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1. Abondance des faciès de condensation

1. Evénements lithologiques

Niveaux argileux (terrigènes et volcaniques)

Parmi les trois formes d’occurrence des faciès argileux citées précédemment, seuls les niveaux argileux francs ont été utilisés comme repère.

Ces niveaux ont deux origines possibles :

• volcanique (cendres), dans le cas des bentonites

• terrigène ? ou diagénétique, l’origine de ces niveaux restant peu documentée.

• certains niveaux argileux d’origine organique existent également dans les dépôts cénomaniens (Plenus Marls), et sont traditionnellement interprétés comme des événements anoxiques plus ou moins globaux (Jenkyns et al. 1980) dont nous ne rediscuterons pas la corrélabilité.

Figure A. 17 : Essai de corrélation des événements dans les craies du bassin anglo-parisien (Normandie, Kent, Boulonnais, Aube) et du Nord de l'Allemagne (Westphalie, Basse-Saxe), d'après Amédro et Robaszynski, 2001)

Bentonites

La distinction entre niveaux terrigènes et volcaniques, est effectuée grâce à l’analyse des minéraux argileux, du spectre de Terre Rares, et par la présence ou l’absence de verre volcanique (Wray et Gale, 1993 ; Deconinck et al., 1995). Les niveaux d’origine volcanique présentent un très grand intérêt en stratigraphie, puisqu’il s’agit de véritables événements quasi-instantanés, contemporains et de forte extension géographique. Ils se rencontrent dans les dépôts turoniens et coniaciens. De nombreux travaux (Wray, 1999 ; Wray et Gale, 1993 ; et Wray et Wood, 1998) ont montré la persistance de plusieurs niveaux repères à l’échelle de l’Europe de l’Ouest (Allemagne, Nord de la France, Sud et Nord de l’Angleterre).

Le nombre des niveaux actuellement reconnus en Angleterre et en Allemagne est de 5, il s’agit du plus ancien au plus récent (tableau A.3):

Angleterre Allemagne Glyndes marls Tc Southerham marls Tc 2 Caburn Marls Td Bridgewick marl 1 Te Lewes marl Tf

Tableau A. 3 : Equivalence des bentonites du bassin anglo-parisien et d’Allemagne

Les travaux français (Deconinck et al., 1995, Vanderaveroet et al., 2000, Amédro et Robaszynski 2001) ont permis d’identifier plusieurs de ces niveaux dans le Bassin de Paris.

L’ensemble de ces niveaux de bentonites a été identifié dans le Boulonnais (Van deraveroet et al., 2000), et en Haute-Normandie (Mortimore et Pomerol, 1987), la présence d’une partie d’entre eux est enfin montrée dans les forages du Programme Craie 700 (Deconinck et al., 2005).

Il est cependant nécessaire de considérer les points suivants avant l’utilisation de ces niveaux pour des corrélations à grande échelle .

• La préservation de ces niveaux est dépendante des conditions du milieu de dépôt. Ils seront par exemple plus difficilement préservés dans les zones à forte agitation hydrodynamique. De plus, avant de les utiliser, il est nécessaire de s’assurer que ces dépôts correspondent bien à un dépôt instantané par décantation et ne constitue pas un dépôt secondaire. Une remobilisation par les tempêtes est par exemple identifiée (Goldring, 1995b) pour les bentonites de l’Albien du sud de l’Angleterre.

• Ces niveaux repères sont fréquemment associés à des hardgrounds. Nous avons vu précédemment (partie I.2. 2) que dans la plupart des cas ces niveaux enregistrent des phases de condensation induite par un hydrodynamisme élevé. L’association de ces deux sédiments nous amène donc à questionner le mode de préservation de ces niveaux. De plus, nos propres observations nous ont fréquemment montré l’association de ces niveaux marneux avec des concentrations importantes en bioclastes qui suggèrent, soit un arrêt de la sédimentation plus ou moins long, soit une mise en place dynamique. Le mécanisme de préservation de ces niveaux ne semble donc pas être uniquement une décantation de cendres volcaniques. Ceci amène à tempérer largement l’utilisation de ces niveaux comme marqueurs parfaitement isochrones et de très haute résolution temporelle. • Enfin, et en conséquence des variabilités de préservation de ces dépôts, une assignation particulière

à un niveau de bentonites ne sera possible que s’il existe des arguments autres (biostratigraphiques) supplémentaires pour assoir ces corrélations ou tout au moins si l’ensemble des bentonites identifiés dans l’intervalle considéré sont reconnues.

Niveau argileux

Les niveaux argileux d'autre origine (peu documentée) se rencontrent durant tout le Crétacé supérieur. Mortimore (2001) avancent une extension importante de ces niveaux :

• A l’échelle de l’Europe de l’Ouest. Cette corrélation n’est cependant pas supportée par des arguments paléontologiques, le seul argument avancé est leur proximité par rapport à des niveaux de bentonites et pose le problème de la formation de ces niveaux, supposant un forçage quasi-global, difficile à envisager pour un niveau de 2 à 4 centimètres d’épaisseur à l’intérieur d’une sédimentation qui semble peu évoluer.

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• A l’échelle du Bassin anglo-parisien, ici encore se pose le problème de leur mode de dépôt. En conséquence nous ne prendrons en compte que les niveaux dont une répartition géographique importante est prouvée et dont l’identification repose sur une argumentation par d’autres critères tels que des faunes typiques associées.

Ces tests montrent en particulier que la préservation de ces niveaux est éminemment variable : • Les niveaux présents dans le Sussex, en position centrale dans le bassin anglo-parisien, n’ont pas

été retrouvés dans les dépôts des marges du Bassin de Paris (Haute–Normandie), à l’est du Pays de Bray, et Boulonnais (où il existe cependant des niveaux marneux marqués). À l’inverse, ils sont fréquemment présents dans le Dorset. Ceci amène à douter de la corrélabilité systématique des niveaux marneux, avancée par Mortimore et al. (2001).

• Certains niveaux, comme les Navigation Marls qui se situent immédiatement au dessus de la limite Turonien-Coniacien dans le Sussex, ont pu être corrélés à l’échelle du sud de l’Angleterre et même au nord-ouest du Bassin de Paris (Mortimore et Pomerol, 1987) et soupçonnés dans le sud-est du Bassin de Paris (Pomerol,1998). Ce niveau marneux choisi comme exemple ne figure d’ailleurs pas sur les marges Sud-ouest (Etretat, Mortimore et Pomerol, 1987) et Nord-Est du Bassin de Paris (Boulonnais, Amédro et Robaszynski, 1997).

• De plus, les niveaux marneux sont rarement retrouvés dans plusieurs coupes dans les dépôts santoniens et campaniens, suggèrant une extension faible. Pour le Campanien seuls deux niveaux argileux du Sussex (sur 24 niveaux identifiés (Mortimore et al., 2001) ont été retrouvés dans le Bassin de Paris (Mortimore et Pomerol, 1987) dont un seul (les Old Nore Marl, Base Campanien, Zone à Offaster pillula) semble identifié à partir de critères paléontologiques sans équivoques (Bande à Offaster pillula). On objectera cependant qu’il n’existe pas qu’en Aquitaine non pas une mais deux bandes sont retrouvées dans le Campanien (Néraudeau et Odin, 2001), ce qui réduit l’utilisation de cette bande en tant que marqueurstricte en stratigraphie.

Ces niveaux ne peuvent que rarement être utilisés comme des lignes de corrélations à grande échelle. Surfaces de condensation (hardgrounds)

Les hardgrounds ont été considérés comme des niveaux repères et utilisés pour la corrélation sur de grandes distances, à l’échelle de la bordure ouest du Bassin de Paris (Juignet, 1992) et de part et d’autre de la Manche (Mortimore et Pomerol, 1987, 1997). Les craies noduleuses (fonds fermes) au contraire sont moins repérables et les auteurs (Robinson, 1986; Bromley et Gale, 1982) considèrent leur extension latérale comme moins importante. Ces derniers niveaux n'ont pas été utilisés dans la stratigraphie événementielle.

Plusieurs auteurs avancent une continuité importante des hardgrounds. Bromley et Gale (1982), dans l’étude de la formation Chalk Rock, avancent une continuité de 300km pour certains hardgrounds. Dans l'intervalle turono-coniacien, marqué par une forte abondance de ces faciès, la plupart des hardgrounds sont corrélés de part et d'autre de la Manche, entre les coupes du Sussex et de la zone située à l'est de l'accident du Pays de Bray (Mortimore et Pomerol, 1987). Pomerol (1994) avance même une corrélation de plusieurs de ces niveaux dans le sénonais, sur la base de l'interprétation diagraphique.

Cependant, il s’agit de niveaux particuliers qui ne sont pas les seuls niveaux indurés présents dans la Craie du Bassin de Paris, or tout niveau induré ne peut pas être considéré comme continu et isochrone à grande échelle. D’après Bromley et Gale (1982), si certains hardgrounds présentent une continuité de 300 kilomètres, d’autres passent rapidement à des craies peu ou pas indurées.

Les hardgrounds les plus continus sont ceux qui sont les plus minéralisés et les plus « matures », il s’agit donc des niveaux correspondant à une très forte condensation du temps, donc à des marqueurs de piètre résolution temporelle.

La plupart des corrélations de niveaux correspondant à des faciès de type fond durci sont supportées par des données paléontologiques, fréquemment des niveaux d’abondance en inocérames (Mortimore, 1986) La corrélabilité de ces niveaux varie cependant.

• Dans le Boulonnais, les hardgrounds du Coniacien ont été retrouvés (Amédro et Robaszynski, 2000). A l'inverse, ceux du Turonien ne sont pas signalés dans les dépôts.

• Dans les dépôts post-Coniacien inférieur, les rares hardgrounds n'ont pas été corrélés, certains semblent d'extension relativement importante comme le Barroi's sponge bed (Santonien moyen) qui semble constant dans le Kent (Robinson,1986), mais non identifié dans le Boulonnais (Amédro et Robaszynski, 2000).

• Au Campanien, les hardgrounds Précy (Précy sur Oise) et Downend (Downend Quarry, Hampshire) qui sont situés à des positions stratigraphiques proches (à proximité de la limite entre la zone à Gonioteuthys quadrata et celle à Belemnitella mucronata., pourraient peut-être se

du Campanien du Sud de l’Angleterre.

Les hardgrounds dont la corrélabilité est avérée sont figurés dans les figures A.18 à A.21. Validité de ces corrélations et implication sur le milieu de dépôt

Comme nous l’avons évoqué précédemment, la corrélabilité d’un hargdround suggère que les conditions de sa formation sont constantes sur une large zone. Ces surfaces semblent correspondre à une augmentation de l’énergie hydrodynamique en relation avec une chute du niveau marin relatif. Leur corrélabilité nécessite donc une chute eustatique sur une plate-forme très peu pentée. Ceci ne sera tout d’abord pas le cas de la totalité des hardgrounds, ceux qui sont liés à une tectonique en surrection locale n’étant pas corélables. C’est également le cas des hardgrounds associés aux géométries en ondulation du type de celles d’Etretat, qui ne sont présents qu’à l’intérieur de ces corps sédimentaires.

Enfin, l’existence de ces hardgrounds sur plusieurs centaines de kilomètres nécessite soit une plate forme parfaitement plate sur cette distance, ce qui est peu vraisemblable même sur une rampe, soit des chutes de niveau marin très importantes ce qui implique un diachronisme important entre domaine proximal et distal et une résolution temporelle faible. En conséquence, si l’utilisation des hardgrounds dans le Sussex et des zones situées dans des environnements de dépôt similaires et proches à l’intérieur du bassin anglo-parisien sont vraisemblables, leur utilisation dans des zones paléogéographiques différentes semble peu envisageable.

Horizons de silex

Des corrélations à longue distance entre des bancs de silex repères ont également été effectuées, des continuités de bancs de silex de l'ordre de 200 kilomètres ont été proposées en Angleterre (Bromley et Ekdale, 1983).

Ceux-ci sont:

• soit des bancs exceptionnellement massifs de silex (Whitaker’s 3inch-flint, Seven sister flints ); • soit des silex correspondant à des silicifications de bioturbation qui sont relativement rares dans la

Craie (Lewes Tubular Flint, correspondant à des terriers de type Thalassinoïdes, Bedwell’s Columnar Flint, correspondant à des traces fossiles de type Bathychnus paramoudrae);

Mortimore et Pomerol (1987) ont proposé des corrélations des bancs massifs • les Seven Sister's Flint ( Coniacien moyen Zone à M.coranginum) ;

• un groupe de trois bancs massifs de silex dont le principal est le banc supérieur (Bedwell Columnar Flint (Santonien basal (Zone à M.Coranginum) ;

• les Whitaker's 3-inch Flint (Santonien inférieur, Zone à M. coranginum ) ;

- Ces trois bancs repères font partie de la Formation Seaford. Leurs corrélations (Mortimore et Pomerol, 1987) sont supportées par des arguments paléontologiques fiables. En effet, chacun est associé à un niveau d'abondance en faune d'inocérames, dont les zones d'extension et d'abondance semblent très restreintes. Ces corrélations nécessiteraient, cependant, une compréhension des conditions de formation de ces bancs de silex, le fait que seuls les niveaux très siliceux soient corrélables va dans le sens d’une condensation importante.

Mortimore et Pomerol (1987) avancent également des corrélations de niveaux présentant des silicifiactions particulières, de part et d’autre de la Manche (figure A.19 et A.21), on citera :

• Un niveaux à silex tubulaires, turonien supérieur, qui correspond à la silicification de terriers de type Thalassinoïdes : les Lewes Tubular Flint. Cette corrélation est validée par celle du niveau de bentonites immédiatement supérieur, le Lewes Marl. La présence de ces types de traces fossilles, caractéristiques d’un certain type de milieu de dépôt, semble suggèrer que des conditions environnementales prooches existaient sur une zone de forte extension géographique durant le dépôt de ces niveaux.

• De même, au Campanien, une corrélation de bancs de silex remarquables (Paramoudra) a également été proposée entre Précy et le Sussex, cette corrélation n'est argumentée que par une ressemblance des faunes d'Echinocorys, ce qui ne semble pas être un critère indiscutable. De plus, les silex de types paramoudra sont fréquemment interprétés comme reflétant un dépôt en masse, c’est donc ici plus un faciès sédimentaire qu’un événement qui est corrélé.

Le deuxième type de bancs apparaît donc comme une corrélation de faciès sédimentaires que comme une corrélation d’événements. La formation du premier type de bancs n’est pas comprise.