• Aucun résultat trouvé

Evaluation économique des dommages environnementaux

VII. TYPOLOGIE ET CHOIX DES METHODES D’ANALYSE

2. Descriptif des méthodes

2.17. Evaluation économique des dommages environnementaux

a. définition

La méthode d’évaluation économique des dommages environnementaux est aujourd’hui balisée par la législation européenne relative à la création d’un régime de responsabilité environnementale. La Directive 2004/35/CE du 21 avril 2004 rend les industriels financièrement responsables des dégradations environnementales qu’ils peuvent causer. Il s’agit d’évaluer la dégradation de l’état initial du milieu environnemental, du point de vue des services écologiques et du point de vue des « services au public » (pêche récréative, baignade, etc). L’objet de la Directive et de l’évaluation des dommages environnementaux ne concerne pas les dommages matériels, corporels ou économiques, déjà couverts par les régimes de responsabilité classique.

La méthode d’évaluation des dommages environnementaux repose de préférence sur le principe d’une équivalence ressource-ressource ou service-service. La méthode d’équivalence ressource-ressource mobilise des indicateurs, ou « proxys » (biomasse, pollution des sédiments, etc). Ces critères d’évaluation sont censés être représentatifs des services écologiques rendus par le milieu environnemental touché. Ils sont l’unité de mesure qui permettra d’évaluer, en pourcentage du niveau optimal du milieu : 1) l’état initial des services rendus par le milieu, 2) les dommages subis en termes de services, 3) les projets de restauration.

Une valorisation économique est ensuite effectuée, sur la base des opérations de restauration à prévoir pour rétablir les services rendus par le milieu ou pour compenser les pertes par une augmentation des services rendus dans un milieu équivalent. [Source : D4E (2007), Évaluation économique des dommages environnementaux sur accidents industriels, Collection « Études et synthèses »]

Selon la Directive, si le principe d’équivalence ressource-ressource ne peut être appliqué, il faut alors avoir recours aux méthodes de valorisation économique des biens environnementaux, reposant sur une évaluation en euros, et fondée sur une équivalence « valeur-valeur » ou « valeur-coût ». Dans le cas illustre de la marée noire créée au large de l’Alaska par un pétrolier d’Exxon Valdez le 24 mars 1989, l’évaluation des dommages

a ainsi inclus la mise en oeuvre d’une évaluation contingente pour recueillir auprès du public américain la valeur qu’ils attribuaient au préjudice subi du fait de la dégradation d’un site environnemental.

b. Présupposés et contraintes

Pour évaluer la dégradation des services rendus par l’environnement, il faut se fonder sur une connaissance scientifique pointue des écosystèmes qui permette de définir les indicateurs ou proxys les plus pertinents possibles. Toutefois, le choix du proxy est souvent contraint par l’état des données disponibles : il s’agit d’avoir les données relatives à l’indicateur choisi qui permettent de connaître l’état optimal du milieu, l’état du milieu avant l’événement donnant lieu à l’évaluation (état initial) et l’état après dégradation. Il s’agit également de pouvoir évaluer économiquement les coûts de restauration à prévoir pour un retour de l’indicateur observé à l’état initial.

c. Résultats et limites

Les résultats reposent entièrement sur l’état, qui reste limité, des connaissances scientifiques actuelles sur les écosystèmes. Les dommages sont évalués à partir des services rendus par l’écosystème alors que tous les bénéfices de l’environnement pour l’homme ne sont pas connus et tous les phénomènes naturels impliqués dans la production d’un service ne sont pas identifiés.

L’évaluation des dommages est censée circonscrire et évaluer les effets sur l’environnement d’un acte de pollution. Comment évaluer les effets d’actions plus étalées dans le temps ou noyées dans un ensemble d’actes individuels ? L’exemple de la pollution de l’air illustre d’autant mieux ce problème qu’il est difficile d’isoler les sources de la pollution constatée dans l’air, et que les relations « dose-réponse » entre les émissions polluantes et les effets qu’elles suscitent portent à débat entre les experts scientifiques.

Les résultats de l’évaluation des dommages environnementaux sont d’autant plus sujets à controverse qu’ils contribuent à fixer les sommes que le pollueur devra payer pour les actions de restauration écologique (outre les coûts liés aux autres dimensions de la responsabilité de l’entreprise mis en cause). Condamné à verser un milliard de dollars à l’Etat de l’Alaska et au gouvernement fédéral, Exxon avait ainsi dénoncé l’évaluation contingente utilisée dans l’évaluation des réparations comme méthodologiquement infondée.

d. Exemple

D4E (2007), Évaluation économique des dommages environnementaux sur

accidents industriels, Collection « Études et synthèses »

Dans une étude commanditée par la D4E et synthétisée dans un 4-pages, deux cas d’étude sont examinés a posteriori. Les dommages environnementaux causés lors de

deux accidents ayant eu lieu dans les années 90 sont évalués à l’aune de la Directive de 2004. L’un des cas d’étude porte sur la pollution accidentelle d’un ruisseau par un grossiste en produits phytosanitaires et engrais à usage agricole, suite au débordement de ses fosses de rétention. Les populations de poissons, crustacés, mollusques et insectes de la Meurthe et de la Moselle dans lesquelles se déverse le ruisseau ont été décimées.

La pollution occasionnée n’a pas crée d’impacts irréversibles et la restauration du milieu à son état initial a pu se faire naturellement. L’évaluation des dommages porte donc essentiellement sur la perte transitoire de services causée par la pollution. La pollution des sédiments a été choisie comme indicateur, ou proxy. Les résultats de l’évaluation des dommages sont synthétisés dans le tableau suivant :

Source : D4E (2007)

Le coût global des dommages environnementaux causés par l’accident est évalué à plus de 1 million d’euros. Il comprend les mesures prises au moment de l’accident (dépollution du site, analyses…) à hauteur de 350 000 €, les actions compensatoires pour la perte transitoire de services environnementaux à hauteur de 680 000 €, et les coûts occasionnés par l’interdiction de pêcher pendant un mois (services au public) à hauteur de 11 500 €. Il est à noter que cette évaluation n’a pu intégrer les coûts de dépollution des sols, faute de données disponibles.