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Etudes de la flexibilité offerte par la micro-cogénération

2.4 Bénéfices pour le système énergétique national ou européen

2.4.3 Etudes de la flexibilité offerte par la micro-cogénération

On l’a vu, les analyses aux échelles bâtiment et nationale sont complémentaires. Des auteurs ont mené des travaux pour évaluer le potentiel de la cogénération dans l’apport de flexibilité au réseau électrique aux deux échelles, on en présente ci-après quelques-uns.

La flexibilité – côté demande – peut être définie comme suit : c’est un indicateur qui décrit la capacité d’un bâtiment ou d’un parc de bâtiments à s’adapter aux variations de la production et de la demande en énergie en fonction du temps (à différentes échelles de temps). La micro- cogénération intégrée aux bâtiments peut apporter une dose de flexibilité en proposant des capacités de production décentralisées (au plus près de la demande) et pilotables.

(Voorspools & D'haeseleer, 2002), (Peacock & Newborough, 2005) puis (Vuillecard, et al., 2011), se sont intéressés aux impacts de la micro-cogénération sur le réseau électrique notamment à travers la modification de la courbe de charge du secteur résidentiel selon la production électrique cogénérée. Bien que généralement limitées dans l’hétérogénéité du parc ou dans la taille de l’échantillon, ces approches ont démontré l’intérêt de la technologie pour réduire la pointe de consommation dans un contexte « résidentiel individuel » dans la mesure où les technologies sont pilotées par la demande thermique. Elles montrent le potentiel de réduction de la pointe en l’état (c’est-à-dire si on laisse les micro-cogénérateurs fonctionner de manière indépendante) sans pilotage optimisé réseau.

a) Pilotage, flexibilité, échelle bâtiment

A l’échelle du bâtiment, (Kelly, et al., 2008) ont proposé une caractérisation intéressante mais étonnamment peu reprise dans la littérature de la flexibilité d’un bâtiment équipé d’une micro- cogénération et d’un stockage thermique. En réalisant des simulations sur 2 semaines types avec 2 logements individuels isolés différemment et 2 types d’occupation, ils ont calculé le taux de disponibilité de la micro-cogénération pour des évènements de flexibilité dans le cadre d’un « highly distributed power system » (HDPS). La disponibilité du bâtiment équipé de la micro- cogénération est classée en 3 catégories :

• Participation positive : si l’état du stockage thermique est inférieur à la limite supérieure et que la micro-cogénération n’est pas en marche alors elle peut s’enclencher sur demande sans surchauffer le bâtiment.

• Participation négative : si l’état du stockage thermique est supérieur à la limite inférieure et la micro-cogénération en fonctionnement, alors elle peut s’éteindre sans nuire au confort. • Non disponible : tous les autres cas (stockage déchargé, cogénérateur en marche ou

stockage chargé et cogénérateur éteint).

L’auteur identifie une disponiblité très élevée pour la participation positive dans le cas d’un bâtiment bien isolé (supérieures à 64 % du temps même en hiver et jusqu’à 84 %) tandis que la disponiblité est un peu plus faible mais reste importante pour un logement peu isolé (entre 31 et 69 %). La participation négative est de son côté toujours comprise entre 0 et 32 %. Finalement, hormis pour un bâtiment mal isolé en plein hiver, la machine n’est indisponible que 4 à 8 % du temps (Tableau 1.9).

Tableau 1.9 : Résultats de l’étude du potentiel de flexibilité de Kelly et al.

L’une des limites de cette étude est qu’on ne dispose pas d’information sur le dimensionnement de la micro-cogénération par rapport au bâtiment considéré (l’auteur dit utiliser des valeurs « typiques » pour la taille du stockage et a choisi un cogénérateur pour laquelle il dispose de données expérimentales). On ne connaît pas le comportement annuel de cette installation et il suffirait théoriquement de choisir une cogénération de grande puissance pour obtenir une forte disponibilité. En revanche, le modèle prend en compte la dégradation du rendement due à un faible taux de charge (pertes de stockage, effets de cyclage, …). Il serait intéressant de connaître :

• La variation du taux de disponibilité en fonction du dimensionnement du stockage et de la machine.

• La variation des économies d’énergie primaire et de CO2 réalisées par rapport au taux de

disponibilité (sont-ils conciliables ?).

• La disponibilité en fonction de l’heure de la journée. En effet, si la cogénération est disponible plutôt à midi et que le solaire PV produit beaucoup, il y a moins de chance qu’on y ait recours ; en revanche si la cogénération est disponible lors de la pointe de 19 h, cela paraît plus intéressant.

En conclusion, bien que les auteurs n’attirent pas l’attention sur cet aspect, l’impact du dimensionnement et du stockage nous paraît ici tout à fait prépondérant dans la disponibilité de la cogénération et mériterait d’être étudié plus avant. De plus, il faudrait vérifier la concomitance des heures de disponibilité et des besoins de flexibilité du réseau national.

b) Pilotage collectif et impact sur le réseau électrique

Pour changer d’échelle, (Bouvenot, 2015) suggère que le tarif (variable) de l’électricité peut être un bon moteur pour modifier les conditions de fonctionnement des micro-cogénérateurs utilisés en autoconsommation. Cela permet aussi de « piloter » un parc sans impliquer de lourdes infrastructures informatiques. (Tapia-Ahumada, et al., 2013) suggèrent, eux aussi à l’aide d’une étude théorique, que les tarifs de l’électricité pourraient être un bon moteur de pilotage, en

particulier pour se substituer au lancement de centrales à gaz, ils ont étudié plus avant la structure des tarifs qu’il faudrait mettre en place.

Des travaux (Pielke & Kurrat, 2008) ont été menés sur l’utilisation de Virtual Power Plants (VPP) dont le concept est l’usage d’un parc de petites unités de production pilotées de manière collective pour produire l’équivalent d’une petite centrale de production électrique ; celle-ci serait alors vue par le régulateur du réseau comme une seule centrale pouvant vendre son énergie sur le marché. (Wille-Haussmann, et al., 2010) proposent une approche d’optimisation avec des modèles simples permettant de piloter le déclenchement d’un parc (de seulement 5 CHP de 1 MW cependant) dans un contexte de demande réelle et de prix d’électricité variables. Enfin, (Houwing, 2010) a réalisé des travaux majeurs sur l’impact d’un parc de micro-cogénérations, il compare 3 niveaux de pilotage de parcs de micro-cogénérateurs de complexité croissante :

• Standard : chaque machine fonctionne indépendamment en suivi de charge thermique du bâtiment.

• Contrôle décentralisé intelligent : réactions individuelles des micro-cogénérations à des prix variables de l’électricité en temps réel avec déclenchement optimisé à l’aide d’un contrôle prédictif.

• Contrôle centralisé par VPP : ici les micro-cogénérations sont pilotées par clusters en réponse à des prix variables ou dans l’objectif de compenser l’intermittence d’une production éolienne.

Il en conclut que :

• Le mode de contrôle n°2 permet des économies modérées et dépendant de la taille du stockage thermique installé.

• Le stockage électrique par batterie est économiquement inintéressant dans ce cadre. • Les VPPs permettent de diminuer les effets de variation du prix de l’électricité d’un

producteur d’électricité disposant d’un parc éolien conséquent.

• Les moteurs Stirling sont actuellement trop chers dans toutes les situations sans aides financières de l’Etat à l’investissement.

• Les technologies à plus fort ratio électricité/chaleur sont plus intéressantes dans le cadre d’un VPP.

• Lorsqu’un parc de micro-cogénérateurs a été installé, il y a tout lieu de mettre en place un VPP car c’est économiquement intéressant et cela permet de générer des bénéfices supplémentaires pour l’ensemble des acteurs.

D’un point de vue méthodologique, la modélisation très simplifiée des phénomènes physiques permet de recourir à des algorithmes d’optimisation menant à ces conclusions. En revanche, elle rend les valeurs absolues des résultats incertaines : cela constitue l’une des limites de l’étude. De plus, seuls l’habitat individuel et deux technologies sont considérés par Houwing, les unités installées font toutes 1 kWel (Stirling) ou 3 kWel (PEMFC). Le parc est donc très homogène à

composé de bâtiments tous à énergie positive en théorie à ne pas l’être dans les faits (14 à 47 % du potentiel peut être perdu selon le dimensionnement du réseau installé). On peut alors recourir à un surdimensionnement du réseau ou à une stratégie de modification de la demande électrique en modifiant le déclenchement des pompes à chaleur. Cependant, dans tous les cas, l’autoconsommation de l’électricité PV est de seulement 33 % (à l’échelle du quartier entier) ce qui démontre un fort export d’électricité. Parallèlement, d’abondants imports électriques sont réalisés en hiver et la nuit. Ce phénomène illustre la problématique d’intégration des énergies intermittentes dans une boucle locale. L’intérêt d’intégrer des micro-cogénérations dans ce type de quartier pourrait être évalué sur un plan environnemental, économique et énergétique.

Parmi les études que nous avons citées, la quantification du potentiel de la micro-cogénération repose généralement sur la modélisation des phénomènes physiques, que ce soit côté système (fonctionnement de la cogénération, du stockage) ou côté demande (besoins du bâtiment). C’est pourquoi la partie suivante présente un état de l’art rapide de la modélisation des solutions de micro-cogénération.

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