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2.4 Bénéfices pour le système énergétique national ou européen

2.4.2 Echelle nationale : exemple du cas français

Comme on l’a montré dans la partie 1.4.2 (« nécessaires adaptations de la chaîne de l’énergie »), l’intégration des énergies renouvelables dans le réseau électrique pose d’importantes problématiques pour l’équilibrage du réseau et satisfaire l’équation offre-demande, elle nécessitera une plus grande flexibilité des deux côtés. La flexibilité doit être à la fois infra-journalière pour compenser les variations rapides de puissance des renouvelables et saisonnières pour compenser les variations de gisements solaires et éoliens.

a) Evaluation qualitative

Une analyse des données de fonctionnement du réseau électrique français (RTE, 2016) permet de mettre en évidence les moyens de production qui répondent actuellement à différents niveaux de consommation. Je souhaiterais ici remercier François Pacaud d’Efficacity, doctorant au laboratoire CERMICS, qui a grandement contribué au traitement des données RTE et à forger cette analyse.

Il existe un gradient thermique de consommation électrique à l’échelle nationale (Figure 1.20, la consommation nationale < 45 GW est représentée en vert, > 65 GW en rouge) ce qui tend l’approvisionnement, surtout en hiver. La production d’électricité en période froide pourra soulager le réseau et éviter l’allumage de centrales de pointe qui sont généralement carbonées. La micro- cogénération, dont la production électrique dépend des besoins thermiques du bâtiment, et donc de la température extérieure, est de ce point de vue bénéfique pour le réseau électrique. Elle doit bien être différenciée d’une cogénération industrielle « en base » qui fonctionnerait toute l’année pour un process.

La variabilité infra-journalière et saisonnière de la consommation est illustrée sous forme d’histogrammes de fréquence sur la Figure 1.21. Les fréquences en ordonnées correspondent aux points verts et rouges de la Figure 1.20. On observe bien que les périodes de pointe (rouge) ont lieu

à 11 h et 20 h et en hiver, à l’inverse les périodes de faible demande (vert) apparaissent la nuit et les mois d’été.

Figure 1.20 : Consommation moyenne horaire française [MW] selon la température extérieure [K] en 2015, un point toutes les heures

Figure 1.21 : Répartition des périodes de faibles (vert) et fortes (rouge) consommations électriques selon l’heure de la journée (gauche) et par mois (droite). Aide de lecture : sur le graphique de gauche, il y a 200 jours pour lesquels la consommation électrique est inférieure à 45 GW à 4 h du matin. A droite, il y a 550 h pour lesquelles

la consommation est supérieure à 65 GW en janvier.

Il existe une corrélation entre la puissance fournie par les moyens de production pilotables et la consommation nationale suivant la logique de l’ordre de mérite économique. Cela consiste à activer les centrales pilotables dont le coût marginal est le plus faible à tout instant, dans l’ordre : hydraulique lac (bien qu’en partie conservé pour les pointes) – nucléaire –charbon et gaz (CCG) – fioul et gaz (TAC). La corrélation est illustrée sur la Figure 1.22 . Un code couleur (charbon : marron, gaz : jaune, hydraulique : bleu, nucléaire : rose) est utilisé pour visualiser les puissances moyennes horaires qui sont supérieures à la moitié de la plage de puissance observée de chaque moyen de production (en 2015).

Con s o m m a tio n [ M W ] Température [K]

Figure 1.22 : Production des centrales au charbon, gaz, hydrauliques et nucléaires françaises [MW] selon la consommation nationale en 2015

On représente Figure 1.23 ces points colorés superposés sur des histogrammes infra-journaliers et saisonniers (les lignes colorées sont une aide de lecture). On montre que :

• Tous les moyens de production ne dépassent la moitié de leur plage de puissance qu’en période hivernale, c’est-à-dire entre septembre et mars inclus.

• La production hydraulique de lac est celle qui répond le plus aux sollicitations infra- journalière avec des variations très nettes autour de 10 h et 20 h.

• Les productions par charbon et gaz présentent une variabilité jour/nuit marquée (surtout pour le gaz) mais les centrales sont plutôt allumées entre 8 h et 20 h sans grande variabilité. • La puissance délivrée par le nucléaire est quasi-invariante avec l’heure de la journée, le nucléaire ne s’ajuste donc pas (ou très peu) à une échelle infra-journalière. Par contre il délivre une grande partie de la variabilité saisonnière.

Consommation [MW] Consommation [MW]

Figure 1.23 : Fréquences des périodes de production à plus de 50 % de la plage de puissance de différents types de centrale selon l’heure de la journée (gauche) et par mois (droite)

On peut tirer deux conclusions de cette analyse :

• Les moyens thermiques fossiles se distinguent du nucléaire par la réponse à une variation jour/nuit. Partant de l’hypothèse qu’il faut avoir la même signature horo-énergétique qu’un moyen de production pour s’y substituer, les micro-cogénérations devraient présenter une variation de ce type pour prétendre effacer leur consommation. Un fonctionnement saisonnier (été/hiver) en continu est plus typique d’un réacteur nucléaire.

• Les variations franches de consommation sont absorbées en priorité par l’hydraulique, les moyens les plus modulants après eux sont les centrales gaz (en particulier TAC) et charbon. Lorsque la production renouvelable intermittente prendra une part sensible du mix électrique français, les premiers moyens à s’ajuster à l’échelle infra-journalière seront ceux- là. Si la puissance nucléaire disponible est diminuée, les centrales gaz seront vraisemblablement sollicitées davantage, l’hydraulique étant saturé. L’introduction

d’une production micro-cogénérée serait alors une solution moins émettrice

de CO2 pour un même service au réseau.

b) Evaluation quantitative

D’un point de vue quantitatif, (Roux, 2016) a proposé une modélisation conséquentielle du réseau électrique français qui permet de calculer l’impact d’une décision (construction d’un logement, installation d’une micro-cogénération, …) sur le fonctionnement du réseau et le moyen de production mobilisé supplémentaire.

Figure 1.24 : Contenu CO2 d’un kWh électrique marginal pour une approche attributionnelle (ACVA) et

conséquentielle (ACVC) dans le mix électrique français, source : (Roux, 2016)

Son approche de type « conséquentielle » aboutit aux mêmes conclusions que précédemment et montre que les moyens de production qui s’ajustent à un changement marginal de consommation sont les centrales gaz et charbon. Les conséquences sont, par exemple, que l’impact carbone d’un kWh électrique marginal est d’environ 600 gCO2/kWh (dans l’hypothèse d’une demande nationale

constante) soit une valeur bien plus élevée que la moyenne de la production française hors importations (entre 40 et 100 gCO2/kWh selon les années et les estimations).

En approche conséquentielle, le modèle de Roux montre qu’un approvisionnement par une micro- cogénération bois dont le rendement global est de 60 % (plus faible que des systèmes classiques) produisant 800 kWh/an d’électricité dans un logement individuel aboutirait à une réduction sensible d’émissions de gaz à effet de serre par rapport à un approvisionnement à partir du réseau électrique. À l’inverse, elle n’entraîne pas de baisse des émissions avec l’approche attributionnelle (aussi appelée « approche moyenne »). Le mauvais rendement de la cogénération entraîne des émissions de gaz à effet de serre pour la production d’électricité comparables à celle du réseau électrique lorsqu’elles sont calculées par une approche attributionnelle (et ce malgré l’utilisation du bois dont le contenu CO2 est faible). En effet, le contenu CO2 de l’électricité remplacée est de moins

de 100 gCO2/kWh avec l’approche attributionnelle et supérieur à 400 gCO2/kWh pour l’approche

conséquentielle.

Des outils d’ACV conséquentielle pourraient être chaînés aux outils que nous développerons dans la thèse pour traiter leurs sorties (production et consommation heure par heure). Cela permettrait d’évaluer au mieux les impacts environnementaux et énergétiques des micro-cogénérateurs.

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