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Position du problème

L’infection spontanée du liquide d’ascite (ISLA) une complication fréquente mais reconnue que depuis le début du 20ème siècle [131, 196]. Elle touche environ 10-30% des patients hospitalisés pour une ascite [237] et la moitié de ces ISLA sont présentes dés l’admission des patients [177, 209, 297]. Il s’agit d’une complication sévère, associée à une mortalité hospitalière de 20-30% dans les séries les plus récentes [296, 327]. L’amélioration du pronostic de l’ISLA est liée à l’utilisation d’antibiotiques non néphrotoxiques et au maintien d’une volémie efficace par des solutés de remplissage pour éviter l’apparition d’une insuffisance rénale, laquelle est fortement corrélée à la mortalité de ces patients [114, 285], mais avant tout à la rapidité du diagnostic. Les symptômes cliniques peuvent attirer l’attention mais ceux-ci sont peu spécifiques (34%) et peu sensibles (76%) [79]. Le diagnostic d’ISLA se fait classiquement par le décompte des polynucléaires neutrophiles (PNN) dans le liquide d’ascite (> 250 /mm3) sans tenir compte du résultat de la culture du liquide d’ascite [247, 327]; l’ensemencement du liquide d’ascite, prélevé directement au lit du malade, dans des flacons aérobies et anaérobies permet d’augmenter la sensibilité de cette méthode diagnostique de 65% à 80% [47, 249]. Cette méthode de diagnostic de l’ISLA a cependant quelques écueils incontournables : elle prend du temps avant qu’un résultat ne soit donné (quelques heures) et surtout elle n’est pas toujours disponible à toutes les heures de la journée dans nos hôpitaux car le décompte des PNN se fait au microscope optique par un technicien de laboratoire. Dans ce contexte, l’utilisation des BU qui détectent l’activité estérasique des leucocytes par une réaction colorimétrique pouvait être utile au diagnostic rapide de l’ISLA. Ces BU ont déjà été évaluées dans le diagnostic d’infection méningée, pleural, auriculaire, synovial et péritonéal chez des patients dialysés [201, 235, 253, 323]. En 2004, nous avions dans la région du Nord de la France (Hôpital de Cambrai), une importante population de patient cirrhotique alcoolique, souvent jeune et déjà à des stades compliqués. L’incidence standardisée de la mortalité par cirrhose alcoolique dans la région Nord-Pas-de- Calais en 2004 était deux fois supérieure à celle observée sur l’ensemble du territoire de la France métropolitaine (Source : INSEE, CépiDC - Centre d'épidémiologie sur les causes médicales de décès. Traitement : ORS Nord - Pas-de-Calais). A cette époque, cinq études avaient déjà évalué les BU pour le diagnostic de l’ISLA, dont trois rapportées uniquement sous forme de résumé. Nous avons souhaité évaluer les performances diagnostiques de deux BU, Multistix 8SG® et Combur®, cette dernière n’ayant pas encore été testée à cette époque.

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Elaboration de la recherche

Nous avons recueillis les données de 100 paracentèses (dont 69 réalisées en ambulatoire) chez 31 patients atteints pour 30 d’entre eux d’une cirrhose alcoolique. Aucun patient n’avait d’antécédent d’ISLA, n’était infecté par le VIH, n’était atteint de péritonite secondaire ou ne recevait de traitement corticoïde ou immunosuppresseur. La technique de référence pour le diagnostic d’ISLA était l’examen cytologique du liquide d’ascite. Les BU avaient une échelle colorimétrique différente avec différents grades selon le nombre de polynucléaires neutrophiles (PNN): 5 grades pour la BU Multistix® (grade 0 : 0 PNN/mL ; grade 1 : 15 PNN/mL ; grade 2 : 70 PNN/mL ; grade 3 : 125 PNN/mL ; grade 4 : 500 PNN/mL) et 4 grades pour la BU Combur® (grade 0 : 0 PNN/mL ; grade 1 : 25 PNN/mL ; grade 2 : 75 PNN/mL ; grade 3 : 500 PNN/mL) avec une corrélation entre chaque grade et le nombre de PNN. Nous avons considéré qu’une couleur de BU virant au violet (correspond aux grades 3 ou 4 pour la BU Multistix® et aux grades 2 et 3 pour la BU Combur®) était positives.

En prenant des seuils bas de PNN (125 PNN pour la BU Multistix 8SG® et 75 PNN pour la BU Combur®) pour le diagnostic d’ISLA, nous espérions détecter plus facilement les ISLA liées à des cocci Gram positifs [69]. Lorsque la BU était positive, une autre bandelette était testée. Trois situations pathologiques ont pu être définies : 1) la péritonite bactérienne spontanée lorsque le compte de PNN dans l’ascite était > 250 /mm3 avec une culture positive ; 2) la neutroascite lorsque le compte de PNN dans l’ascite était > 250 /mm3 avec une culture négative en l’absence de prise d’antibiotique ; 3) la bactériascitie lorsque le compte de PNN dans l’ascite était < 250 /mm3 avec une culture positive en l’absence de foyer infectieux intra-abdominal chirurgical.

Analyse statistique

Pour analyser les performances intrinsèques des BU testées, nous avons recherché leur sensibilité, spécificité, valeur prédictive positive (VPP) et négative (VPN).

Résultats

Nous avons observé 9 cas d’infection d’ascite correspondant à 4 péritonites spontanées et 5 neutroascites dont une était une récidive. Huit de ces infections étaient symptomatiques à l’admission du malade. Une seule de ces ascites infectées concernait un patient ambulatoire, soit une prévalence d’infection de 1,4% pour l’ensemble des ponctions faites en ambulatoire. Les patients ont reçu une antibiothérapie par Augmentin® avec un

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contrôle de l’ascite à 48 heures. L’évolution a été favorable sauf pour un patient qui est décédé d’un coma encéphalopathique. Au seuil de 250 PNN/mm3, les deux BU affichaient exactement les mêmes performances : une sensibilité à 89%, une spécificité à 100%, une VPP à 100% et une VPN à 99%.

Conclusion,

Cette étude confirmait les bons résultats des BU pour le diagnostic d’ISLA affichés par d’autres équipes (tableau 4 de l’article). Pour expliquer notre unique faux négatif (une infection mal classée), nous avions pensé que le temps d’immersion de la BU dans l’ascite et l’intervalle de temps écoulé jusqu’à la lecture colorimétrique de la BU étaient trop courts mais cela n’a pas été analysé davantage. L’intérêt majeur de l’utilisation de la BU était un diagnostic rapide à toute heure de la journée permettant l’administration immédiate des antibiotiques, surtout lorsque l’ISLA n’était pas soupçonnée par la clinique. L’autre atout était économique puisque le prix d’une BU était de 0,4 € pour la BU Multistix 8SG® et de 0,29 € pour la BU Combur® comparativement à 53 € pour la cytologie classique. Cette étude avait toutefois été conduite sur un faible effectif, et ces résultats encourageants devaient être confirmés par une étude multicentrique de plus grande envergure avant d’être définitivement validés.

Toutefois cette étude recensait très peu d’ISLA (n=9) probablement en rapport avec le nombre important de ponction faite en ambulatoire (69%) ; en effet, la prévalence des ISLA chez les patients ambulatoires est faible, allant de 0% à 3,5% [112, 151, 241], car les patients admis en hospitalisation ont en général une maladie hépatique plus sévère et la cause de l’hospitalisation est parfois un facteur de risque d’ISLA (l’hémorragie gastro- intestinale favorise les bactériémies). De plus, le nombre de paracentèse (n=100) analysée dans notre étude était modeste. Ces résultats méritaient une confirmation à plus grande échelle malgré la diffusion d’études affichant toutes d’excellentes performances des BU avec des sensibilités à 85-100% et des spécificités à 98-100% [64, 73, 256, 290, 306].

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3.3) Article 3

Nousbaum JB, Cadranel JF, Nahon P, Nguyen Khac E, Moreau

R, Thévenot T, Silvain C, Bureau C, Nouel O, Pilette C,

Paupard T, Vanbiervliet G, Oberti F, Davion T, Jouannaud V,

Roche B, Bernard PH, Beaulieu S, Danne O, Thabut D,

Chagneau-Derrode C, de Lédinghen V, Mathurin P, Pauwels A,

Bronowicki JP, Habersetzer F, Abergel A, Audigier JC, Sapey

T, Grangé JD, Tran A; Club Francophone pour l'Etude de

l'Hypertension Portale; Association Nationale des Hépato-

Gastroentérologues des Hôpitaux Généraux de France.

Diagnostic accuracy of the Multistix 8 SG® reagent