méthodes moléculaires pourraient être utilisées au cours d’expériences en mésocosmes. En effet, on pourrait suivre la prédation au cours du temps et son impact final sur les populations de ravageurs. Enfin, les amorces de la tordeuse orientale fonctionnent aussi en singleplex. Elles pourraient être utilisées pour étudier la prédation de la tordeuse en verger de fruits à noyaux où elles causent d’importants dégâts.